Satan, vieil Androgyne ! en Toi je reconnais
Un Satyre d’antan que, bien sûr, je croyais
Défunt depuis longtemps. Hélas ! les morts vont vite !
Mais je vois mon erreur et, puisqu’on m’y invite,
J’avouerai qu’à mes yeux ce terrible Satan
D’une étrange façon rappelle le Dieu Pan.
Effroi des bonnes gens, terreur du Moyen Age !
Sans nul doute, le temps t’a changé quelque peu,
Et cependant tes yeux gardent le même feu.
Tes cornes ont poussé et ta queue est plus longue ;
Mais je te reconnais avec ta face oblongue,
Ton front chauve et ridé (tu dois être si vieux !)
Ta solide mâchoire et ta barbe caprine.
Je te reconnais bien, et pourtant je devine
Qu’il a dû se passer certains événements
Qui ne t’ont point laissé sans peines ni tourments.
Qu’est-il donc arrivé ? Qu’y a-t-il qui t’oblige
A éviter le jour de même qu’une Stryge ?
Ton air s’est assombri, toi déjà si pensif
Qu’on voyait autrefois, solitaire et craintif,
Errer dans la campagne en jouant de la flûte
Ou garder tes troupeaux assis devant ta hutte.
Qui donc t’a déclaré la guerre sans merci ?
Qui donc t’a dénoncé comme notre ennemi ?
Je ne l’aurais pas cru, et tu n’y pensais guère
Lorsque tu méditais paisiblement naguère.
Cela est vrai pourtant, ou du moins on le dit,
Et l’on fait là-dessus maint horrible récit.
Traqué de toutes parts, le pauvre Lucifuge
Au porche de l’église a cherché un refuge.
Il faut bien convenir que tu n’es pas très beau,
Tel que je t’aperçois sur ce vieux chapiteau.
Te voilà devenu la hideuse gargouille
Que quelqu’un, ange ou saint, sous ses pieds écrabouille.
Le chrétien te maudit, et le prédicateur
Te montre à chaque instant pour exciter la peur ;
Il te dépeint hurlant, t’agitant dans les flammes,
Et sans cesse occupé à tourmenter les âmes.
L’auditoire frémit, et, tout rempli d’effroi,
Redoute de tomber quelque jour sous ta loi...
Aujourd’hui c’est bien pis, et avec impudence,
Ô comble de disgrâce ! on nie ton existence.
Toi qui épouvantais jadis les plus puissants,
Te voilà devenu un jouet pour enfants !
Quelque vieille dévote, à la piété insigne,
Seule te craint encore et à ton nom se signe.
Moi, je sais qui tu es et je ne te crains pas ;
Je te plains de tout cœur d’être tombé si bas !
Je n’éprouve pour toi ni colère ni haine,
J’implore en ta faveur la Bonté souveraine,
Et j’espère te voir, antique Révolté,
Las enfin et contrit, rentrer dans l’Unité !
[poème de jeunesse de Guénon]
L’explication par la passion intellectuelle, le désir pur du savoir, est irrecevable dans un monde qui n’imagine pas la possibilité d’une réalisation par voie de gnose. Au contraire, l’impossibilité où l’on est à présent (ce n’était pas le cas dans la Grèce antique) de dissocier la science et la technologie révèle le désir de dominer, d’exploiter et de manipuler. La science n’apparaît plus comme une activité pure, désintéressée, mais comme une des pratiques les plus nettement orientées par la « volonté de puissance » dans laquelle Heidegger – et bien d’autres – on a pu soupçonner une puissance mystérieuse, analogue à l’ « esprit moderne » dénoncé par Guénon, qui posséderait ce monde de la technique, à l’insu même de ses acteurs.
[Michel Michel]
La clôture du monde laisse proliférer la contre-initiation, telle la psychanalyse procédant par l’analyse obligatoire du futur analyste. Elle exploite les « résidus psychiques » provenant de centres initiatiques éteints ou de civilisations disparues, et qui en suspension dans l’air du temps deviennent aisément manipulables. Donc, la banalisation d’un certain occulte, loin de manifester un caractère positif, correspond à l’obscurcissement accru de la Tradition, concourt à la descente prévisible du cycle.
[Victor Nguyen]
[…] l’hostilité de Guénon et de certains de ses disciples à la psychologie des profondeurs de Jung ne s’explique peut-être pas seulement par la peur de la confusion du psychique et du spirituel. Il s’agit aussi de limiter l’importance de la nature humaine, même imaginale, pour confirmer la radicale et surhumaine importance de l’originel transmis rituellement à travers une histoire elle-même soumise à l’entropie des cycles cosmiques des Manvantaras.
[Michel Michel]
Quand Freud parlait de symbolisme, ce qu’il désignait abusivement ainsi n’était en réalité qu’un simple produit de l’imagination humaine, variable d’un individu à l’autre, et n’ayant véritablement rien de commun avec l’authentique symbolisme traditionnel. Ce n’était là qu’une première étape, et il était réservé à d’autres psychanalystes de modifier les théories de leur maître dans le sens d'une fausse spiritualité, afin de pouvoir, par une confusion beaucoup plus subtile, les appliquer à une interprétation du symbolisme traditionnel lui même. Ce fut surtout le cas de C. G. Jung ...
Etienne Klein est physicien et philosophe. Il signe dans le "Cahier de l'Herne", consacré à André Comte-Sponville, un texte sur le temps et notre rapport à l'ennui, qui a toujours "une mauvaise réputation", mais qui peut aussi avoir des ressources, être un facteur créatif. le scientifique revient sur les définitions du vide et du néant, deux concepts bien différents qui intéressent les physiciens. Nous ne sommes pas égaux face à l'ennui, face au vide.
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous :
https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/la-grande-librairie-saison-12/1448617-a-quoi-sert-la-philosophie.html
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