La terre n'était qu'une désolation infinie et sans vie, où rien ne bougeait, et elle était si froide, si abandonnée que la pensée s'enfuyait, devant elle, au-delà même de la tristesse.
Le mouvement répugne au Wild et la vie lui est offense. IL congèle l' eau pour
l' empêcher de courir à la mer ; il glace la sève sous l' écorce puissante des
arbres jusqu' à ce qu' ils en meurent et, plus férocement, encore, plus implaca-
-blement, il s' acharne sur l' homme pour le soumettre et l' écraser .Car l' homme
est le plus agité de tous les autres, jamais en repos et jamais las, et le Wild hait
mouvement.
Le louveteau n'en accepta pas pour autant de se résigner. En dépit de ses souffrances qu'il endurait et de ses perpétuelle défaites, il demeurait indomptable.
Croc-Blanc, venait tout droit du Boréage, un monde brutal où les faibles périssaient en bas âge, où la moindre défaillance était fatale. Ni son père, ni sa mère, ni aucun de sa race ne connaissait la faiblesse. Croc-Blanc avait reçu à la naissance une constitution de fer et la vitalité de la terre sauvage, qui lui permettaient de s'accrocher à la vie de tout son être, de toute son âme, de toutes ses griffes, avec la ténacité qui avait été jadis l'apanage de toutes les créatures.
Celui qui verse une larme pour un animal peut sauver un enfant en larmes.
Celui qui maltraite un animal peut maltraiter le monde entier.
Telle est la compensation de cet esclavage, car il est toujours plus facile de s'appuyer sur un autre que d'être seul à faire face.
Le but de la vie, c’est de se nourrir. La vie elle-même est de la nourriture. La vie se nourrit de la vie. Il y a ceux qui mangent et ceux qui sont mangés. Telle est donc la loi : MANGER OU ÊTRE MANGÉ.
Chez les êtres simples, la notion du bien et du mal est simpliste elle-même. Le bien est représenté par toutes choses qui apportent contentement et satisfaction , et évitent la peine. Le mal signifie tout ce qui est incommode et désagréable, tout ce qui menace et frappe.
C'est que le Boréage n'aime pas le mouvement. La vie lui est une offense, car la vie est mouvement. Il gèle les eaux pour les empêcher de s'écouler vers la mer ; il prive les arbres de sève pour leur glacer le cœur ; et, avec une férocité plus terrible encore, il s'acharne sur l'homme pour le réduire à sa merci - l'homme, c'est-à-dire la vie dans ce qu'elle a de plus tenace, à jamais révolté contre la loi condamnant tout mouvement à une fin irrémédiable.
Le louveteau ne bougea pas davantage. Tout l'instinct de sa nature sauvage l'eût cependant poussé à fuir si un autre instinct ne s'était pas élevé en lui, impératif et soudain. Un étonnement inconnu s'emparait de son esprit. Il se sentait amoindri tout à coup par une notion nouvelle de sa petitesse et de sa débilité. Un pouvoir supérieur très loin, très haut au-dessus de lui, s’appesantissait sur son être et le maitrisait.