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sur 300 notes



"Affleurant d'un lieu où les mots n'ont pas cours, lui vient la conscience d'un détraquement de l'ordre des choses."

***

Conteur prodigieux,  Paul Lynch rouvre un chapitre tragique de l'histoire de son pays en nous plongeant dans l'épisode particulièrement meurtrier de la Grande famine qui a ravagé l'Irlande - alors colonie britannique, au milieu du XIXème  Siècle. Pour cause - l'émergence du mildiou sur l'île, une maladie parasitaire responsable de l'anéantissement des cultures de pommes de terre servant de base à l'alimentation des paysans. 

Traversé par un souffle puissant, ce récit d'une beauté ténébreuse, met en scène un personnage principal féminin absolument inoubliable dont nous suivrons pas à pas l'effroyable odyssée - du Donegal natal de l'auteur à  Limerick, sur une terre exsangue abandonnée des hommes et des dieux.

*

Octobre, 1845

"La récolte est perdue, tu le sais aussi bien que moi. J'ai demandé partout, mais personne n'est prêt à faire l'aumône. Moi, je suis trop avancée dans ma grossesse, il faut que tu t'occupes de toi. Tu dois te chercher un emploi (...). Reviens-nous à la fin de la saison, quand tu te seras rempli les poches."

Au sortir d'une scène inaugurale empreinte de bestialité, Grace - l'aînée d'une fratrie de bientôt cinq enfants, se voit jeter sur les routes à l'approche de l'hiver par sa génitrice. Si en cette période de misère noire, c'est une bouche en moins à nourrir, sans doute pense-t-elle également la protéger des intentions concupiscentes de Boggs, le propriétaire de la masure où la famille réside. 

Sommée de gagner sa pitance à tout juste quatorze ans, l'adolescente - travestie en garçon, quitte désemparée son petit village de Blackmountain. Y reviendra-t-elle? Serait-ce la porte de l'enfance qui se referme brusquement et définitivement derrière elle? Ainsi livrée aux caprices du hasard, n'est-elle pas vouée à une fin certaine?

"Le chagrin s'abat sur elle. le regret de ce qui n'est plus. La douleur de ce qui vient à la place."

Pareil à la nature agonisante, le lecteur se trouve lui aussi comme figé "dans la stupeur de l'attente". Enveloppé d'une atmosphère à la fois pesante et menaçante, il tourne les pages avec fébrilité, redoutant la réalisation des sombres présages qui tendent à se dessiner. Quelles perspectives d'avenir pour cette jeune fille qu'il tient déjà en affection?

*

Accompagnée de son frère, un soutien physique puis spectrale indéfectible, Grace cheminera du nord au sud du territoire - rejoignant alors les hordes faméliques de pauvres hères - vagabonds, mendiants ou brigands poussés au pire par la disette. Pluie diluvienne, froid dévorant, tortures de la faim, pénible labeur, danger omniprésent, morts et absences obsédantes,…mue par un instinct de survie incroyable, elle apprendra à composer quoiqu'il lui en coûte, avec une adversité au visage sans cesse renouvelé. Mais à quel prix?

"Elle cherche en rêve ce qu'elle a été autrefois. Je suis en train de basculer hors de ma vie pour tomber dans celle d'une autre."

Partageant intimement, ses émotions, ses souffrances, ses doutes, ses visions cauchemardesques voire hallucinatoires, ses tiraillements et questionnements existentiels, le lecteur abandonne son statut d'observateur pour faire corps avec elle. En dépit de quelques longueurs révélatrices de l'interminable périple qui s'impose à notre protagoniste, l'intérêt est continuellement tenu en éveil. 

Au gré des épreuves et rencontres jalonnant ses longues années d'errance aux allures d'épopée  initiatique, Grace connaîtra nombre de métamorphoses. Dans cet abîme de noirceur, la chrysalide deviendra papillon et s'envolera peut-être - souhaitons lui, vers une vie de lumière. Grace, toi qui a porté sur tes frêles épaules les tourments de tout un peuple soumis à une catastrophe innommable, sois-en sûre, j'emporte ton souvenir avec moi…

"Elle a beaucoup voyagé, découvert la terre avec ses mille voix (...), et au contact de cette multitude lui est venue la conviction que la terre n'était pas une,  mais qu'il en existait autant qu'il existe d'individus, et qu'une terre toujours nouvelle accueillait les mutations de nos vies. Nous vivons sous cent millions de soleils,  et chacun d'eux s'éteint sous un même soleil sans limite qui brûle dans son mystère éternel."

***

Porté par une prose lyrique et envoûtante, un roman magnifique nimbé de grâce que je vous invite à découvrir!
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Poussée par sa mère enceinte d'un cinquième enfant, Grace part sur les routes pour trouver du travail et surtout pour échapper aux assiduités de l'homme qui leur loue une misérable masure.
La fillette de 14 ans déguisée en garçon affronte le froid, la faim, la peur, la solitude bien que l'ombre de son jeune frère ne la quitte pas.

Paul Lynch brosse un magnifique personnage féminin.
Grace est admirable de courage, elle avance pour ne pas mourir et deviendra adulte au fil des rencontres, pas toujours heureuses.

Le récit joue alterne entre noirceur et lumière, les peurs et la paix, la vie et la mort, le désespoir et le dégoût, et on se laisse porter par l'écriture magnifique de Paul Lynch, généreuse, juste et sincère, passant régulièrement la ligne du réel pour voguer sur l'imaginaire.

Je ne connaissais pas Paul Lynch, ce roman m'a permis de découvrir un immense écrivain.


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1845 en Irlande. Le mildiou anéantit la culture de pommes de terre, base de l'alimentation des paysans. Une terrible vague de famine déferle sur le pays jusqu'en 1852, jetant hors de chez eux des millions de pauvres gens et réduisant la population d'un quart, par l'effet conjugué de l'émigration et des décès.


Lorsque la catastrophe survient, Grace vit déjà très pauvrement avec sa mère et ses petits frères. Ils ne mangent guère à leur faim, et seul le droit de cuissage qu'exerce le propriétaire sur leur mère leur permet de garder leur maison. Quand l'homme se met à lorgner Grace, la mère décide de protéger sa fille en la faisant partir, travestie en garçon.


Jetée sur les routes sans ressources, Grace commence une longue errance, en compagnie de son petit frère Colly qui, de diverses façons, la soutiendra indéfectiblement tout au long de leur interminable périple.


Dans des paysages frappés de désolation, Grace va se mêler aux hordes errantes de mendiants, de brigands et d'assassins, et, de son regard d'enfant bien vite devenu femme, découvrir le climat apocalyptique d'une Irlande ravagée par la faim, peuplée de pauvres hères réduits aux pires extrémités pour survivre. Les pas de Grace vont bel et bien lui faire traverser ce qui ressemble à l'Enfer, jusqu'au bout de l'innommable, là où vous ne pourrez plus lire sans frémir d'horreur.


Pourtant, au plus profond du désespoir, au bord de la folie et de l'anéantissement, subsiste chez Grace l'instinct de vie, une capacité à se réfugier dans une autre réalité et à se raccrocher aux plus infimes lambeaux d'humanité.


Aucun récit de la Grande Famine irlandaise ne m'avait fait sombré aussi près de l'atroce réalité. Je referme ce livre avec une sensation prégnante de cauchemar, un peu celle ressentie devant un tableau de Jérôme Bosch. Si cette traversée de l'Enfer m'a parfois semblé un peu longue, elle constitue un très bel hommage à toutes les victimes anonymes et oubliées de cet épisode meurtrier de l'Histoire.


Prolongement sur la Grande Famine Irlandaise dans la rubrique Le coin des curieux, à la fin de ma chronique sur ce livre, sur mon blog :
https://leslecturesdecannetille.blogspot.com/2019/04/lynch-paul-grace.html


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Les dieux les ont abandonnés, il est temps que chacun devienne son propre dieu. Les règles ont cessé d'exister. La récolte est perdue, partout c'est la misère noire, seul le souffle de la mort balaye les champs. Sarah ne voit pas d'autres solutions que de couper les cheveux de sa fille Grace pour qu'elle parte chercher un emploi et trimer comme un homme et aussi qu'elle échapper à Boggs leur propriétaire une brute imbécile. Les chemins pullulent de mendiants qui s'ils trouvaient preneurs vendraient leurs bras et leurs jambes contre de quoi manger.

Ce roman raconte donc le cheminement dans la campagne irlandaise d'une jeune fille accompagné par le fantôme de son frère mort noyé pour survivre entre solitude, misère et superstitions. Elle va être de plus en plus téméraire et n'hésitera pas à voler, au fil des ses rencontres elle deviendra petit à petit une femme.

Ce roman est superbement bien écrit et les descriptions des ravages de la famine sont portées par la poésie et le lyrisme de la plume de Paul Lynch. Mais je n'ai pas été transporté par cette histoire, où morts et vivants se confondent. le parcours de Grace à travers un pays ravagé m'a semblé bien long et un peu ennuyeux, car l'intrigue est vraiment légère et le propos sinistre.
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Avant toute chose, il me semble indispensable de saluer la traduction de ce roman par Marina Boraso. Elle semble être entrée dans la tête de l'auteur avec facilité et élégance, reste que le travail est formidable.
Le troisième roman de P.Lynch,auteur irlandais de 40ans se passe donc en Irlande pendant la Grande Famine qui a crucifié ce pays de 1845 à 1851 .
Grace est une petite fille qui vit avec sa mère et ses trois frères et soeur dans un grand état de pauvreté, ils ne mangent que lors des visites du propriétaire qui se paie sur le corps de la mère, et l'engrosse régulièrement. Un jour ce sinistre individu louche sur la jolie Grace et sa longue chevelure, la mère se rend compte du danger , rase quasiment Grace , la dépouille ainsi de son sexe et l'oblige à partir pour ainsi la sauver croit-elle au moins de ce danger là.
Grace part avec un petit baluchon, son petit frère la rejoint, et la grande misère commence pour ces enfants ; d'une manière ou d'une autre (je ne veux pas révéler l'histoire)Colly accompagnera Grace pendant ce long périple qui parfois fait penser à « La Route » de Cormac Mc Carthy . C'est une épopée sauvage qui emmène cette enfant puis jeune fille à travers l'Irlande apocalyptique, plus de racines ni d'animaux à manger, reste la folie... certaines pages qui font froid dans le dos,que j'ai lues les yeux à demi fermés, tant elles étaient dures, la faim étant l'ennemie première devant les rôdeurs, les assassins, les maladies.
J'ai lu un roman terriblement beau, poétique souvent malgré la désolation, un roman plein de grâce.
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1848: l'Irlande a faim.

Le destin de Grace, petite paysanne de 14 ans partie de son Donegal natal, est un chemin de croix semé de dangers et de peurs. Chassée de son foyer au coeur de l'hiver, pour aller chercher du travail, elle devient vagabond, cachée dans des vêtements d'homme, double féminin du fantôme d'un frère perdu qui lui tient compagnie, tel un génie déchu dans sa bouteille.

Le contexte de la Grande Famine (en partie causée par le mildiou sur les pommes de terre) est remarquablement mis en scène dans les tribulations de la jeune fille à travers l'Irlande. le livre fait d'ailleurs de l'oeil aux productions romanesques britanniques du 19e, où la pauvreté de la population est toujours en opposition avec la politique impériale d'expansion.
La misère des êtres a hanté durablement la littérature irlandaise, surfant sur ces tragédies de familles séparées, exsangues de trop d'enfants, candidates à l'émigration ou à la dislocation des fratries pour survivre.

Voici un livre d'une beauté tragique. L'écriture est lumineuse, descriptive de la violence du pays, de ses habitants, de ses paysages, de son climat. le lyrisme de Paul Lynch mêle en vrac dramaturgie, onirisme, superstitions, poésie et dialogues dans un flot de mots qui accentue l'oppression du récit.
C'est d'ailleurs surtout le style que je retiendrai car j'ai beaucoup souffert dans les pas de Grace, dans cette succession de drames, de douleurs et de solitude.
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Empoignée par sa mère, juste avant l'aube d'un jour d'octobre, Grace est brutalement traînée jusqu'au billot de bois. La lame du couteau s'avance et l'adieu à sa chevelure sonnera son départ de Blackmountain. En supprimant ses mèches de cheveux, sa mère lui donne la force pour contrer cet octobre du déluge. Affublée d'une culotte d'homme, la casquette rivée sur son crâne douloureux, Grace a quatorze ans et doit partir sur les routes du Donegal pour tenter sa chance, trouver du travail et fuir dans le même temps les envies du dégoûtant Boggs.
Dans ce comté du Donegal et dans toute l'Irlande, en cette année 1845, les récoltes gâchées par les pluies incessantes ne laissent plus que la boue noirâtre et la faim dévorante dans son sillage. La Grande Famine est là et le lecteur se voit jeter dans cette misère, cette désolation, cette souffrance qui vont s'attacher à chacun des pas de cette jeune fille si peu armée pour y faire face.
Son frère Colly et sa pipe en argile qu'il fume déjà à l'âge de douze ans pour calmer sa faim, se sauvera de chez eux pour l'accompagner.
La première ville rencontrée sera masquée sous la pluie et ne leur offrira que sa surface détrempée. Sous un appentis percé de toutes parts, jonché de paille moisie, il faut y passer la nuit de Samhain sans oublier de tenir les esprits des morts à distance même si finalement les morts sont bien moins menaçants que certains vivants rencontrés en chemin. Déjà les pensées de Grace ne peuvent qu'affirmer « La vérité, pense-t-elle, c'est que le froid est la nature profonde du monde, alors que la chaleur n'en est qu'un état passager. »
Puis la rivière en furie, grossie de toutes ces pluies d'automne, viendra s'additionner au malheur existant.

Paul Lynch est un auteur à l'écriture pleine d'ardeur et de fièvre poétique, restituant profondément la noirceur et la détresse de ces routes d'Irlande ravagées par la faim. Sous la lourdeur du ciel sans cesse assombri, il nous décrit implacablement les démarches des loqueteux alourdis par la misère, les regards absents, ce dénuement si intense, ce visage de la faim. Les images de ces mendiants, prêts à vendre n'importe quelle harde pour une piécette, la vision des enfants prématurément vieillards, s'impriment avec douleur sur les pages.
L'auteur fait défiler les champs de tourbe et décide bien rarement d'inviter le soleil dont les rayons ne s'attardent jamais sur ces terres qui ne nourrissent plus. La pluie embrouille perpétuellement ce ciel irlandais et les vêtements dégoulinent comme les pierres des misérables habitations.
Son héroïne, sur laquelle on ne peut que s'apitoyer tout en étant sidéré par cette force qui la pousse inlassablement à continuer sa route, nous étreint, nous fait mal. Si jeune, les traumatismes qu'elle subit et affronte pour survivre ébranlent.
Dès le début, hébétée, elle sera retrouvée sur la baie par un Charlie qui la ramènera chez lui et la misère prendra un temps le goût de la soupe d'algues servie tous les jours. Elle repartira tenter sa chance et sera bien loin d'être seule sur les routes où le nombre de va-nu-pieds aux mines tourmentées, aux figures hâves ne cesse de croître. La crainte à chaque pas ne la quittera plus ainsi que le dégoût d'elle-même car elle détourne son regard de ces êtres en détresse qui lui lèvent le coeur. Les suppliques lues dans les yeux des mendiants la culpabilisent et la révulsent. Tout ce malheur qu'elle n'ose plus regarder en face, toutes les mauvaises rencontres hantent ses rêves. Sa famille qui se dissipe au fur et à mesure qu'elle avance lui fait comprendre ce qu'elle était et cette autre qu'elle est désormais et qui lui fait honte. C'est une entrée dans un autre monde qui l'horrifie et dont elle se méfie en permanence. Ses agissements, ses interrogations, ses relations avec les rencontres faites sur ce sol plein de danger interagissent avec la voix de Colly qui la prévient souvent et bavarde infatigablement.
La survie revêt des visages abominables, des violences traumatisantes, des menaces permanentes, des vols inévitables et des morts accablantes. Sur son interminable route, Grace pose régulièrement son regard sur la nature, sur les arbres environnants et sur les oiseaux, merles, pies, corbeaux pour s'ancrer dans un réel qui appartenait à sa vie d'avant. C'est un souffle bienvenu au milieu de la noirceur.

Magnifique lecture, cette marche où Grace semble se perdre elle-même, emportée par les personnes croisées en chemin, contrainte à des actes répréhensibles, est terriblement éprouvante. Mais Grace s'accrochera jusqu'au bout à un signe d'espoir dans son pays dévasté par le mildiou.
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Ce roman se déroule en Irlande en 1845 lors de la grande famine qui a coûté la vie à plus d'un million de personnes et provoqué une émigration massive.
Grace à 14 ans lorsque sa mère lui coupe les cheveux sans explication et l'affuble des vêtements de son père qu'elle n'a pas connu, pour l'expédier sur les routes afin qu'elle essaie de trouver de quoi manger. Colly,son petit frère, vivant ce depart comme une déchirure se sauve de la maison pour la rejoindre. Ils vont vivre le pire. Grace sera confrontée à la misère absolue,croisera la mort,la maladie,la faim,la peur. Son errance sous le signe de la survie prend des allures d'apocalypse. Extrêmement fragilisée et seule pour affronter l'indicible elle ne fait plus la différence entre fantasme et réalités, hallucination et vérité. Se superposent les légendes,les superstitions,les sentences religieuses. Je voyais parfois se dessiner le jardin des délices de Bosch,côté Enfer évidemment !
Paul lynch crée cependant des ruptures d'ambiance et d'énergie au cours de ce terrible périple. Ainsi,lorsque Grace se retrouve à conduire un troupeau de bétail on approche du western. Puis lorsque son chemin croise celui de Bart et qu'elle devient " la reine des pirates" une relative légèreté s'instaure. La violence cotoye la fraternité et la joie un peu facon" Robin des bois". Progressivement l'auteur apporte une maturité ,une philosophie,qui modifient encore le scénario.
Malgré l'ancrage de son roman dans cette période dramatique de l'Irlande, Paul Lynch nous livre un roman plus social qu'historique avec un personnage féminin magnifique. Il pose des questions intemporelles sur la pauvreté, l'errance,le déracinement, la vulnérabilité des femmes dans les situations d'extrême précarité. Il interroge aussi avec force la notion de morale et ce qui en détermine les limites et même parfois les aberrations.
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Retrouver Paul Lynch. Sa plume envoûtante. Son écriture flamboyante d'où jaillissent l'Irlande, ses paysages et ses fantômes. C'est la troisième fois que l'auteur nous transporte dans le passé, dans le Donegal, cette terre qui use les corps pour quelques kilos de pommes de terre. Ses deux premiers romans mettaient en scène des hommes pris au piège de la violence et de l'injustice. le premier, au 19ème siècle se voyait obligé de fuir en Amérique, un tueur à ses trousses ; le second, au milieu du 20ème siècle faisait le chemin inverse et tentait de s'installer sur la terre de ses ancêtres après avoir expérimenté le nouveau monde. Les deux étaient pris dans une tourmente qu'ils ne maitrisaient pas. Dans ces deux histoires, on pouvait admirer tout le talent de Paul Lynch pour décrire la violence des sentiments. Cette fois, il se glisse dans la peau d'une adolescente avec une facilité qui laisse pantois. Et il nous offre un roman d'apprentissage aussi poignant qu'éblouissant.

Grace est la fille de Coll Coyle, le héros du premier roman de Lynch. Nous sommes en 1845, la famine ravage les campagnes, les irlandais ne le savent pas encore mais cet épisode sera ensuite connu dans L Histoire sous le nom de Grande famine dont les conséquences seront considérables avec 1 million de morts et plusieurs millions de réfugiés et d'émigrés notamment embarqués pour l'Amérique dans des conditions atroces. Pour l'heure, Grace est l'aînée et sa mère, Sarah, enceinte d'un cinquième enfant se résout à l'envoyer sur les routes dans l'espoir de lui faire gagner quelques sous qui sauveraient la famille. La tête rasée, déguisée en garçon, Grace se trouve livrée à elle-même dans un pays aux abois. La peur, la faim, le froid sont ses compagnons de chaque instant. L'étonnement, le désarroi, la souffrance de découvrir au fil des kilomètres l'étendue du désastre. Et de faire la terrible expérience de la violence, de l'injustice, de l'indifférence de ceux qui sont épargnés par la misère. Grace apprend à survivre sur un terrain où tous les coups sont permis.

Et par la magie de Paul Lynch, nous sommes Grace. Nous ressentons, nous frissonnons, nous voyons. Les ombres, la terre stérile, les dégradés de vert lorsque l'été revient, les chiens qui n'aboient plus, les corbeaux squelettiques, les silhouettes vieillies qui mendient au bord des routes. Nous faisons l'expérience du dénuement le plus total, lorsque aucun des besoins primaires ne peut être assouvi de façon naturelle : se nourrir, se réchauffer, dormir, se laver. Dans un contexte qui favorise les interrogations les plus folles - qui est coupable ? - entre croyances, folklore et religions. L'esprit de Grace se perd entre rêve et réalité, entre illusions et sensations. Les repères s'effacent, la frontière entre le bien et le mal se brouille pour finir par disparaitre. "On ne peut pas vivre comme ça" pense-t-elle. Pourtant demeure une minuscule étincelle, comme une petite lumière qui la raccroche à la vie...

Lors d'une rencontre à la librairie le Divan, Paul Lynch a précisé que le fait d'ancrer ses romans dans le passé lui permettait aussi de parler du présent sans pour autant avoir à produire un livre trop politique. Comment en effet ne pas faire le lien avec les drames actuels qui poussent des centaines de milliers de migrants sur les routes ? Cheminer aux côtés de Grace, c'est faire l'expérience de celui qui n'a plus rien et auquel personne ne tend la main. Et ce que parvient à nous faire ressentir Paul Lynch ce sont toutes les dimensions du dénuement qui modifient totalement nos perceptions du temps et de l'espace.

Un roman éblouissant, virtuose, dont les images s'emparent de votre esprit pour ne plus le lâcher. Une épopée dont on sort épuisé et cueilli par l'émotion des tout derniers mots.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Mon Dieu comme je me suis ennuyée au cours de cette lecture…..J'avoue qu'après plus de 200 pages très laborieuses, j'ai adopté le mode lecture rapide/lecture en diagonale pour arriver à la fin.

Grace est l'histoire d'une jeune ado au 19ème siècle en Irlande au moment de la famine qui a tué des milliers de gens et poussé à émigrer de nombreux irlandais. Une époque terrible et un pays au bord de l'implosion que Grace va traverser. Elle part à l'aventure, déguisée en garçon, après avoir été obligée par sa mère à quitter la maison familiale pour ne pas subir un viol.

Malheureusement, je n'ai rien apprécié dans ce roman :

Ni les personnages auxquels je n'ai jamais réussi à m'attacher, ni le style très lyrique et parfois difficilement compréhensible avec des procédés très imagés qui m'ont laissé de marbre, ni les nombreux épisodes à caractère onirique et/ou mystique.

L'histoire se déroule en outre dans une ambiance très sombre puisqu'elle démarre après la première récolte désastreuse de pommes de terre, catastrophe due au mildiou et qui va acculer le pays à la famine. Noir c'est noir et il n'y a presque jamais d'espoir !

Bref, cette lecture n'était manifestement pas pour moi et la beauté du roman vantée sur le bandeau de couverture m'a complètement échappée.
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