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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Moi qui, "trottinant sur le bas-côté du grand chemin de l'Histoire", ne sais que consommer et ne rien produire, qui soit utile à l'humanité j'entends, dois-je jalouser l'astronome danois Tycho Brahé qui formulait en ces termes son voeu le plus cher : "Ne frustra vixisse videar", que je ne semble avoir vécu en vain.

Avant que de lire cet ouvrage de Jean-Pierre Luminet, L'oeil de Galilée, par quelques nuits claires, les yeux dirigés vers les étoiles, j'avais déjà eu l'occasion de méditer sur la profondeur de l'univers. Mais que savons aujourd'hui de plus que Brahé, Kepler son disciple, Galilée, et autres astronome, mathématicien, physicien de ce fabuleux siècle de la Renaissance, sur le mystère de l'infini. Certes nos yeux se sont portés plus loin dans les galaxies, ont découvert planètes, comètes et autres trous noirs, mesuré des distances en années lumières, émis des hypothèses sur la formation de l'univers, le Big bang. Nos congénères ont même fait une incursion sur la boule d'ivoire qui illuminait les nuits de Copernic. "Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité". Mais plus que Brahé, Kepler et Galilée, sommes-nous capables de nous situer entre les deux infinis, le grand et le petit ? Ce mot qui justement échappe à notre entendement. Parce que dans ce mot, in-fi-ni, réside tout le mystère de la vie. Kepler le ressentait bien comme tel, même si, scrutant le ciel avec ce télescope rudimentaire qui vaut à cet ouvrage son titre, il lui fixait des bornes à cet univers.

Aussi qu'importe géocentrisme ou héliocentrisme dont il est beaucoup question ici. Qu'importe si c'est la terre qui est au centre de l'univers, concept cher à Aristote, Ptolémée et consorts, auquel s'accrochaient les "théologiens s'occupant d'autre chose que de foi", dans leur grande intolérance aveugle, ou si c'est le soleil qui est au centre de l'univers, contradiction défendue par Copernic puis Galilée. Ce dernier étant obligé de se déjuger au risque de condamnation pour hérésie, bougonnant dans sa barbe cette réflexion certainement apocryphe : "E pur si muove !" Et pourtant, elle tourne, en parlant de notre planète autour du soleil.

Qu'importe ce que l'on désigne comme le centre de l'univers, puisqu'entre les deux infinis, bien malin qui peut situer un centre. Car c'est là, c'est à dire partout et nulle part, que réside la réponse à la question, la seule, la vraie : pourquoi la vie ? Pourquoi nous sur terre, perdus au milieu de nulle part ? Pourquoi une vie bornée par une naissance et une mort dans un univers qui lui n'en connaît point de bornes ?

Que de questions sans réponse ! Abandonnant la métaphysique pour verser dans le concret, Kepler se les posait déjà. S'imposeront-elles à moi ces réponses quand mon coeur aura cessé d'irriguer cet organe insensé qui transforme un processus chimique en pensées ? Et Dieu sait s'il a bien fonctionné dans le crâne de Kepler ce cerveau, entre 1571 et 1630, pour lui faire écrire autant de théories qui dans sa postérité trouveront leur preuve. Sauf bien sûr la finitude de l'univers.

Il est vrai que lorsqu'on touche aux étoiles, on avance de quelques millimètres vers l'infini. C'est pour cela que l'expression que je trouve la plus seyante pour désigner cette belle science qu'est l'astronomie, c'est bien celle qui qualifiait alors l'astronomie de "philosophie naturelle". Toute hypothèse sur la conformation de l'univers ne sera jamais en fait, aussi loin que se portera notre regard, que vue de l'esprit sujette à réflexion, discussion, rêverie peut-être, et surtout contradiction. Et si un jour un esprit supérieur équipé d'yeux de lynx trouvait des bornes à notre univers, un début et une fin avec comme un grand mur, je serai le premier à l'approuver. C'est vrai ce que tu dis, mais dis-moi, au fait, derrière ce mur, il y a quoi ?

Utilisant le procédé narratif d'un témoin fictif de faits pourtant bien réels, pour autant que leurs colporteurs ne les aient pas trahis au fil du temps, cet ouvrage de Jean-Pierre Luminet a pu en dérouter plus d'un. Il est vrai qu'il y a de quoi se noyer dans les atermoiements des scientifiques de la Renaissance émis entre les menaces des papistes et leur envie de faire éclater le fruit de leurs cogitations illuminées, de mettre à jour l'exactitude, chère à Marguerite Yourcenar, qui seule appartient à la Nature, a contrario de la vérité qui existe en autant de versions qu'il y a de bouches pour la prononcer. Il n'en reste pas moins que Jean-Pierre Luminet a su retirer à ses écrits le côté abscons dont le sujet aurait pu remplir les pages.

La vie de cet homme de science, Kepler et non Galilée comme le titre de cet ouvrage le laisse à penser, m'a passionnée. Je reste subjugué par la production d'autant de théories avec aussi peu de moyens d'observation, et surtout dans un climat aussi tourmenté par la folie des hommes en ce siècle où la religion catholique n'admettait pas la contradiction.

Alors héliocentrisme ou géocentrisme quelle importance dans un univers où nul ne pourra jamais situer de centre. Et pourquoi ne serais-je finalement pas, moi, en entorse à ma réserve naturelle, le centre de l'univers ? Engendré par le grand orgueil du tempérament humain, l'égocentrisme n'est-il pas la seule constante à réunir les générations.

Johann Kepler, astronome ou astrologue ? Les deux mon général ! Il fallait bien flatter les faibles d'esprit quand ils se trouvaient avoir un peu d'influence, et les rassurer quant à un avenir dont ils ne voulaient voir le côté sombre. Avec cette singularité et celle de son époque, dans "la longue marche vers la vérité céleste" il a fait preuve d'une grande sagesse qui mérite d'être connue.
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A sa mort, le sinistre Tycho Brahé (1546-1601), laisse derrière lui les relevés de ses observations méticuleuses du ciel. Johann Kepler (1571-1631) qui lui succède comme mathématicien de l'empereur Rodolphe II, à Prague, récupère ce précieux héritage ; il l'utilise pour comprendre les déplacements des planètes. En Italie, Galilée (1564-1642), lui, observe le ciel à travers les premières lunettes astronomiques.

Ce roman met en scène ces célèbres personnages et leurs découvertes. Ces trouvailles - sur lesquelles Newton (1642-1727) s'appuya pour construire sa théorie de la Gravitation universelle - bouleversèrent la vision que l'homme avait du monde, en confirmant la théorie héliocentrique du chanoine polonais Nicolas Copernic (1473-1543), et en infirmant les théories géocentriques de l'astrologue égyptien Ptolémée (100-168) et de Tycho Brahé (qui pensait que la Lune et le Soleil tournaient autour d'une Terre située au centre de l'Univers tandis que les planètes tournaient autour du Soleil, pensant ainsi résoudre des incohérences entre le système de Ptolémée et les mouvements de Vénus).

Au début du 17e siècle, l'Eglise catholique romaine luttait férocement contre l'idée selon laquelle la Terre n'est pas au centre du monde. N'est-il pas écrit dans l'ancien testament « aussi le monde est ferme, il ne chancelle (bouge) pas » (psaume 93) ? A l'époque, cette Eglise ne rigolait pas avec ses dogmes ! Ceux qui osaient les contredire risquaient tortures et passage à la rôtissoire, comme l'italien Giodano Bruno (1548-1600), brûlé vif pour avoir défendu l'héliocentrisme et affirmé l'existence d'« une infinité de terres, une infinité de soleils et un éther infini »… Comme le montre le roman, la mère de Johann Kepler, accusée de sorcellerie, fit aussi les frais des excès de zèle des juridictions inquisitoriales, même si elle parvint à échapper au bûcher.

Le dernier tribunal inquisitorial se réunit à Mexico en 1850, et l'Eglise ne se repentit officiellement des crimes commis par l'Inquisition qu'en 2000. Voyez à quelle vitesse cette institution - qui prétend dicter les comportements de chacun - reconnaît ses abus ! Et la large interprétation qu'elle fait du pardon quand il s'agit de se l'appliquer à elle-même ou aux membres de sa hiérarchie [à ce jour, le cardinal Barbarin n'a pas été démis de ses fonctions par le Vatican].

Ce roman est très documenté, sur l'évolution des théories cosmologiques (l'auteur est astrophysicien) et sur les contextes historiques dans lesquels elles sont nées. Il est très instructif mais les conflits de l'époque, entre Etats et entre chapelles, sont fastidieux à suivre pour ceux qui ne sont pas férus de cette période.
Sur la remise en cause du géocentrisme par Johann Kepler, je recommande plutôt l'excellent essai historique d'Arthur Koestler intitulé « Les Somnambules », bien plus agréable à lire.
Je lirai volontiers les premiers tomes de la série « Les Bâtisseurs du ciel » de Jean-Pierre Luminet, consacrés respectivement à Copernic (« le Secret de Copernic ») et à Tycho Brahé (« La Discorde céleste »), sans toutefois me précipiter.
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Jean-Pierre Luminet continue Les bâtisseurs du ciel, sa série de biographies romancées des astronomes fondateurs de la science moderne. La vie de Galilée est plus connue que celles de Copernic et de Kepler mais non moins intéressante.
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A nouveau un excellent roman de JP Luminet qui nous fait découvrir les pionniers de la découverte du ciel et des méchanismes qui régissent les rondes des planètes.
J'ai beaucoup aimé et je me suis pris d'affection pour Johann Kepler qui arrive à mettre tous les éléments en place pour décrire la trajectoire eliptique des planètes. de plus la trame est bien faite car elle montre bien les enjeux également confessionnels qui régissaient ce 17ème siècle entre influence catholiques et réformées mais aussi entre luthériens et calvinistes.
Pas besoin dêtre érudit ou un as de la physique pour apprécier ce roman, JP luminet arrive parfaitement à rendre accessible tous ces enjeux... A lire sans modération et à mettre entre toutes les mains curieuses...
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