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EAN : 9782370553188
340 pages
Le Tripode (03/03/2022)
3.91/5   196 notes
Résumé :
Du jour au lendemain, partout sur la planète, c'est la stupéfaction : les appareils photographiques n'enregistrent plus la présence des personnes. C'est à croire que l'univers, saturé de nos présences, a décidé de se révolter contre l'espèce humaine. En Provence, un enfant observe ce nouveau monde, si chamboulé qu'il bascule dans une réalité que personne n'aurait imaginée.
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Il n'y a que de belles idées dans ce roman follement inventif et terriblement original. Que des trouvailles génialement teintées de poésie.

Dans un monde très légèrement dystopique, le monde commence à se dérégler lorsque les appareils photo ( smartphones compris ) puis les caméras refusent d'enregistrer la présence humaine. le décor, oui, les animaux oui, mais les hommes, niet, numériquement invisibles. Et puis, vient le temps des Grêlons. L'espace de stockage du Nuage est tellement saturé de data qu'il commence à recracher chronologiquement des Grêlons, tous les êtres humains photographiés et filmés depuis le premier portrait de Constant Huet par Louis Daguerre au Museum d'histoire naturelle en 1837 … Bientôt, le monde est submergé de Grêlons qui atterrissent de partout, totalement hébétés.


« Là, ce que Le Nuage relâche, ce n'est pas des 0 et des 1, du binaire. C'est autre chose, un langage qui n'a ni queue ni tête, de la data d'un nouveau type, qui s'échappe du Nuage au milieu du reste en petits paquets. de micro-averses qui tombent comme ça, alors qu'on n'a rien demandé. Il ne s'agit pas de flux, qui sont vectorisés ; non, Le Nuage nous crache dessus des micro-averses de data sauvage. Un peu comme si Le Nuage était plein à ras bord, qu'il était trop lourd et qu'il n'arrivait plus à se contenir un jour de plus de façon normale. Imaginez des grêlons qui tombent du Nuage : de la date congelé à l'intérieur et maintenant elle est trop lourde pour y rester alors elle chute. »

C'est la voix d'un narrateur assez étrange qui nous conte ces événements étranges. Au début du récit, c'est un tout jeune adolescent. On va le voir devenir jeune adulte tout en restant résolument accroché à l'enfance, le nez dans son bol banania et sa soupe Floraline préparée par sa maman, confondant de candeur mais avec une touche de lucidité, peut-être malgré lui. Avec à ses côtés son meilleur ami et son amoureuse secrète, qui eux aussi vont devoir grandir en se trouvant une place dans ce drôle de monde.

Lorsqu'on écrit un roman à touches fantastiques empreintes de réalisme magique, le plus difficile est de parvenir à créer un univers cohérent et à le conclure. Il y a peut-être quelques longueurs mais le grain de folie douce est tellement plaisant et surtout l'avancée de l'intrigue si ingénieusement millimétrée que je me suis régalée, portée par une écriture enjouée, pleine d'humour. C'est sans doute cela le plus fort, en fait, parvenir en toute légèreté à parler avec intelligence et profondeur des dérives de notre société : narcissisme, consumérisme, dangers d'un populisme de plus en plus extrémiste, xénophobie ( superbe idée des Frelons anti-Grêlons ) … les métaphores / échos à aujourd'hui sont multiples et jamais lourdauds.

Mais le plus touchant, c'est la façon qu'à ce merveilleux roman à nous inviter à conserver notre âme d'enfant face aux déchaînements du monde. Avec Arthur Rimbaud en guest star pour soigner la peur du basculement dans le monde des Grands. Et attention à bien lire jusqu'à la dernière ligne, y compris le « Achevé d'imprimer » final. Lorsque j'ai découvert le prénom du narrateur et l'identité de l'auteur, c'est juste magique et m'a emplie de reconnaissance envers Olivier Mak-Bouchard. Illuminée.




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C'est une fois de plus sur ses terres de Provence, après son premier roman "Le dit du Mistral", qu'Olivier Mak-Bouchard ancre les évènements du "Temps des grêlons". Pas un traité météorologique, bien que des orages surviennent, mais un roman tout à fait atypique, mélange surprenant des genres, osant un ton original.

C'est à hauteur d'enfant, grâce à un jeune narrateur (dont le prénom n'est dévoilé qu'en fin de récit), que nous pénétrons dans cette histoire où tout débute par un étrange événement : les appareils photo ne représentent plus les êtres humains! Les paysages, oui, mais finis les selfies, le cinéma, la télé, le JT...
Saturé par notre omniprésence via nos clichés, dont le nombre ne cesse d'augmenter, le cloud s'est rebellé. Mais il ne se contente pas simplement de ne plus figer nos visages sur nos écrans numériques ou sur papier glacé ! Voilà que le cloud se met aussi à "recracher" nos avatars, larguant comme des grêlons les malheureux qui se sont fait "tirer le portrait" depuis le 19ème siècle...
Très discipliné, il respecte un ordre chronologique et renvoie d'abord les 1ers "cobayes" pris en photo par l'inventeur de l'appareil photo, M. Daguerre, dès 1837. Les personnages ainsi "recrachés" par le nuage "cloud", surnommés donc "les Grêlons", ne sont que le reflet des personnes disparues depuis bien longtemps. Pourtant ils se meuvent, respirent, mangent, comme de véritables personnes. Mais ils restent apathiques, simples avatars de ceux qu'ils représentaient. Pas tout à fait humains, pas non-humains non plus.
Dès lors, que faire d'eux ? Certains, à force d'efforts, finiront par être "illuminés", gagnant en conscience et en personnalité, les autres végétant dans un état fantomatique.
Au vu des progrès en matière de photographie sur ces deux derniers siècles, il devient évident que des arrivées massives de "grêlons" se profilent et que la situation va empirer.

De cette situation burlesque mais dramatique, l'auteur aurait pu tirer un roman s'inscrivant uniquement dans le registre de la science-fiction. Or, Olivier Mak-Bouchard, s'il introduit un élément imaginaire et peu probable (quoique ?!), s'ingénie ensuite à dresser l'état "des lieux et des âmes" d'une société qui ne sait que faire d'individus, au mieux problématiques, au pire indésirables. D'aucun pourrait s'aventurer à établir un parallèle avec les réfugiés, migrants climatiques, politiques ou économiques ; mais aussi de façon plus osée avec les personnes âgées, déjà considérées aujourd'hui dans certains pays comme inutiles économiquement, donc à charge...

Pour aborder ce thème grave, l'auteur fait le choix de s'attacher aux trajectoires de trois enfants, copains d'école, qui grandissent au cours du récit et feront des choix différents. le narrateur, éternel enfant durant tout le roman, Jean-Jean le meilleur ami bègue et la copine anglaise Gwendoline.
Olivier Mak-Bouchard livre un roman incroyablement "calibré", équilibré, parfaitement "dosé" puisqu'il parvient à faire cohabiter la douceur, ce côté enfantin de la narration, avec un contexte qui s'assombrit progressivement. Mais il sait aussi entrelacer imaginaire et réalisme : partant d'un postulat digne de science-fiction (le cloud recrachant les sujets photographiés), il tisse un récit où l'on retrouve des problématiques de notre Histoire, des comportements qui ne nous sont pas inconnus et des questionnements sur ce qu'il pourrait advenir de nos sociétés.

Je suis très admirative de la plume de l'auteur, et de la pertinence de son choix de registre littéraire: il louvoie sans jamais perdre ou lasser le lecteur entre le conte initiatique (le "Candide" De Voltaire), cette narration naïve et enfantine autour d'une thématique sérieuse, et la science-fiction (à la façon d'un Orwell ou Aldous Huxley)

Les remarques à hauteur d'enfants sont pleines de fraîcheur, d'une simplicité qui porte à sourire, d'une délicieuse (bien qu'involontaire puisqu'émise par un enfant) irrévérence:
"Gwendo, elle a pas la même religion que nous, elle a la religion de son pays, ceux qui protestent . C'est un peu pareil que nous mais pas tout à fait : ils veulent bien croire en Dieu, en Jésus , mais à la Vierge Marie, non là ils veulent pas y croire, c'est vraiment trop gros, ils ont protesté,".(P.45)

J'ai beaucoup souri et souvent ri des réparties de ces trois jeunes amis, des réflexions du jeune narrateur, si ingénu, sur les comportements des adultes, sur notre société, nos hypocrisies et nos petits travers. Olivier Mak-Bouchard croque la situation avec le sens du burlesque et déroule totalement ces événements insensés. Je me suis régalée des réactions des professeurs de lettres, s'apercevant que le Grêlon d'Arthur Rimbaud n'offrirait pas d'oeuvre supplémentaire à l'humanité ! C'est d'un délicieux cynisme:
"Les semaines passaient et les Grêlons, ceux d'Arthur Rimbaud comme les autres, non seulement ne faisaient toujours pas de vers, n'ajoutaient aucune rime à leur oeuvre, mais restaient farouchement hébétés, ne disaient rien, ne savaient rien. Les yeux ailleurs ils étaient là sans être là. Ils ne faisaient que nous regarder, fixement.
La déception a été grande, la moitié des profs de lettres et d'histoire se sont mis en dépression jusqu'à la fin de l'année."(P.120)

Malgré le contexte préoccupant, le récit gagne en cocasse et maintient ce ton frais grâce à la narration ingénue de son jeune protagoniste, qui assiste à cette "débandade" historique !

Mais malgré ce ton naïf et enfantin du début, imperceptiblement le récit bascule vers un réalisme empreint de menaces : d'une situation improbable qui apparaît au tout début comme étonnante, parfois amusante, l'auteur fait chanceler son roman dans un monde inquiétant qui n'est pas sans rappeler de sombres périodes historiques.
Quand la recrudescence des cas de Grêlons commence à peser sur la société, que des voix discordantes se font entendre, ce ne sont plus juste diverses opinions qui s'expriment mais des visions radicalement opposées qui émergent. le glissement qu'opère Olivier Mak-Bouchard est finement amené, mais toujours avec le regard indolent mais très doux du protagoniste.
Et je suis totalement conquise par la construction de son roman, d'autant plus quand je relis la note de l'éditeur en début d'ouvrage et "l'achevé d'imprimer" dans les dernières pages, qui se répondent parfaitement et achèvent une boucle parfaite.
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Clic clac, au départ, moi j'étais pas d'accord quand Gwendo m'a arraché le téléphone des mains pour faire une photo de l'Indien. En plus, la maitresse, Mme Philibert, elle nous avait prévenus, les Indiens, ils voulaient pas qu'on les prenne en photo, ils avaient peur qu'on leur vole leur âme …
En plus, Maman elle m'avait prêté son téléphone pour le jour de la sortie à OK Corral (le super parc d'attractions sur les cow boys et les Indiens) pour la prévenir en cas de problème, pas pour faire des photos et à tous les coups, j'allais me faire gronder.
Bref, l'Indien de pacotille a posé crânement sur son fidèle destrier pour Gwendo. Sauf que, de retour dans le bus, quand on a voulu regarder la photo, ben surprise, si on voyait bien le paysage et le canasson, d'Indien, point, nada, il avait été remplacé par le paysage en arrière-plan.

Ne bougez plus, le petit oiseau va sortir, clic clac, merci Kodak, c'est dans la boîte ! et pour toujours pensez-vous en appuyant sur le bouton de l'appareil photo. Enfin, ça c'est ce que vous croyez … Hé bien détrompez-vous, car à la lecture du temps des grêlons vous allez voir les choses autrement, et vous allez peut-être même hésiter dorénavant à prendre des photos (enfin moi oui, pas folle la frelonne).

Voilà plus d'un an que je trépignais en attendant le nouvel opus d'Olivier Mak-Bouchard, eh bien je n'ai pas été déçue ! OM-B m'a refait le coup du Murakami provençal et son numéro de charme comme la dernière fois, et me voilà à nouveau ensorcelée, des spirales ou des coeurs à la place des prunelles, je ne sais plus très bien.
Dans cette aventure triptyque, nous allons voir grandir notre petit narrateur, d'enfant à grand adolescent, puis enfulte, Tanguy qui a du mal à grandir, quitter sa Maman et son bol de Banania qu'il savoure tous les matins.
Le premier volet de l'histoire, les photons se concentre sur l'enfance de notre petit héros qui se garde bien de nous dévoiler son prénom, mais sans nul doute son second prénom est celui d'Olivier (l'auteur) qui revisite avec gourmandise les lieux de son enfance. Incontestablement, la partie que j'ai préférée, l'auteur fait vivre à merveille ce petit garçon avec ses blessures (son papa décédé) et ses copains ; le gros Jean-Jean qui bégaye et Gwendo l'intello (tiens un petit air d'Harry Potter dans ce trio, sauf qu'ici la chevelure rousse et les taches de rousseur sont pour la franco-britannique Gwendolyn).
Comme n'arrête pas de nous le répéter Olivier, ouvrez l'oeil et le bon pendant votre lecture, car je peux à peu près vous garantir, qu'une fois la dernière page lue (mais la vraie dernière page celle après le « Achevé d'imprimer », vous aurez envie de tout relire, en vous disant que bien sûr, vous avez manqué plein de choses. Bon enfin, ça c'est pour les cancres comme moi, Olivier est sympa, il nous offre une petite séance de rattrapage, les premiers de la classe, ils auront compris depuis longtemps et ceux qui sont dans la moyenne, ils auront capté à la dernière page numérotée, (bah oui quand même pas si facile que ça), même si forcément l'idée vous a au moins effleuré à un moment donné. Et, là, bim, promis, vous aurez à votre tour votre illumination ! C'est pas très clair mon histoire, mais hors de question de trop vous en dire !
Plein d'allusions, d'illusions, de doubles lectures, un peu comme un dessin animé Disney, un premier niveau pour les enfants, et puis un second pour les adultes avec plein de clins d'oeil par ci ou là … et même que des fois, il y a beaucoup plus de degrés que ça !
Les références fusent, un vrai feu d'artifice, de Rimbaud à Walt Disney, en passant par Alice au Pays de merveilles. D'ailleurs, Olivier Mak-Bouchard se paye même le luxe de petits messages à ses lecteurs du Dit du Mistral (son précédent ouvrage), en autorisant au Hussard un petit coucou, ainsi qu'à M. Sécaillat … du grand art, je vous dis …
Bref, je me suis fait mener par le bout du nez, et j'en redemande. Allez, en route, les amis pour le pays d'Olivier Mak-Bouchard … et n'oubliez pas de réviser vos classiques (interro surprise à la fin du billet).
Bon ben, Olivier, j'attends donc déjà ton troisième opus (je recommence déjà à trépigner, une vraie danse de Saint-Guy, j'espère juste que ça n'est pas prévu le 31 septembre 2022), inutile de te dire que tu as placé toi-même la barre haut, très haut …
Clic-clac, merci pour la photo, vous pouvez enlever les Ray-Ban (M.I.B ça vous dit quelque chose ?) et reprendre une activité normale…
PS : toujours aussi fan de Phileas Dog et de cette (à nouveau) superbe couverture !
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C'est tout d'abord la jolie couverture de ce roman qui a attiré mon regard : j'ai tout de suite reconnu l'empreinte de l'illustratrice Phileas Dog du très beau premier roman de l'auteur Olivier Mak-Bouchard, « le dit du Mistral ».
On retrouve dans cette illustration une même continuité dans le choix des couleurs, des formes douces et arrondies. J'ai trouvé que ce beau décor de pinèdes aux couleurs ensoleillées dégageait un charme très provençal, des senteurs résineuses et boisées. Et en même temps, la présence d'une multitude de frelons proches de leur nid amène une notion de menace, d'incertitude.
Le titre aussi évoquait pour moi des notes douces-amères, la beauté de la nature et le temps orageux qui s'annonce.

Je ne pouvais pas passer à côté de ce roman apprécié par plusieurs Babel-ami.es.

*
Je n'ai pas été étonnée que l'intrigue se déroule dans le sud de la France, dans le Lubéron, terre du premier roman d'Olivier Mak-Bouchard.
Trois enfants voient leur monde bouleversé par des évènements étranges et inexplicables : du jour au lendemain, les appareils photographiques cessent de fonctionner correctement. Les photos sont vides de toute présence humaine.
C'est à travers le regard d'un des enfants que le lecteur assiste à ce phénomène insolite qui fait beaucoup parler.

« Mme Philibert (la maîtresse) nous avait expliqué que les hommes vivaient maintenant trop vite, qu'ils allaient plus vite que la lumière, et que du coup les appareils photo n'arrivaient plus à suivre, qu'ils étaient perdus les pauvres, qu'ils n'avaient plus envie de nous tirer le portrait. »

Mais ce phénomène extraordinaire ne va pas s'arrêter là : un beau jour, le nuage contenant la mémoire de nos ordinateurs et de nos serveurs, saturé par trop de datas, laisse pleuvoir les premières personnes photographiées.

« … ces gens … sont quelque chose d'autre, de nouveau, qu'on n'a jamais vu. Quelque chose qui est né au moment de leur prise de vue, et qui revient aujourd'hui. »

Surnommées "les Grêlons", ces personnes venues du passé enthousiasment et passionnent la population, surtout lorsque des célébrités et de grands hommes sont renvoyés du nuage.

« Je suis sûre que nous allons communiquer avec eux, ils ont tant de choses à nous apprendre, en histoire, en sociologie, en ethnographie. Vous vous rendez compte, tous les … Amérindiens qui ont disparu aujourd'hui et dont nous ne savons presque rien, leurs grêlons vont pouvoir nous donner des témoignages uniques. »

Mais très vite, avec l'invention du daguerréotype, des premiers studios de photographie, puis la démocratisation des appareils photos au milieu du XXème siècle, les retombées de "grêlons" se multiplient et leur nombre devient préoccupant.

Que faire de tous ces grêlons qui atterrissent, le regard hébété, perdu, vide ?

*
Le talent d'Olivier Mak-Bouchard est de nous emporter dans un monde réaliste et crédible, tout en mâtinant son récit d'une pointe de réalisme magique.
Enfants au moment des faits, on voit les trois personnages principaux de l'histoire grandir et devenir de jeunes adultes. On voit leur amitié évoluer. Dans ce contexte incertain, ces incidents ont bien sûr un impact sur leur vie.

L'un des points forts du roman est la capacité de l'auteur à conter l'histoire simple de gens ordinaires dans un monde qui se révolte.
L'auteur a su rendre le jeune narrateur, dont le prénom n'est connu que dans les toutes dernières pages du roman, particulièrement attachant. On entre dans l'esprit d'un enfant rêveur et introverti qui a des soucis scolaires importants.
Ses deux amis sont très différents, permettant d'autres regards sur les évènements.

*
La construction du scénario est très originale par des ruptures dans la trame du récit : l'auteur intercale des courriers administratifs qui apportent une dimension encore plus réaliste, concrète. Je me suis demandée à quoi servaient ces échanges de mails, mais on le comprend à la toute fin.

A cela s'ajoute une belle surprise dans la toute dernière page du livre, le récit du narrateur étant enchâssé dans celui d'un autre. Pour s'en rendre compte, il faut absolument lire jusqu'à la toute dernière page intitulée « Achevé d'imprimer ».

*
L'écriture d'Olivier Mak-Bouchard est très plaisante : sa prose est simple, fluide, et crée une ambiance immersive et plausible.
C'est tout d'abord des sensations de fraîcheur et d'humour qui m'ont fait apprécier ce roman. Mais il se dégage aussi des saveurs que j'apprécie beaucoup dans mes lectures, une écriture poétique et introspective.
L'auteur aime pailleter son récit de références à des auteurs. Ainsi, dans "Le temps des grêlons", la poésie d'Arthur Rimbaud se mêle au scénario.

« Si les temps revenaient, les temps qui sont venus !
- Car l'Homme a fini ! l'Homme a joué tous les rôles !
Au grand jour, fatigué de briser des idoles
Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,
Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux ! »
Extrait de Soleil et Chair, Arthur Rimbaud, 24 mai 1870

Ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce récit, c'est que le style est en totale adéquation avec l'âge du narrateur : le ton est donc enfantin, parfois naïf, sans être niais pour autant. On ne peut que sourire à certaines de ses pensées.

*
Entre le conte initiatique et fable humaniste et politique, l'auteur se livre à une réflexion subtile sur les thèmes autour de l'amitié, de la famille, et du difficile passage à l'âge adulte en ces temps incertains.
Mais l'auteur va plus loin, en abordant des sujets plus graves, sans pour autant être donneur de leçon : ils tournent autour de notre société et de notre mode de vie, de notre humanité et de ce qui nous définit comme des individus, de la haine et de l'individualisme, des libertés et de la montée des extrémismes.

Il m'a rappelé en cela « Zombies » et « Calamity Zombie » de Bouffanges, les deux auteurs abordant les questions relatives à l'autre, à l'acceptation de la différence, à leur intégration ou leur assimilation dans la société. Ils nous interrogent par là même sur les notions de responsabilités individuelles et collectives, de même que leurs implications morales.

« … ça devient vraiment n'importe quoi. C'est tous les jours des problèmes avec les Grêlons, tous les jours, on n'est jamais tranquilles. Un jour, c'est un atterrissage du Nuage sur les voies du métro, le lendemain, ce sont des Grêlons coincés dans les escalators. C'est bien simple, ça n'arrête jamais. »

*
Pour conclure, "Le temps des grêlons" est un récit original teinté de réalisme magique qui nous emporte dans une histoire d'amitiés touchante, tout en faisant passer des messages forts. En effet, c'est une jolie métaphore sur les dérives de nos sociétés, sur l'intolérance et la haine de l'autre, celui qui est différent, plus faible.

Un beau second roman à découvrir.
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Vous connaissez surement ce sentiment d'inquiétude qui vous serre un peu le coeur au moment d'ouvrir le second livre d'un auteur, dont le premier vous avait enchantée. J'ai été très vite rassurée à ma lecture de ce deuxième livre d'Olivier Mak-Bouchard. Dans un thème très différent, j'ai retrouvé la patte de l'auteur, cette écriture poétique, cette touche de fantastique mêlée à un profond amour pour cette terre du midi, ces personnages un peu lunaires…

Un jour, le nuage se rebelle : pas les nuages qui viennent parfois perturber le ciel de cet été caniculaire (comme aujourd'hui pour moi), mais celui où sont stockés toutes les informations que nous générons et dont la masse augmente exponentiellement. Ce nuage refuse d'abord les représentations des humains, ce sont d'abord les photos, puis les images filmées, la télévision qui ne montre plus les personnes. Et puis un jour, à la gare de la Ciotat, un groupe de personnes apparaissent, costumés comme dans ce documentaire de Louis Lumière. On croit à des acteurs, ce sont en fait les interprètes de l'époque. le phénomène ne reste pas isolé, et peu à peu, ce sont toutes les personnes photographiées au cours du temps qui retombent sur terre. On les appelle les grêlons

L'auteur nous raconte cette histoire par la bouche d'un jeune garçon, devenant un homme dans cette époque troublée. Deux autres enfants font partie de son univers, dont les chemins divergeront à l'âge adulte pour le meilleur et pour le pire. Cet enfant qui gardera son coeur et son esprit d'enfant même à l'âge adulte, nous ne saurons qu'à la toute fin comment il s'appelle, et c'est un magnifique clin d'oeil de l'auteur. Il est touchant et ô combien attachant dans sa vision de ce monde détraqué, vision pleine de candeur, d'un monde qui devient de plus en plus inquiétant.

Je me suis demandée jusqu'où l'auteur allait nous emmener, comment il pourrait finir ce livre. Je n'ai jamais été déçue, je ne vous en dirai pas plus. Les évènements s'enchainent, c'est à la fois inquiétant mais aussi plein d'humour et de poésie. L'auteur réussit à nous enchanter malgré ce monde qui se dérègle, c'est toute la force de son écriture et de son personnage central.
Et surtout, lisez le livre jusqu'à la toute fin….
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
« Bbbaaahhh, ça schlingue là-dedans, ai-je dis en me bouchant le nez. Ça-ça pue la mort, t-tu veux dire. Là- là-dedans, y a un ca-ca, ca-ca… » essayait de dire Jean-Jean. Il était tout rouge, tout excité, je ne l'avais jamais vu comme ça. « Y a un caca dans la cabane ? » l’ai-je coupé pour arriver à lui faire cracher le morceau. (Avec lui, hein faut pas être pressé, vous m'avez compris). C'était dégueulasse, y a vraiment des malpolis partout. Non seulement les gens n'avaient pas le droit de rentrer dans la cabane super secrète, mais ils avaient encore moins le droit d'y faire la grosse commission. Elle est où, hein, la politesse ?!
« N-non, y a un ca-cadavre là-dedans », il a répondu avec des yeux grands ouverts et des étoiles dedans. Quand je vous ai dit qu'il finirait policier, j'ai pas exagéré.
« Le cadavre de quelqu'un qui est mort ? »
Pendant un moment, on s'est regardés sans rien dire. Un mort, c'est pas rien.
(p.75)
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Jean-Jean m’a demandé si je voulais un long ou un court, avec ou sans sucre. À vrai dire, ce n'est pas vraiment lui qui posait ces questions, c'était plutôt la machine à café, et Jean-Jean ne faisait que lire les instructions qui s'affichaient. Je me suis dit que ce n'était pas le moment de faire des simagrées, qu'il fallait prendre du café comme les Grandes Personnes. J'ai répondu un long, avec du sucre : ça aiderait à le faire passer.
Malheureusement, la machine a répondu qu'il n'y en avait plus : « T-tant pis, il va f-falloir faire sans » a grommelé Jean-Jean. Il s'est servi à son tour, et on est restés silencieux pendant un moment en touillant dans nos gobelets.
C'était complètement inutile, puisqu'il n'y avait pas de sucre : autant jouer au mikado avec les mains de Mickey Mouse. Mais bon, on touillait.
(p.275)
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Lorsque les appareils photo se sont arrêtés c'est de ce côté-là qu'on avait creusé pour trouver une explication. On a regardé à nouveau, on a renvoyé de la data pour voir.
Le Nuage est toujours là, et il joue toujours avec la data. Impossible de lui faire avaler ou cracher ce qu'on veut, ça n'a pas changé. En revanche, ce qui est nouveau, c'est qu'il a en plus commencé à lâcher de l'information sans qu'on le lui demande. On s'en est même pas aperçu, au début, il a vraiment fallu regarder deux fois avant d'arriver à voir quelque chose. C'est infinitésimal, presque rien par rapport aux flux qui opèrent encore normalement. Mais le plus curieux, c'est que ce n’est même pas de la data, ou moins pas la même structure que celle avec laquelle on a l’habitude de traiter.
Là, ce que le Nuage relâche, ce n'est pas des 0 et des 1, du binaire. C’est autre chose, un langage qui n’a ni queue ni tête, de la data d’un nouveau type, qui s’échappe du Nuage au milieu du reste en petits paquets. Des micro-averses qui tombent, comme çà, alors qu'on n’a rien demandé. Il ne s'agit pas de flux, qui sont vectorisés; non, le Nuage nous crache dessus des micro-averses de data sauvage.»
L'Homme le Plus Riche du Monde a fait une pause. On s'entait qu'il voulait nous laisser le temps de digérer. p.100
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Au tour suivant, quelqu'un que nous n'attendions pas est monté dans une auto tamponneuse. C'était Bateau-Ivre, il avait remisé l'autobus au dépôt, et était venu passer la soirée à la kermesse. C'était marrant de le voir assis ailleurs que dans son fauteuil de chauffeur, sous les néons électriques et avec l'odeur de la barbe à papa. Le volant paraissait tout petit dans ses grosses paluches. Pareil pour l'auto-tamponneuse. On aurait dit Donkey Kong dans son kart, il ne lui manquait plus que la banane.
Il nous a vu tous les trois en train de rigoler et a grommelé : « Allez les trois Mousquetaires, après tout ce temps que je vous balade dans tout le pays d'Apt, toujours intriqués comme cul et chemise, je vais vous claquer la bise à la manière Crash Dummies, moi, vous allez m'en dire des nouvelles ».
(p.135)
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J'ai pris mon vélo et direction Saint Saturnin, un bâton de réglisse entre les dents, histoire de faire comme Lucky Luke sur Jolly Jumper. Entre la serviette du Grand Bleu qui n'arrêtait pas de frotter contre la roue arrière, la passoire qui me tombait sur les yeux et mon glaive gaulois qui faisait dérailler la chaîne, ça n'a pas été de la tarte, mais bon. En plus, à la fin pour arriver au village, il y a une sacrée montée, ça fait les mollets. (p.49)
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La librairie Point Virgule brouille les genres cette semaine en présentant trois livres en poche qui jouent à la fois sur le tableau du réalisme et sur celui de l'imaginaire :
- Les roses fauves, Carole Martinez, collection Folio, Gallimard, 8,20€ - Le Dit du Mistral, Olivier Mak-Bouchard, Le Tripode, 10€ - Blackwater, L'épique saga de la famille Caskey, tome 1 - La Crue (série en 6 tomes), Michael McDowell, Monsieur Toussaint Louverture, 8,40€
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