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Critique de Charybde2


Au fil dense d'une métaphore organique, poétique et ramifiée, une contribution essentielle à un arsenal mental nécessaire pour imaginer des futurs concrets moins délétères que ce qui nous semble encore promis.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/12/28/note-de-lecture-nos-cabanes-marielle-mace/

Deux ans après le somptueux appel doux (mais fort résolu) à un autre regard sur les réfugiés entassés dans des camps de fortune à « nos portes », ici et là, que constituait « Sidérer, considérer », Marielle Macé nous offrait en mars 2019, toujours dans la précieuse collection Petite jaune des éditions Verdier, avec ce « Nos cabanes », un travail merveilleux de conduite métaphorique du changement, travail qu'elle entamait dans ses premières pages en nous entraînant à Notre-Dame-des-Landes sur les traces de la noue, première et riche pierre de sa proposition en forme de jeu de go sémantique et politique.

Prenant appui sur cette noue géographique et agricole pour en extraire les significations possibles comme des passerelles poétiques vers d'autres constructions et horizons à défendre, vers une piste à suivre en compagnie de Gilles Clément et de son tiers paysage, d'Emmanuelle Pagano et de son « Nouons-nous », d'Aragon et de ses « Chambres », de Victor Hugo et de ses « Misérables », même (et de la reprise par Patrick Boucheron, dans sa leçon inaugurale au Collège de France, de cette phrase-ci : « Étonner la catastrophe par le peu de peur qu'elle nous fait »), de Noémi Lefebvre et de sa « Poétique de l'emploi », d'Anna Tsing et de son « Champignon de la fin du monde », du collectif d'artistes Catastrophe et de sa reprise de main sur les ruines sociales, de la cinéaste Claire Simon et de son « Bois dont les rêves sont faits », de Fred Griot et de sa « Cabane d'hiver », de Jean-Marie Gleize et de son « Livre des cabanes », « écrit à Tarnac, en soutien à Tarnac », de l'artiste Giuseppe Penone et de son « Être fleuve », de Charles Heller et Lorenzo Pessani, avec leur terrifiante et pourtant sublime « Forensic Oceanography » – qui nous ramène à cette Méditerranée devenant cimetière sous nos yeux, mais pas uniquement -, du documentariste Patricio Guzmán et de son « Bouton de nacre », de Rachel Carson et de son « Printemps silencieux », des anthropologues contemporains, Philippe Descola ou Tim Ingold au premier chef, qui étendent notre définition compréhensive du vivant, de Francis Ponge et de son « Carnet du bois de pins », parmi bien d'autres compagnes et compagnons de route vers ce lendemain ré-habité, ô combien différemment, Marielle Macé nous invite donc avec grande force à échafauder nos propres cabanes, physiques et métaphoriques.

On sait la puissance de réenchantement défensif et offensif que peut véhiculer l'imaginaire des cabanes, ligne de fuite vers laquelle Marielle Macé dirige son propos faussement vagabond, donnant son titre à son texte – en résonance avec l'exhortation amicale, poétique et sérieuse d'Olivier Cadiot, rappelée en quatrième de couverture : « Faut qu'on se refasse une cabane, mais avec des idées au lieu de branches de saule, des histoires à la place des choses ». Les magiciens des éditions Antidata, dans leur beau recueil collectif de nouvelles (« Petit ailleurs », 2017), la jeune dramaturge Millie Duyé, dans sa nouvelle primée, bouleversante et si prometteuse, « Des cabanes » (à lire dans le recueil « La femme à refaire le monde et autres nouvelles », 2019), le redoutable Frédéric Fiolof, dans sa « Magie dans les villes » (2016), ont su, parallèlement au recensement si productif conduit ici par l'autrice, nous montrer ce que la cabane peut porter et soutenir, à sa manière la plus fragile justement. Au fil de cette centaine de pages foisonnantes d'imagination et de poésie, et pourtant extrêmement déterminées, Marielle Macé étaye la métaphore en une approche à la fois indicielle et de solidification progressive, et nous fournit ainsi discrètement des armes beaucoup plus puissantes qu'on ne le croirait au premier abord pour inventer des lendemains différents et, enfin, peut-être, moins délétères.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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