Voici le troisième témoignage autobiographique de
Marceline Loridan-Ivens, après
Ma vie balagan (Robert Laffont, 2008) et
Et tu n'es pas revenu (Grasset, 2015, coécrit avec
Judith Perrignon).
Dans ces trois oeuvres, elle décrit trois facettes différentes de son retour d'Auschwitz. Chaque roman est unique. Si
Ma vie balagan évoque son combat politique,
Et tu n'es pas revenu explique son impossibilité de reprendre la vie d'avant, lorsque la famille attend le retour du père, pas le sien. Dans
L'amour après, l'auteure traite avec force le sujet de son émancipation sexuelle.
Incroyable bout de femme ! A l'âge de 89 ans, pétillante de malice, elle extirpe d'une valise, la valise d'amour comme elle l'appelle, les lettres enflammées qu'elle a reçues dans les années 1950. Avec un mélange de tendresse, d'humour et de brutalité, elle se souvient. La plupart de ses conquêtes de l'époque étaient des Juifs, rescapés des camps comme elle, ou pas. Ils lui ont tous servi d'alibi d'émancipation. Mais en ce qui concerne le plaisir physique, elle n'en a retiré aucun. Elle a été en effet incapable de jouissance pendant de longues années, conséquence directe de son vécu à Auschwitz. Il faut comprendre, et
Marceline Loridan-Ivens l'explique fort bien, que dans les camps de concentration, le lâcher-prise conduisait à une mort certaine.
Privée d'adolescence et de l'innocence des premiers émois amoureux, c'est adulte et meurtrie qu'elle se forge ses premières expériences, dans le seul but de désobéir à sa mère qui aimerait la marier et d'éprouver, encore et toujours, sa liberté.
Dans La vie après, elle raconte également les hommes qui ont marqué sa vie de femme. Celui qui n'a pas compté mais qui a réveillé son corps ;
Francis Loridan, son premier époux, tendre échec qui l'éloignait des sphères intellectuelles. Et bien sûr
Joris Ivens, son deuxième mari, avec qui elle a tourné tant de films documentaires.
Ce témoignage est aussi un prétexte pour évoquer l'époque –
Marceline Loridan-Ivens ne serait pas elle-même, si elle n'évoquait pas ses combats. Elle raconte donc le milieu intellectuel qu'elle épouse, ses rencontres avec
Georges Perec ou
Edgar Morin. Elle évoque bien sûr ses combats politiques, l'Algérie en particulier. Et, à plusieurs reprises, elle parle de son amitié pour
Simone Veil.
L'hommage à Simone est merveilleux, vibrant d'humanité.
J'ai eu la chance inouïe de pouvoir rencontrer
Marceline Loridan-Ivens dans le cadre du Grand Prix des Lectrices ELLE 2016. Je n'oublierai jamais l'aura que dégage cette petite femme d'un mètre cinquante à peine. Elle a écrit
L'amour après deux ans après
Et tu n'es pas revenu. le récit montre à quel point sa fraîcheur intellectuelle reste intacte, même si son physique faiblit. Un chef d'oeuvre, à lire pour la beauté du texte et la lutte contre l'oubli.
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