« Je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre la fuite »
Être différent. Voilà ce qu'Eddy est, en tout cas pour son milieu natal. Un semblant d'homme, homo, incompris par sa propre famille (des pauvres incultes) et rejeté par les vrais hommes, les gros durs de Picardie, fermés d'esprit face à une soi-disante différence. Voix aiguë, déhanché incontrôlé et manières féminines caractérise cet enfant de 10 ans, qui apprend à grandir en essayant de coller aux attentes, en restant dans les rangs, pour ne pas sortir du droit chemin : Être pédé ? Surtout pas ! Eddy se refuse à cette évidence pour ne pas décevoir, quitte à travestir sa propre existence. le rejet des autres l'amenant à se rejeter lui-même.
Édouard Louis nous livre le portrait d'un milieu populaire crasseux où règne l'alcool et le porno. Un milieu où les pédés ne sont pas aimés.
L'émotion vient d'elle même, par une écriture maitrisée et ne glissant pas dans un pathos ridicule. Les mots sont crus, froids imposant une distance entre l'auteur et son texte. La violence est omniprésente, dans les paroles, les réactions, le refus et le déni. La nuance utilisée ne condamne cependant pas sa famille bouseuse, pas plus que les bourges auteurs des crachats et des violences physiques.
L'universalité de ce roman en fait un témoignage poignant de la vie difficile vécue par ces jeunes maltraités. Cette violence et cette intimité font de ce roman personnel une bible à l'acceptation.
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ce livre est tout simplement formidable. L'écriture, assez simple mais mélangeant deux styles (le langage du village et le sien, académique), permet une lecture vraiment rapide, agréable, naturelle, réelle, qui fait que plus on avance et plus on a du mal à le lâcher. Au début, je n'étais pas certaine qu'il s'agissait d'une autobiographie. Mais on vit tellement à travers les yeux du narrateur que je me disais "si c'est une autobiographie, elle est superbe, si c'est "juste" un roman, il est exceptionnel". Bon, c'est finalement une autobiographie donc, mais ça rend d'un autre côté le récit d'autant plus poignant qu'on sait que c'est vrai. C'est finalement assez dérangeant même, du coup, de voir cette pauvreté au XXIème. La date où se passe les événements, je l'avoue, est vraiment ce qui m'a le plus dérangé.
Enfin, on vibre vraiment à travers les yeux d'Eddy Bellegueule (son vrai nom, incroyable...), ce jeune homosexuel qui rêve de ne pas l'être pour arrêter de souffrir de l'homophobie. Une vraie perle. Je le recommande vivement.
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Un roman très poignant et envoûtant par le choix des souvenirs et des mots.
Ce livre m'a été recommandé par un parent qui a eu subi des conflits familiales et me l'a conseillé pour vaincre les miens.
Ca a redonné un sens à tous mes souvenirs et en sortir le meilleur.
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vérité ou roman, toujours est il que ça nous touche !
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Un roman lu presque d'un trait, tant le fond et la forme sont haletants par la gravité de la vie d'Eddy Bellegueule qui subit les préjugés, la violence de la misère financière et sociale de sa famille et de son village.
Impossible d'oublier ce roman !
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Moi j'ai adoré ! je l'ai trouvé sensible, émouvant, âpre, courageux. Il a dépassé la colère, je crois qu'il a même tout au fond et malgré tout de la tendresse ou de la pitié à fleur de mots. A lire d'une traite, en apnée, du début à la fin.
Ouff, respire.
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On peine à croire que l'auteur est notre contemporain : les modes de vie qu'ils décrit semblent plus proches des Misérables de Hugo (1862) que des Misérables de Ladj Ly (2019).
Mieux que n'importe quelle enquête sociologique (lire Ceux qui restent), ce récit autobiographique nous transporte dans le quotidien froid, humide et brutal des habitants d'une bourgade picarde à l'horizon bouché par les murailles de leur classe sociale. Dans cette prison au ciel couvert, l'égalité des chances passe pour un idéal aussi concret que l'amour universel et que la vie éternelle : on reste, on se déteste, et on meurt.
La fuite de l'auteur, à peine esquissée dans le livre mais d'emblée dévoilée par sa condition précise d'auteur, semble relever d'un évènement surnaturel.
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