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EAN : 9782072766435
112 pages
Verticales (08/02/2018)
3.48/5   22 notes
Résumé :
"J'évitais de penser à chercher un travail, ce qui est immoral, je ne cherchais pas à gagner ma vie, ce qui n'est pas normal, l'argent je m'en foutais, ce qui est inconscient en ces temps de menace d'une extrême gravité, mais je vivais quand même, ce qui est dégueulasse, sur les petits droits d'auteur d'un roman débile, ce qui est scandaleux, que j'avais écrit à partir des souvenirs d'une grande actrice fragile rescapée d'une romance pleine de stéréotypes, ce qui f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce roman est écrit tel un traité philosophique de la poésie, et notamment de sa place dans la société contemporaine, de la libre errance.
" Poétique de l'emploi " de Noémi Lefebvre est publié en cette année 2018 aux Editions Verticales.
En dix leçons, le poète / lecteur est ainsi armé face au désarroi de la vie.
p. 12 : " J'avais la faiblesse d'imaginer que la poésie serait la liberté de dire n'importe quoi quelles que soient les atteintes à la République et les menaces qui pèsent sur la Démocratie. "
A la recherche d'un emploi, sans réellement en chercher, et en ayant surtout l'appréhension d'en trouver un, la narratrice nous conte ses interrogations.
p. 45 : " [...] je voulais apprivoiser l'idée d'un travail mais l'idée ne s'apprivoise pas, il faut y aller c'est tout, comme les gens font avec le travail, ils y vont, mais comment y aller quand on n'a pas le temps à cause du temps qui passe et qui nous est compté ? "
Le lecteur est ainsi propulsé dans les rues de Lyon, au gré des événements sociaux, tels que les mesures post-attentats ou les manifestations contre la loi travail.
p. 56 : " Ta conscience entre deux attentats se réveille soudain à cause d'un besoin que le monde soit beau ou du moins plus gentil, alors tu imagines des histoires vraies vécues par des vraies gens, tu penses aux victimes de tout ce qui n'est pas beau et vraiment pas gentil comme la guerre et la haine. "
A travers cette errance, des dialogues avec son surmoi de père, qui sont finalement plus des monologues tant la communication semble unilatérale.
p. 51 : " - Mais Papa, sans vouloir te vexer ni rien te reprocher, je ne me souviens pas que tu aies fait, je veux dire par toi-même, quoi que ce soit d'exemplaire.
-Il me suffit d'être pour avoir été et réciproquement, et de devenir de la même façon. C'est ça qui est exemplaire. Alors prends-en de la graine. "
La narratrice est prise d'une certaine angoisse à vivre.
p. 81 : " [...] j'avais certainement des carences en quelque chose, peut-être affectives, sans doute aussi en joie. "
Dans un quotidien post-attentat où la présence significative de l'armée dans le paysage questionne la narratrice sur la l'état de guerre du pays. D'où les références très présentes tout au long du roman aux écrivains allemands Klemperer et Schiller, et autrichien Kraus.
p. 64 : " [...] en lisant Kraus je voyais un peu mieux ce qui peut arriver quand la liberté se met à dépendre d'un idéal plus élevé sur l'échelle d'un Etat, suivant des formules bien connues du type le travail rend libre ou la sécurité est la première des libertés. "
Ce livre est finalement une suite d'interrogations sur la nécessité de trouver un emploi pour survivre, en substituant sa propre liberté à celle de l'employeur, dans une société où le "sans-emploi" est perçu comme une tare.
p. 13 : "- Est-ce que tu peux pas dire que plus  t'angoisses de trouver un travail et plus tu t'angoisses d'avoir un travail si jamais tu en trouves, tout en angoissant de ne pas en trouver ? "
Un livre très court, d'une centaine de pages seulement, mais qui nécessite une relecture tant son accessibilité est restreinte de prime abord. En effet, de construction plutôt complexe, avec parfois des phrases dont la longueur s'étire sur plusieurs pages, ce récit aborde tant de sujets divers et variés que le lecteur a de quoi s'y perdre... Une approche très particulière et surtout très personnelle de la poésie.
Lien : https://missbook85.wordpress..
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Notre narrateur (homme ? femme ?) sans emploi, erre dans les rues de Lyon à la recherche de la poésie. Est-elle encore présente en cette période difficile pour le pays ? Entre l'état d'urgence (novembre 2016) et les manifestations contre la Loi travail (avril 2017), le narrateur se pose mille questions sur son destin. Tellement d'interrogations que Noémi Lefevre nous indique la route à suivre à travers dix leçons de poésie.
« Leçon numéro 10 : Poètes, laissez tomber les alexandrins, sauf si c'est pour vous payer de quoi manger. »

Ce court texte ne se lit pas si facilement, les méninges bouillonnent dur. Je l'ai reçu comme un texte philosophique, vous savez, de ceux du lycée que l'on décortique de partout pour n'en tirer que le meilleur. Et c'est chose faite. Il est complexe, polyvalent, particulier, me perdant dans des longues phrases de pensées très personnelles. Il s'interprète à un moment T avec nos propres critères (âge, sexe, emploi…) ce qui le rend universel. Je le relirai et mon ressenti sera différent, c'est sûr.
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« Poétique de l'emploi », (‘poétique', et non ‘politique'), de Noémi Lefebvre aux éditions Verticales, est un texte étrange, très drôle et parfois grinçant, une réflexion sur la place de la poésie dans la société actuelle, le pouvoir des mots, et plus globalement, la capacité de l'artiste à s'intégrer dans un monde régulé et conformiste.
La narratrice, qui a perdu sa mère ‘il y a pas mal d'années', dialogue avec son père, issu ‘de la filière agroalimentaire', un père omniprésent et pourtant toujours absent, défenseur de l'ordre établi, sorte de surmoi écrasant qui impose sa logique et n'admet pas la contradiction. Et cependant la narratrice essaie de tisser les fils de sa propre vie; sa quête, c'est la poésie, et elle distille tout au long du récit dix leçons aux jeunes poètes, issues de son expérience personnelle.
J'ai aimé le ton libre et impertinent de cette ‘confidence' d'une centaine de pages, écrite comme un monologue intérieur, avec l'emploi de formules récurrentes, l'apparition subite de passages poétiques (en prose ou en vers), l'alternance de très courts dialogues incisifs et de longues réflexions…sans oublier la formulation des dix leçons qui vient ponctuer le texte à rythme régulier. Toutefois, le propos n'est pas toujours simple, mêlant des considérations politiques nées de l'observation ironique des déploiements policiers dans la ‘bonne ville de Lyon', à l'évocation de Platon, Nietzsche, et surtout Klemperer et Klaus pour leurs travaux sur l'influence du langage en politique. Les idées, réactions triviales ou réflexions élaborées, surgissent subitement, et sont plus ou moins toutes prétextes à un traitement stylistique mordant et décalé. Des images naissent, absurdes, drôles, émouvantes – et c'est là, au coeur de cet imaginaire singulier, que se révèle le talent poétique de l'auteur. Pour la suite, suivez le lien !
Lien : http://bit.ly/2Iec4Jd
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Le réjouissant et implacable combat avec un surmoi hilarant à la figure du père, entre l'injonction d'employabilité et d'efficacité, la poésie et la vie.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/04/21/note-de-lecture-poetique-de-lemploi-noemi-lefebvre/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
- Est-ce que c'est la guerre Papa ?
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Je sais pas, tous ces militaires devant les magasins
- Alors c'est la guerre
- Mais les gens font les soldes
- Alors c'est pas la guerre
- Des policiers vérifient les sacs à main et les identités
- C'est que c'est la guerre
- Mais il n'y a pas de blindés ni de bombardements sur la bonne ville de Lyon
- C'est pas la guerre, alors
- Il y a des troupes au sol
- Alors c'est la guerre
- Mais il n'y a pas de batailles
- C'est que c'est pas la guerre
- Les gens ont peur, Papa
- Parce que c'est la guerre
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Depuis des années tout ce qui me traverse l’esprit est discuté dans ce tribunal que j’appelle maison morte, où siège mon père. Des gens parlent avec Dieu, d’autres avec leur chien, mon père est mon chien mon dieu, l’instance qui me mord le cul et me redresse l’âme, celui qui me protège contre toutes sortes d’errances et qui m’empêche de vivre. Le rappel à la loi est de sa compétence mais il est aussi le roi de la jurisprudence, l’inventeur des obligations que je dois remplir et des interdictions que je dois respecter pour devenir ce qu’il veut mais je ne sais pas ce qu’il veut. Comment je le saurais, je ne le vois jamais.
Longtemps j’ai voulu me débarrasser de lui puisqu’il n’était pas là, mais c’est par son absence que mon père brille le mieux. L’année dernière encore j’avais le désir de vivre comme les gens sans mon père et oublier mon père en allant vers les gens, j’ai passé des soirées en compagnie de gens qui n’avaient rien à voir ni de près ni de loin avec ce support de la fonction symbolique qui, depuis les temps historiques, identifie l’autorité à la figure de son institution et réciproquement, des gens qui n’avaient donc pas besoin de lui rendre des comptes ou d’être dignes de lui mais pouvaient se laisser aller à dire n’importe quoi par exemple des choses bêtes, remarquait mon père, à faire des commentaires sans fin sur des questions sans aucun intérêt, préférait-il se taire, n’en pensait-il pas moins, à produire et reproduire une espèce de glose aussi naïve qu’ennuyeuse, laquelle se transformait, à mesure que s’enfumaient les heures de cannabis, en flot plus ou moins continu de raisonnements sous-philosophiques d’une rare vacuité, quand c’était pas simplement des contre-vérités issues de l’air du temps, s’écoutait-il parler tout en lisant le Marie-Claire du cabinet dentaire, L’Oréal, Givenchy, Témoignage exclusif Les blondes montent au Front, Fashion week Armani, Chanel, capital soleil, Mode Balenciaga habille la police, l’éros des héros, Société Les pauvres sont pauvres et Le viol ça fait mal, L’ananas utile à tout, Soins du visage, Littérature les prix; Psychologie Changer ses habitudes, Profil Astro Mercure entre aujourd’hui dans le signe non conventionnel du verseau et vous aurez dorénavant quelques facultés à déconcerter les autres par des réactions imprévisibles ou des idées bizarres, côté sentiments néant mais ça ne devrait pas pour autant changer le cours des choses, Cancer à l’affût de toute occasion d’élargir intelligemment vos horizons professionnels ! Pendant que mon père se cultivait tout seul, je tenais des conversations sans aucune tenue ni retenue et malheureusement sans en avoir l’esprit, en réalité j’enchaînais des oui-oui et des ouais en ajoutant de temps en temps un prudent nonobstant, j’employais le présent pour parler du passé et le conditionnel pour parler du futur sans respecter du tout la concordance des temps, devait-il constater les yeux clos, bouche ouverte, bercé par la musique du détartreur trois vitesses d’un grand défenseur des dépassements d’honoraires et du droit de certains aux dents blanches pour toujours. Content de son émail et de cette occasion de me signifier la déception constante à laquelle, donc, semblait-il, quelle que soit la charge de son agenda, irrémédiablement, il fallait que je l’exposasse, il m’avait prescrit à peu près cent ans de solitude.
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Après j’ai dû passer des mois à lire Klemperer et Kraus en mangeant des bananes et relire Klemperer en refumant pas mal. Je me renseignais sur le nazisme à cause du fascisme et sur le fascisme à cause d’une ambiance nationale avec des nuances dans le vocabulaire et des changements de manières, comme si toutes les haines qui s’étaient retenues avaient le droit de sortir sans honte et sans reproche. J’avoue je lisais Klemperer pour tout exagérer parce que la survie d’un philologue juif sous le IIIe Reich est tout de même incomparablement plus terrible que celle de no-life même sous état d’urgence dans la bonne ville de Lyon, l’hiver étendait son brouillard de particules fines, évidemment il ne faisait pas bon se promener avec une barbe ou un voile sur la tête ou avoir une tête de contrôle au faciès, mais les gens voulaient bien se faire fouiller les sacs à l’entrée de la Fnac et des Monoprix et montrer qu’ils n’avaient pas de couleur ni de signes ostentatoires et donc a priori rien de pas catholique, je sortais parfois avec un bonnet ostensible à pompon radical et des lunettes noires, c’était pour vérifier cette façon de voir, mais le regard indifférent d’autrui m’indiquait que j’avais peu de poils suspects et un assez bon look, les excentricités sont un non-conformisme assez bien intégré dans le système de la mode, fuck that fake, je suivais les chiens dans leur promenade forcée, je cherchais un travail dans l’angoisse d’en trouver, j’avais beaucoup à faire donc je rentrais chez moi.
Je fumais en lisant Klemperer, puis je lisais Kraus en mangeant des bananes et rien ne me venait sur les assignations à résidence, les perquisitions administratives, la déchéance de nationalité ni sur aucune des mesures contre les menaces d’une extrême gravité, en lisant Kraus je voyais un peu mieux ce qui peut arriver quand la liberté se met à dépendre d’un idéal plus élevé sur l’échelle d’un État, suivant des formules bien connues du type le travail rend libre ou la sécurité est la première des libertés. Je sentais bien dans l’atmosphère ambiante une obstruction à l’imagination et une paralysie de la pensée par l’union nationale au nom de la Liberté et la liberté comme raison de ne plus en avoir. Mais ça n’était pas pour autant le fascisme et vraiment pas du tout le IIIe Reich, il faut tout de même pas chier.
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Entre novembre et mars, est-ce que c’était décembre, de Fête des lumières il n’y en avait pas ça c’était déjà sûr, je m’en foutais pas mal, les feuilles étaient mortes et les fleurs étaient moches, le marché des quais de Saône était gardé par des parachutistes, j’étais dans l’angoisse de trouver un travail pour avoir un métier parce que, comme on dit, les métiers sont refroidis et sans rapport avec la vie et véritablement une chose étrangère à la grande variété de nos aspirations, j’avais regardé les offres pour poète, j’avais eu cette idée d’un emploi dans rien sous le contrôle de personne, ça me semblait correspondre à un manque de profil difficile à cerner dans le bilan de compétences, en réponse à poète il y avait un poste de rédacteur technique e-learning pour une entreprise industrielle leader sur son marché et des annonces rédigées en vers publicitaires pour devenir humain avec le regard clair et un air solide au milieu du désert.
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– Je suis en train de gagner une partie contre les ennemis de la paix grâce à une équipe d’intervention internationale composée de héros vaillants et courageux venus de tous horizons.
– Papa, c’est un jeu vidéo.
– Et alors ?
– Les jeux vidéo ne sont rien qu’une occupation de temps de cerveau disponible, Papa, c’est toit-même qui l’as dit un jour où tu avais bu.
Mon père a souri d’une façon validée par le code du sourire de son tragique ancêtre. Il veut bien que je lui envoie quelques vannes quand il a réussi à exploser des ennemis d’Overwatch.
– Sais-tu seulement ce qu’est le cerveau ? Parfois je me demande.
– Le cerveau, Papa ?
– Le cerveau est un muscle. Il a besoin d’entraînement. Les jeux vidéo sont une salle de muscu. Alors prends-en de la graine.
Inutile de dire à mon père que le cerveau n’est pas un muscle. Il est indifférent à ce genre de détail, il modifie la science pour dire des préceptes, c’est une pédagogie assez répandue qui démontre l’utilité du savoir scientifique, mon père est un puits de science, il peut faire un cours sur le cerveau à un médecin spécialiste du cerveau qui préfèrera entendre ses conneries plutôt que de risquer de lui faire perdre la face, mon père ne perd jamais la face en face du savoir.
– Mais Papa, comment je pourrais jouer alors que tu me dis de chercher un travail ?
– Tu as une conception beaucoup trop limitée de l’acteur dans le système. Dans cette guerre qui a commencé depuis plusieurs années, nous avons bien conscience les uns et les autres qu’il faudra du temps et que la patience est aussi exigeante que la durée et la dureté avec laquelle nous devons combattre.
– Tu dis n’importe quoi Papa.
– Peut-être mais c’est une citation.
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Vidéo de Noémi Lefebvre
Vidéo de Lucie Clayssen sur le livre de Noémi Lefebvre, "létat des sentiments à l'âge adulte".
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