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3,43

sur 304 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Un roman d'une beauté terrible" : cet oxymore signé Edna O'Brien décrit parfaitement ce roman.

Pour commencer je dois dire que quelque chose m'a un peu gênée au niveau de la forme. La manière d'introduire les dialogues des auteurs contemporains me dérange souvent. Paul lynch Lynch ne les introduit pas du tout. Pas de guillemets, ni de tirets. On peut entrer dans un dialogue en milieu de ligne et passer de "je" à "elle" dans la même phrase. J'ai eu un peu de mal à m'y faire au début, surtout que visuellement cela donne des pages très peu aérées. Cependant la beauté de l'écriture compense largement.
Les paysages sont biens plus vivants que les personnages humains et les personnages principaux sont en fait la Faim la Peur et le Froid. de ce point de vue là je dirais que c'est un roman choral. Les critiques disent souvent pour faire l'éloge d'un livre que c'est 'sans pathos', je dirais ici au contraire que l'auteur manipule nos émotions avec une adresse de funambule. Et j'adore ça. D'un bout à l'autre il nous maintient dans un clair-obscur où la beauté de l'écriture transcende la tristesse des péripéties, qui pourraient être résumées en quelques petits paragraphes. Mais les descriptions des émotions, des sensations, servies par les paysages sont à couper le souffle. On navigue constamment aux frontières du fantastique ou de la folie entre rêve et réalité, vie et mort, espoir et désespoir. On y est immergé dans les superstitions et les croyances mythologiques paysannes irlandaises ou plus largement Celtes. Je m'y suis parfois égarée et, dans ces moments-là, je me suis demandé pourquoi je lisais ce livre, mais le plus souvent j'étais absorbée de manière quasi hypnotique par les mots de Paul Lynch. Grace est une héroïne onirique, presque messianique, si on peut prendre ce mot dans un sens vidé de tout dogme, ce qui
amplifie la sensation lumineuse qui se dégage au fil des pages malgré les tragédies.
J'en sors vidée comme si je venais de pousser un long cri. Pas vraiment un coup de coeur, plutôt un "coup d'âme" si je peux me permettre l'expression.
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Je ne connaissais pas du tout Paul Lynch, et je suis tombée sur ce roman en lisant une chronique de @des_mondes_et_des_mots, encore merci à toi, car je serais passée à côté d'un roman magnifique.

Je ne regrette pas du tout de m'être laissée tenter. Ce fut une lecture intense, j'ai mis du temps à le lire (presque 20 jours, alors que je suis à une moyenne de 7 jours). Et je pense qu'il faut clairement prendre le temps de le lire.

Le propos est dur, nous sommes en Irlande au 19eme siècle, la famine que connait le pays fait de nombreux morts. Grace, 14 ans, est donc envoyé, par sa mère, sur les routes, déguisée en homme pour trouver du travail. Nous allons la suivre dans son périple. La dureté de la vie est narré de façon lyrique et onirique, les mots de Paul Lynch sont beaux alors que ce qu'il nous décrit est atroce.

J'ai frémi, j'ai pleuré. La vie n'a pas épargné Grace. La vie est tellement dure que l'on va se retrouver face à trois pages noires, trois pages qui finissent de nous mettre à terre. Bouleversant.

J'ai mis du temps à écrire cette chronique, le temps pour me remettre de cette lecture. J'ai pris le temps et malgré ça, je ne suis pas sûre que mes mots rendent justice à ce roman et à l'auteur incroyable qu'est Paul Lynch.

Ce qui est certain, c'est que je lirais ses autres romans. Et bien-sûr je ne peux que vous le recommander. Choisissez bien votre moment pour le lire, prennez le temps. J'ai eu de très bonnes lectures cette année, mais je pense que finalement mon coup de coeur sera celui là.
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Dans ce roman, chaque chapitres est une nouvelle rencontre pour Grace, quand on croit qu'elle va surmonter la Grande Famine qui frappe l'Irlande, le doute s'installe de nouveau pour sa survie car le danger rôde toujours et partout. A travers ses yeux, il nous est dépeint les morts, la mendicité, la violence de certains, l'ignorance des riches envers les pauvres et l'on ressent la dureté de l'hiver. Dans son périple, elle est accompagnée de la voix de son frère en pensée qui lui pose des devinettes, lui donne ses impressions et lui chante aussi des chansonnettes. Cela lui apporte un peu de réconfort quand elle est au plus mal.
Sa rencontre avec Bart m'a beaucoup touché, avec lui elle doit se dépasser pour survivre, faire des choses auxquelles elle n'aurait pas été capable d'effectuer car malheureusement en cette période tout est permis pour rester en vie. Bref, nous suivons pour un temps une très belle complicité entre eux.
Grace est une héroïne touchante, courageuse, qui n'oublie pas qui elle est et dont on souhaite qu'elle va enfin pouvoir vivre en paix.
Pour conclure, ce roman est poignant, il nous retranscrit une période difficile en Irlande et nous fait prendre conscience de la capacité de l'être humain pour survivre dans des circonstances plus que difficiles.
Lien : https://meschroniquesdelectu..
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Grace / Paul Lynch
Une odyssée vers la lumière.
L'histoire commence à Blackmountain dans le comté de Donegal en Irlande en 1845. La Grande Famine ravage le pays car le mildiou a anéanti les cultures de pomme de terre, l'aliment de base des paysans irlandais ; la jeune Grace Coyle est contrainte de quitter sa famille composée de sa mère Sarah enceinte d'un cinquième enfant, de son jeune frère Colly âgé de 12 ans et de deux petits, afin de chercher un moyen de subsistance. Après s'être vue couper ses beaux cheveux longs au couteau par sa mère et affublée de vêtements pour ressembler à un garçon, Grâce part en compagnie de Colly sur les routes vers la ville pour tenter de trouver un travail afin de ramener quelque monnaie pour nourrir la fratrie. Pas de père connu donc mais un sinistre individu répondant au nom de Boggs , propriétaire de la bicoque exerçant un droit de cuissage sur Sarah en guise de loyer, passe de temps à autre donc prendre son loyer et aussi loucher vers Grace qui a 14 ans. Sarah ne peut le supporter et incite Grace à partir.
D'emblée on est séduit par le style poétique et la qualité de la traduction : « Grace se tient dans la pénombre pour guetter le retour de sa mère…Le vent, animal invisible, flaire les herbes et les fait ployer, accompagnement constant de sa vie ici à Blackmoutain, sur cette colline nervurée de rocs … »
Sous une pluie battante et un froid saisissant, les deux enfants errent à la sortie de la ville parmi les gens ivres et les va – nu - pieds et ils leur tardent de trouver le calme de la campagne afin de rencontrer au hameau voisin Dinny Doherty, un ami de Sarah marchand de poneys. La faim et le froid, la peur et les superstitions ont vite fait d'épuiser et angoisser Grace et Colly qui se réfugient dans une bicoque délabrée qui leur réserve un dangereuse surprise. On est dans la période de la Nuit des Morts (Samhein) et la grande faucheuse guette ses proies.
Grace rencontre un groupe de garçons qui mène un troupeau de bovins à travers le Donegal et se joint à eux toujours avec cette crainte d'être découverte être une fille. Les moments de la toilette sont particulièrement délicats et combien de temps encore pourra – t – elle cacher son identité ? Et qu'adviendra – t - il ensuite ?
Commence alors pour Grace une errance de plusieurs années avec pour seule compagnie dans un premier temps la voix de son frère Colly qui murmure en elle. Souvent pourchassée telle un gibier, Grace finit par faire route avec un jeune estropié, John Bart, qui la défend contre les hommes sans obtenir la moindre reconnaissance : Grace est devenue une sorte d'animal sauvage avec pour seule arme son couteau qui ne la quitte jamais, mais elle a besoin de John pour la défendre contre les hommes.
« Dans la lumière vacillante, elle voit qu'il est hachuré de cicatrices. le souffle coupé, elle lui effleure la peau et retire aussitôt sa main. Elle se demande quelle existence il a menée, quelles circonstances l'ont conduit jusque là, auprès d'elle à cet instant précis, évoquant devant le feu comme un pur esprit, comme un danseur, une ombre avec un couteau. »
le corps de Grace « pousse de partout » au point qu'elle a renoncé à bander sa poitrine. Et John Bart comprend peu à peu mais garde le silence. Tout deux deviennent des bandits de grands chemins et n'hésitent plus à piller et voler pour survivre après avoir fait la connaissance de Mc Nutt, un homme terrible qui les prend sous sa coupe.
Rencontres de mendiants, de brigands et d'assassins se succèdent. Des pages et des pages de litanies de misère, de froid et de faim, un récit haletant comme leur course à travers les landes désolées balayées par les vents glacés. Avec Colly dans son coeur, elle réalise que le monde n'est pas aussi simple que ce qu'elle croyait, à savoir qu'il y avait le bien d'un côté et le mal de l'autre. Elle n'est plus sûre de rien avec tout ce qu'elle a vu autour d'elle, tout ce qu'elle est obligée de faire pour survivre et se dit que l'on ne peut passer pour quelqu'un de mauvais quand on essaie simplement de sauver sa vie.
La rencontre d'un gourou concupiscent et s'adonnant volontiers à la simonie ne la fera pas dévier de sa route apocalyptique et hallucinatoire et de son instinct de survie pour trouver un morceau de pain.
Tout au long de ce récit de 580 pages écrit dans un style lyrique et poétique, Paul Lynch nous offre un suspense dans le genre de celui de « La route » de Cormac Mc Carthy.
Il faut savoir que la Grande Famine de 1845 en Irlande dura sept ans et qu'elle réduisit la population d'un quart de par les décès et l'émigration massive, notamment vers les Etats-Unis.

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Ce roman se déroule en Irlande en 1845 lors de la grande famine qui a coûté la vie à plus d'un million de personnes et provoqué une émigration massive.
Grace à 14 ans lorsque sa mère lui coupe les cheveux sans explication et l'affuble des vêtements de son père qu'elle n'a pas connu, pour l'expédier sur les routes afin qu'elle essaie de trouver de quoi manger. Colly,son petit frère, vivant ce depart comme une déchirure se sauve de la maison pour la rejoindre. Ils vont vivre le pire. Grace sera confrontée à la misère absolue,croisera la mort,la maladie,la faim,la peur. Son errance sous le signe de la survie prend des allures d'apocalypse. Extrêmement fragilisée et seule pour affronter l'indicible elle ne fait plus la différence entre fantasme et réalités, hallucination et vérité. Se superposent les légendes,les superstitions,les sentences religieuses. Je voyais parfois se dessiner le jardin des délices de Bosch,côté Enfer évidemment !
Paul lynch crée cependant des ruptures d'ambiance et d'énergie au cours de ce terrible périple. Ainsi,lorsque Grace se retrouve à conduire un troupeau de bétail on approche du western. Puis lorsque son chemin croise celui de Bart et qu'elle devient " la reine des pirates" une relative légèreté s'instaure. La violence cotoye la fraternité et la joie un peu facon" Robin des bois". Progressivement l'auteur apporte une maturité ,une philosophie,qui modifient encore le scénario.
Malgré l'ancrage de son roman dans cette période dramatique de l'Irlande, Paul Lynch nous livre un roman plus social qu'historique avec un personnage féminin magnifique. Il pose des questions intemporelles sur la pauvreté, l'errance,le déracinement, la vulnérabilité des femmes dans les situations d'extrême précarité. Il interroge aussi avec force la notion de morale et ce qui en détermine les limites et même parfois les aberrations.
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La scène inaugurale annonce d'emblée la rudesse de l'ouvrage. Par un matin pluvieux d'octobre 1845, dans une masure du comté de Donegal, Grace, quatorze ans, est tirée de son lit par sa mère qui, sans ménagement, coupe sa chevelure. Veuve chargée d'enfants, vivant sous la coupe d'un cruel propriétaire et dépourvue de ressource face à la disette, elle envoie son aînée chercher sa pitance sur les routes, travestie en garçon. Commence pour Grace une longue et périlleuse épopée à travers l'Irlande affamée. Une terre exsangue, dévastée par le mildiou et la politique désastreuse des Anglais, sur laquelle morts et vivants se confondent comme au temps des légendes anciennes. Tour à tour gardienne de bétail, brigande et pénitente, l'adolescente se bat sans trêve contre la faim, les intempéries et la violence des hommes, prêts à tout pour survivre. le fantôme taquin de son frère Colly, emporté par les flots d'un torrent au début de leur périple, constitue son seul soutien. Un lien ténu avec le passé qui malgré les épreuves ne faiblira pas. Au terme de ces années d'errance, Grace, devenue femme après avoir frôlé la mort, retrouvera sa terre natale et finira par atteindre, sinon la rédemption, du moins une forme d'apaisement. L'auteur dépeint cette traversée de la misère d'une plume sensorielle et hallucinée qui donne l'illusion d'avoir partagé le sort de personnages d'un tableau de Bosch ou de Brueghel. Il en résulte un récit poignant que je conseille dès le lycée à tous les lecteurs amateurs d'histoires de survie.
Lien : https://leventdanslessteppes..
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Irlande 1845 : époque de la Grande Famine, ses faits, ses conséquences, ses dérives inévitables, et qui est à l'origine d'un exode massif à l'intérieur du pays, y compris aux Amériques.

Irlande 1845 : Sarah, enceinte de son 5ème enfant, ne pouvant plus nourrir sa famille, et souhaitant avant tout soustraire sa fille de 13 ans des visées malsaines de leur propriétaire, prend une décision majeure; un matin, elle tond Grace, l'habille en garçon, et l'envoie seule sur les routes vers un monde que, de tout coeur, elle espère pour elle meilleur. Colly, le petit frère, s'enfuit avec sa soeur et l'accompagne dans ce voyage initiatique de plus de quatre années.

Maelström grandiose ! Epopée qui retrace une période horrible à vivre, horrible à lire, où, pêle-mêle, surgissent joies, drames, croyances, superstitions, religion, folklore, onirisme, la faim, la peur, le froid, l'imaginaire, enthousiasmes et craintes enfantines, courage des ados, lassitude et déshumanisation des adultes, violences, injustices, jusqu'à l'innommable.

Grace tente de survivre, usant de mille subterfuges, tour à tour conscients et semi inconscients : fuite, affrontements, refus, acceptations; douleurs insupportables et certains de ses actes la font culpabiliser au point d'y réagir en schizophrène, seul biais salvateur pour supporter et aller outre.

La poésie, le lyrisme, la nature hyper présente qui a souvent voix de personnage, l'écriture lumineuse, les personnages attachants voire émouvants, savent illuminer ce roman, le nimbant d'une beauté tragique, éblouissante, ensorcelante.

NB :
* A certain moment, les quelques pages noires qui ont valeur de chapitre, bruissent, oh combien plus parlantes que les mots …
* A relever en préliminaire que la traduction de Marina Boraso peut figurer parmi les meilleures.
* Enfin, ce récit résonne, tel le jumeau manifeste de celui des "nouveaux arrivants" (Leila Slimani) d'aujourd'hui.
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Subjuguant. Extraordinaire. Une vision apocalyptique de la fuite en avant de la vie sur un fléau : la famine irlandaise. La Grande famine. J'en reste glacée et la tête pleine des images de souffrance et d'effroi.
L'écriture de cet auteur est incroyablement sensible et d'une poésie exceptionnelle tout en étant très réaliste dans chacun des détails glaçants. Ne pas passer à côté de ce roman ci.
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Empoignée par sa mère, juste avant l'aube d'un jour d'octobre, Grace est brutalement traînée jusqu'au billot de bois. La lame du couteau s'avance et l'adieu à sa chevelure sonnera son départ de Blackmountain. En supprimant ses mèches de cheveux, sa mère lui donne la force pour contrer cet octobre du déluge. Affublée d'une culotte d'homme, la casquette rivée sur son crâne douloureux, Grace a quatorze ans et doit partir sur les routes du Donegal pour tenter sa chance, trouver du travail et fuir dans le même temps les envies du dégoûtant Boggs.
Dans ce comté du Donegal et dans toute l'Irlande, en cette année 1845, les récoltes gâchées par les pluies incessantes ne laissent plus que la boue noirâtre et la faim dévorante dans son sillage. La Grande Famine est là et le lecteur se voit jeter dans cette misère, cette désolation, cette souffrance qui vont s'attacher à chacun des pas de cette jeune fille si peu armée pour y faire face.
Son frère Colly et sa pipe en argile qu'il fume déjà à l'âge de douze ans pour calmer sa faim, se sauvera de chez eux pour l'accompagner.
La première ville rencontrée sera masquée sous la pluie et ne leur offrira que sa surface détrempée. Sous un appentis percé de toutes parts, jonché de paille moisie, il faut y passer la nuit de Samhain sans oublier de tenir les esprits des morts à distance même si finalement les morts sont bien moins menaçants que certains vivants rencontrés en chemin. Déjà les pensées de Grace ne peuvent qu'affirmer « La vérité, pense-t-elle, c'est que le froid est la nature profonde du monde, alors que la chaleur n'en est qu'un état passager. »
Puis la rivière en furie, grossie de toutes ces pluies d'automne, viendra s'additionner au malheur existant.

Paul Lynch est un auteur à l'écriture pleine d'ardeur et de fièvre poétique, restituant profondément la noirceur et la détresse de ces routes d'Irlande ravagées par la faim. Sous la lourdeur du ciel sans cesse assombri, il nous décrit implacablement les démarches des loqueteux alourdis par la misère, les regards absents, ce dénuement si intense, ce visage de la faim. Les images de ces mendiants, prêts à vendre n'importe quelle harde pour une piécette, la vision des enfants prématurément vieillards, s'impriment avec douleur sur les pages.
L'auteur fait défiler les champs de tourbe et décide bien rarement d'inviter le soleil dont les rayons ne s'attardent jamais sur ces terres qui ne nourrissent plus. La pluie embrouille perpétuellement ce ciel irlandais et les vêtements dégoulinent comme les pierres des misérables habitations.
Son héroïne, sur laquelle on ne peut que s'apitoyer tout en étant sidéré par cette force qui la pousse inlassablement à continuer sa route, nous étreint, nous fait mal. Si jeune, les traumatismes qu'elle subit et affronte pour survivre ébranlent.
Dès le début, hébétée, elle sera retrouvée sur la baie par un Charlie qui la ramènera chez lui et la misère prendra un temps le goût de la soupe d'algues servie tous les jours. Elle repartira tenter sa chance et sera bien loin d'être seule sur les routes où le nombre de va-nu-pieds aux mines tourmentées, aux figures hâves ne cesse de croître. La crainte à chaque pas ne la quittera plus ainsi que le dégoût d'elle-même car elle détourne son regard de ces êtres en détresse qui lui lèvent le coeur. Les suppliques lues dans les yeux des mendiants la culpabilisent et la révulsent. Tout ce malheur qu'elle n'ose plus regarder en face, toutes les mauvaises rencontres hantent ses rêves. Sa famille qui se dissipe au fur et à mesure qu'elle avance lui fait comprendre ce qu'elle était et cette autre qu'elle est désormais et qui lui fait honte. C'est une entrée dans un autre monde qui l'horrifie et dont elle se méfie en permanence. Ses agissements, ses interrogations, ses relations avec les rencontres faites sur ce sol plein de danger interagissent avec la voix de Colly qui la prévient souvent et bavarde infatigablement.
La survie revêt des visages abominables, des violences traumatisantes, des menaces permanentes, des vols inévitables et des morts accablantes. Sur son interminable route, Grace pose régulièrement son regard sur la nature, sur les arbres environnants et sur les oiseaux, merles, pies, corbeaux pour s'ancrer dans un réel qui appartenait à sa vie d'avant. C'est un souffle bienvenu au milieu de la noirceur.

Magnifique lecture, cette marche où Grace semble se perdre elle-même, emportée par les personnes croisées en chemin, contrainte à des actes répréhensibles, est terriblement éprouvante. Mais Grace s'accrochera jusqu'au bout à un signe d'espoir dans son pays dévasté par le mildiou.
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Voici le troisième et dernier roman de Paul Lynch. Je crois que j'ai déjà dis que j'étais tombée sous le charme de sa plume. Il me tardait donc de lire son dernier roman.

C'est un immense plaisir que je me suis plongée dans la beauté sombre de l'écriture de Paul Lynch.

Comme les deux précédents, celui-ci ne fait pas exception, la nature est reine, comme un personnage à part entière. Elle est décrite avec lyrisme et poésie.

L'Irlande décrite ici n'est pas verte et apaisante, elle n'est pas belle ni luxuriante. Elle pauvre, très pauvre. C'est une Irlande ravagée par la famine, le désespoir et la noirceur. Nous voyageons à travers les paysages marqués par la faim, la misère et la lutte pour survivre.

Un récit écrit dans la noirceur ponctué de croyances et de songes. Quand la réalité se mélange à l'irréel et au rêve, cela donne une dimension magique à la narration.

Un roman qui m'a emporté bien loin et que je ne suis pas prête d'oublier.
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