Hans Jonas se demandait s'il était possible de croire en Dieu après Auschwitz (
Le Concept de Dieu après Auschwitz, éd. Rivages, 1994). le récit de
Marceline Loridan-Ivens pose cette autre question : peut-on aimer après avoir été déporté ? Et surtout comment aimer ? C'est le thème de son témoignage,
L'Amour après (éd. Grasset).
Un petit mot d'abord sur cette auteure dont le nom de famille ne devrait pas laisser les cinéphiles indifférents.
Marceline Loridan-Ivens était en effet la compagne de
Joris Ivens, le documentariste d'origine néerlandaise surnommé "le hollandais volant", et qui a travaillé avec elle sur plusieurs films, dont le 17e Parallèle, Comment Yukong déplaça les Montagnes ou Une histoire de Vent.
Il est d'ailleurs question de lui dans
L'Amour après, ce récit se voulant en effet comme un hommage au grand amour de
Marceline Loridan-Ivens.
Un hommage
mais pas que : après un accident qui l'a laissée aveugle, l'auteur suit en effet le fil de ses
souvenirs et parcourt ses archives, dont principalement sa correspondance. le lecteur trouvera finalement assez peu de pages sur la déportation. Elle en avait parlé précédemment dans son récit,
Et Tu n'es pas revenu (éd. Grasset). Bien entendu, il est question de quelques faits marquants survenus dans les camps, traumatisants pour la jeune adolescente de 15 ans, perdue au milieu de femmes. Une de ces femmes apparaît dans le récit :
Simone Veil, droite, belle et forte, avec qui
Marceline Loridan-Ivens ramènera une amitié pour la vie : "Maintenant qu'elle n'est plus là, je sens bien que je pleure à l'intérieur. Je l'ai dit au cimetière : nous nous sommes rencontrés pour mourir ensemble."
L'Amour après s'interroge sur la manière dont la narratrice a appris à vivre parmi les hommes, au milieu des hommes et avec des hommes : "La survivante avait raté ses deux tentatives de suicide, c'est la preuve qu'une part d'elle voulait vivre."
Marceline Loridan-Ivens fait appel à ses
souvenirs pour inviter des hommes qui l'ont marquée, et parmi eux quelques figures célèbres :
Joris Ivens bien sûr,
mais aussi
Maurice Merleau-Ponty,
Edgar Morin ou
Georges Perec. C'est assez singulièrement que le Saint-Germain-des-Prés que l'on connaît, celui de l'insouciance d'après-guerre devient un théâtre où, en creux, se dessinent les traumatismes de la seconde guerre mondiale.
C'est avec un sens du combat hors du combat que
Marceline Loridan-Ivens est parvenue à survire, vivre et aimer, nons sans mal. Et finalement dompter un passé indicible.
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