Je l'avais lu, je l'ai relu ! Avec autant d'appétit pour tourner les pages.
Pierre Loti maîtrise à merveille la description de la mer en furie, la formation des vagues, la houle, la tempête qui s'amorce et enfle, les nuages qui laissent entrevoir ce que seront les heures qui viennent dans ces froides régions d'Islande, les marins aux aguets.
Il sait capter et décrire avec maestria la lumière étonnante du soleil de minuit, une lumière froide et blafarde dont les hommes se méfient... " Dehors, il faisait jour, éternellement jour. Mais c'était une lumière pâle, pâle, qui ne ressemblait à rien ; elle traînait sur les choses comme des reflets de soleil mort."
En revanche je ne sais pas s'il voulait plaire aux gens de la mer mais j'ai trouvé qu'il manquait totalement de nuance dans la psychologie des marins, tous sont dotés d'une grandeur d'âme stéréotypée et assez peu crédible !
Je n'ai pas non plus été vraiment touchée par l'histoire d'amour entre Gaud et Yann, un peu cousue de fil blanc à mon sens.
Seul le portrait de la vieille Yvonne, grand-mère de Sylvestre m'a émue tout au long du roman, en particulier la scène où elle dépense ses dernières économies pour prendre le train et aller retrouver à Brest son petit-fils mobilisé pour la Chine et lui offrir toute la joie dont elle est capable avant son départ vers l'Orient.
L'auteur a des mots admirables pour décrire ces adieux :
"Lui, contre cette barrière, agitait avec une grâce juvénile son bonnet à rubans flottants, et elle, penchée à la fenêtre de son wagon de troisième, faisait signe avec son mouchoir pour être mieux reconnue. Si longtemps qu'elle put, si longtemps qu'elle distingua cette forme bleu-noir qui était encore son petit-fils, elle le suivit des yeux, lui jetant de toute son âme cet - au revoir- toujours incertain que l'on dit aux marins quand ils s'en vont."