Ce roman est écrit tel un traité philosophique de la poésie, et notamment de sa place dans la société contemporaine, de la libre errance.
"
Poétique de l'emploi " de
Noémi Lefebvre est publié en cette année 2018 aux Editions Verticales.
En dix leçons, le poète / lecteur est ainsi armé face au désarroi de la vie.
p. 12 : " J'avais la faiblesse d'imaginer que la poésie serait la liberté de dire n'importe quoi quelles que soient les atteintes à la République et les menaces qui pèsent sur la Démocratie. "
A la recherche d'un emploi, sans réellement en chercher, et en ayant surtout l'appréhension d'en trouver un, la narratrice nous conte ses interrogations.
p. 45 : " [...] je voulais apprivoiser l'idée d'un travail mais l'idée ne s'apprivoise pas, il faut y aller c'est tout, comme les gens font avec le travail, ils y vont, mais comment y aller quand on n'a pas le temps à cause du temps qui passe et qui nous est compté ? "
Le lecteur est ainsi propulsé dans les rues de Lyon, au gré des événements sociaux, tels que les mesures post-attentats ou les manifestations contre la loi travail.
p. 56 : " Ta conscience entre deux attentats se réveille soudain à cause d'un besoin que le monde soit beau ou du moins plus gentil, alors tu imagines des histoires vraies vécues par des vraies gens, tu penses aux victimes de tout ce qui n'est pas beau et vraiment pas gentil comme la guerre et la haine. "
A travers cette errance, des dialogues avec son surmoi de père, qui sont finalement plus des monologues tant la communication semble unilatérale.
p. 51 : " - Mais Papa, sans vouloir te vexer ni rien te reprocher, je ne me souviens pas que tu aies fait, je veux dire par toi-même, quoi que ce soit d'exemplaire.
-Il me suffit d'être pour avoir été et réciproquement, et de devenir de la même façon. C'est ça qui est exemplaire. Alors prends-en de la graine. "
La narratrice est prise d'une certaine angoisse à vivre.
p. 81 : " [...] j'avais certainement des carences en quelque chose, peut-être affectives, sans doute aussi en joie. "
Dans un quotidien post-attentat où la présence significative de l'armée dans le paysage questionne la narratrice sur la l'état de guerre du pays. D'où les références très présentes tout au long du roman aux écrivains allemands
Klemperer et Schiller, et autrichien Kraus.
p. 64 : " [...] en lisant Kraus je voyais un peu mieux ce qui peut arriver quand la liberté se met à dépendre d'un idéal plus élevé sur l'échelle d'un Etat, suivant des formules bien connues du type le travail rend libre ou la sécurité est la première des libertés. "
Ce livre est finalement une suite d'interrogations sur la nécessité de trouver un emploi pour survivre, en substituant sa propre liberté à celle de l'employeur, dans une société où le "sans-emploi" est perçu comme une tare.
p. 13 : "- Est-ce que tu peux pas dire que plus t'angoisses de trouver un travail et plus tu t'angoisses d'avoir un travail si jamais tu en trouves, tout en angoissant de ne pas en trouver ? "
Un livre très court, d'une centaine de pages seulement, mais qui nécessite une relecture tant son accessibilité est restreinte de prime abord. En effet, de construction plutôt complexe, avec parfois des phrases dont la longueur s'étire sur plusieurs pages, ce récit aborde tant de sujets divers et variés que le lecteur a de quoi s'y perdre... Une approche très particulière et surtout très personnelle de la poésie.
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