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Laura Brignon (Traducteur)
EAN : 9791027904174
224 pages
Anacharsis (19/08/2021)
4.05/5   30 notes
Résumé :
Une jeune ethnomusicologue vient enquêter sur des chants de bergers entendus au-dessus de Crottarda, village enfoui au fond d’une vallée privée de soleil. Plongé dans une perpétuelle pénombre, il trempe dans une humidité froide et dévorante, qui n’empêche guère ses habitants de se faire facétieux, à l’occasion. À l’arrivée des rares visiteurs, ils se donnent des allures de monstres difformes auxquels la grisaille ambiante prête un air de réalité.

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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Là-bas c'est l'Italie. La narratrice de ce récit est une jeune ethnomusicologue qui vient enquêter sur les chants des bergers de Crottarda, un village de montagne enfoui dans une vallée privée de soleil. Elle veut étudier ces mystérieux chants dont elle a gardé le souvenir lorsqu'elle est venue ici passer quelques jours de vacances avec ses parents alors qu'elle était encore une enfant.
Elle s'installe dans une pension lugubre et humide. Un énorme champignon auréole le plafond au-dessus du lit. Bien qu'étant quasiment l'unique pensionnaire du lieu, elle doit partager sa chambre avec une adolescente sauvage, impertinente et quelque peu vulgaire, Bernardetta, qui est de la famille de Mme Verdiana, la propriétaire du lieu. Une insolite amitié va se nouer entre elles deux, l'adolescente se proposant même de guider la jeune femme dans ses pérégrinations et sa quête vers les alpages, vers les chants venus de là-haut, à la recherche des mystérieux bergers mélodieux...
La jeune chercheuse est tout d'abord accueillie plutôt avec convivialité par les habitants du village. Elle découvre ainsi une de leurs coutumes, ceux-ci se grimant derrière des déguisements outranciers pour venir à l'arrivée des rares visiteurs qui s'égarent ici, comme s'il s'agissait de rompre un instant l'humidité froide des jours sans fin par quelques gestes facétieux...
Rejoindre les alpages, découvrir le mystère de ces chants qui résonnent dans le coeur de la vallée comme un dialogue... Qui résonnent aussi dans le coeur de la narratrice depuis son enfance.
Je suis entré dans ce roman par ses premières pages baignées d'enchantement et d'étrangeté. Je suis entré pas à pas avec la curiosité d'un enfant qui pénètre une forêt peuplée d'oiseaux avec des yeux étonnés.
Le grotesque se mêle à ce monde presque magique des premières pages.
Sur l'autre versant de la vallée, un peu plus haut, il y a un autre village qui s'appelle Autelor, il est sur le versant inondé de soleil. Les deux villages semblent s'observer, se défier dans cet affrontement minéral. La narratrice découvre vite que des rancoeurs séculaires habitent les habitants de chacun des deux villages. Mais là-bas dans cette vallée retirée du monde, on ne nomme pas les villages et leurs habitants, on dit simplement : Ceux d'En-Bas, Ceux d'En-Haut...
Peu à peu l'étrangeté laisse place à l'inquiétude, puis à l'angoisse. Les pitreries des Crottardais font de moins en moins rire. J'ai commencé à perdre pied comme l'héroïne de l'histoire dans un monde au bord du fantastique...
Des détails qu'on croyait sans importance surgissent dans cet imaginaire débridé, par exemple cette question presque banale qu'on se surprend à poser : « Tiens, ils n'ont pas de cimetière, on se demande bien ce qu'ils font de leur défunts... »
Perdre pied, la plus belle des aventures d'un lecteur. Trébucher au bord de l'abîme...
Peu à peu la population qui accueillait naguère la jeune chercheuse avec des facéties commence à montrer des signes d'hostilité. Elle finit par ne plus rien comprendre... Avoir peur...
Même les intentions de sa jeune colocataire semble lui échapper et elle finit par se demander si la proposition de celle-ci de l'aider dans ses recherches ne recèle pas une volonté cachée de mieux l'égarer...
Dans cette inquiétude que j'éprouvais moi aussi, je me suis retrouvé en totale empathie avec la personnage principale.
Certains personnages semblent tout droit sortis d'un conte gothique. À commencer justement par Bernardetta, agaçante, possessive, imprévisible, touchante aussi dans les aspérités qu'elle porte déjà si jeune au travers de son histoire. Je l'ai adorée.
Comment ne pas songer alors à certains romans de Charles-Ferdinand Ramuz, qui a raconté la montagne comme personne d'autre et qui avait un sens très profond, très marqué, de l'inquiétude et de l'angoisse ?
Ce roman a été pour moi l'occasion de découvrir un auteur italien que je ne connaissais pas, Claudio Morandini.
D'ailleurs, l'auteur convie pour ma plus grande joie le grand écrivain montagnard suisse en le mêlant à l'étrangeté du récit :
« Quiconque se retrouve à Crottarda pense forcément au roman de Charles-Ferdinand Ramuz, Si le soleil ne revenait pas, où il est question d'une communauté alpine qui regrette le soleil pendant tous les mois d'hiver, et d'un vieux fou qui raconte à la ronde que le soleil est malade et ne reviendra pas, qu'il passera ailleurs pour toujours. Va savoir, en vient-on à penser, si, à l'instar des personnages de Ramuz, les Crottardais craignent pendant les longs mois d'ombre que le soleil ait disparu pour toujours. Va savoir si, au printemps, à l'instar des montagnards du roman tâchant de résister à leur angoisse devant les prédictions du vieil Anzévui, ils s'élancent, impatients, sur des sentiers impraticables pour dénicher l'astre solaire et le prier de revenir éclairer les hommes. »
On est loin ici comme chez Charles-Ferdinand Ramuz des clichés de la littérature de montagne, Claudio Morandini les fait voler en éclats et c'est jubilatoire.
Très vite alors l'effroi s'installe. La folie menace...
La trame du récit est faite d'oscillations entre deux versants d'une même vallée, entre l'adret et l'ubac, entre le ciel des oiseaux et les choses souterraines, entre chemins oniriques et mystères spongieux, entre alpages verdoyants et dolines ténébreuses, entre l'absurde et l'inquiétant, entre ce qui se dit et ce qui ne se dit pas, entre ce qu'on révèle au grand jour et qu'on enfouit de manière abyssale dans les entrailles de la terre ou peut-être encore plus profondément, c'est-à-dire en nous-mêmes... Dans ses contrepoints, des chemins se dessinent dans le fond d'une vallée oubliée du reste du monde...
Peur de trébucher, de tomber dans une de ses dolines, ces gouffres débouchant sur des boyaux étroits et tortueux où il est si difficile de s'y glisser comme de s'y extirper... On se demande bien ce qu'ils peuvent cacher.
Mais bientôt, un autre chant s'élève dans la vallée, une voix venue de sous terre que la narratrice semble seule à entendre, comme un appel dans la nuit.
« Cette voix se déplace en même temps que nous. Elle s'est manifestée depuis des espaces lointains, mais aussi depuis une proximité insoupçonnée. Peut-être qu'elle résonne le long des boyaux qui percent la montagne, qu'elle les exploite comme la coulisse d'un trombone. J'ai la sensation de plus en plus vive que c'est à nous – à moi – qu'elle s'adresse. Peut-être qu'elle me suit, me cherche. Cependant, je ne sais pas comment lui répondre. Je ne connais pas son langage, je ne peux qu'essayer de le transposer, de le mettre en musique, sans saisir son sens profond. Mais le cri qu'elle a poussé il y a peu n'a pas besoin de traduction : un cri est un cri, il ne renvoie à rien d'autre qu'à lui-même. »
J'ai aimé la singularité de ce roman. Elle est venue à moi comme un rêve éveillé, hypnotique, durant deux cent vingt-quatre pages.
Envoûtant.
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C'est une étrange sensation qui m'accompagne au moment de rédiger ce billet, celle de revenir d'un voyage lointain, étrange et quelque peu inquiétant.
Dans ce récit, Claudio Morandini évoque à un grand auteur qui décrit comme nul autre pareil la montagne, c'est Charles-Ferdinand Ramuz. On retrouve dans ces deux écrivains le sens du tragique, une forme de fatalité et bien sûr l'amour de la montagne, majestueuse et toute puissante.

Vous devez vous demander où ma lecture m'a emportée.
Difficile à dire. Cet endroit paraît bien réel, à quelques heures à peine en voiture, mais en même temps, c'est un lieu reculé, inhospitalier, sombre, sauvage, impénétrable.
Un endroit hors du temps.
Un endroit où l'ombre recouvre presque entièrement les lieux et semble influencer l'humeur des habitants, les rendant moroses, taciturnes et fermés.
Un endroit où la rancoeur et une haine viscérale nourrissent les habitants de Crottarda pour le village voisin d'Autelor qui lui, situé en face, est baigné, par la lumière et la chaleur du soleil toute la journée.
Un endroit en définitive fait de contrastes, sublime et angoissant, fascinant et oppressant.

En y repensant, je trouve que le titre est bien choisi, car le récit oscille également entre rêve et réalité, éveil et cauchemars, espoir et peur, soleil et ombre, lumière et ténèbres, visible et caché, jusqu'à ce que tout se confonde dans une troublante attirance.
Mais si le décor vous semble atemporel et étrange, qu'en est-il de cette histoire ?

*
Enfant, lorsque la narratrice partait en vacances avec ses parents à Crottarda, et, la nuit, elle entendait des chants étranges, mystérieux provenant de la montagne.

« de l'extérieur provenaient des sons étranges, lointains et pourtant nets, qui pénétraient sans difficulté par la fenêtre, comme émis par un haut-parleur : ils étaient à mi-chemin entre un cri et un chant, et modulés – me disais-je alors, repensant à des documentaires sur les milieux marins – comme les longs bramements dignes d'un opéra par lesquels les baleines communiquent d'un point à l'autre de l'océan. »

Aujourd'hui adulte, elle garde le souvenir vivace de ces nuits à les écouter et si elle est devenue ethnomusicologue, c'est sûrement en raison de la fascination exercée par la beauté de ces chants et le mystère qui les entoure.
Elle décide alors, dans le cadre de ses études universitaires, de satisfaire sa curiosité et de se rendre dans ce village perdu dans les montagnes alpines pour étudier ce langage complexe et insolite que les bergers se transmettent entre eux depuis de nombreuses générations.

L'accueil des Crottardais, tout d'abord amical et facétieux, va progressivement évoluer, devenant froid, distant pour se faire franchement hostile et menaçant. En effet, la narratrice est une étrangère et ses recherches sont vécues par les villageois comme une intrusion dans leur vie privée.
Ainsi, très rapidement, elle comprend qu'il va lui être difficile de découvrir l'origine de ces chants et de comprendre leur signification.
Le récit est prenant, intrigant, l'atmosphère magnifiquement rendue pour une immersion totale.



*
Les personnages sont magnifiquement décrits dans toutes leurs particularités, entretenant une atmosphère authentique, mais aussi étrange et dérangeante autour des Crottardais.
Sa façon de décrire ses personnages comme s'ils vivaient en symbiose avec leur milieu participe à cet effet de miroir. L'auteur glisse d'un personnage à un autre avec une fluidité remarquable, les fondant dans le décor.
Ils sont tous parfaitement bien décrits, on les voit se dessiner dans notre esprit au fil de la lecture : la narratrice de plus en plus perdue dans un monde qu'elle ne comprend pas et qui la rejette ; Mme Verdiana, la logeuse, femme revêche et secrète ; ou encore, l'énigmatique Bernadetta, une adolescente candide, primesautière, effrontée et un peu tordue.

« Elle est belle, Bernardetta, d'une manière qui lui est propre : je comprends que ses amis de la forêt se la disputent quand le froid la rend vive, la colore comme le soleil colore les fruits sauvages. »

*
La beauté du récit provient en grande partie de la très belle écriture de Claudio Marandini dont les descriptions très réalistes, pleines de beauté et de poésie, saisissent avec une intensité croissante, les ombres et la froideur de cette vallée, l'atmosphère écrasante des montagnes, le vertige abyssal des gouffres sous nos pieds, ainsi que l'attitude des habitants envers la jeune femme.

L'auteur n'a pas son pareil pour nous immerger dans un environnement montagneux percé de profondes dolines, parcouru d'ombres difformes et de présences inquiétantes. Il l'esquisse par petites touches de couleurs ternes et sombres, en prenant son temps, malgré le format court du roman.
Dans ce décor gris et opaque, on ressent, au côté de la narratrice, cette impression que tout peut arriver, qu'une menace plane. Même si le danger reste flou, indéfini, le lecteur reste malgré tout sur le qui-vive, méfiant.

« J'ai déjà remarqué l'endroit de la forêt où elle m'emmène, plus touffu et impénétrable que d'autres. Pourtant, à bien y regarder, ici aussi un étroit sentier se cache sous les branches et les volutes des plantes à feuillage persistant. À chaque pas, on a la sensation d'être touché : les feuilles épaisses et humides ont la même consistance que la chair, et elles ne se bornent pas à effleurer, elles semblent palper, non contentes de vous retenir, elles vous inspectent, se faufilant entre les plis de vos vêtements, s'insinuant jusqu'à votre peau.
Bernardetta, qui me précède de quelques pas, aime cela : elle se laisse caresser par la végétation sans écarter les branches, au contraire elle se jette sur elles avec une sorte de volupté, elle recherche l'étreinte, s'y livre avec transport. »

*
Pour conclure, bercée par les chants de ces bergers d'un autre temps, je me suis régalée et je ne manquerai pas de lire les autres romans de Claudio Morandini.
Dès les premières pages, son talent de conteur et la richesse de sa plume m'ont embarquée dans ce récit teinté de réalisme magique. L'auteur entremêle subtilement l'obscurité des paysages à des personnages fuyants et taiseux, le tout dans une langue superbe, musicale, visuelle et sensorielle qui transmet de belles sensations.
Me restera « la voix dolente et secrète venue de la forêt ou des profondes cavités du sol qui continue de psalmodier dans ma tête ».

Une belle découverte que je dois à Bernard (Berni_29). Je vous engage à aller lire sa superbe critique et à lire ce beau roman pour vous faire votre propre idée.
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Quand la narratrice se rend à Crottarda, une vallée retirée de tout en Italie, elle sait qu'elle va dans un endroit où le soleil n'apparait que quelques heures par jour, et encore, pas toute l'année. En effet, la vallée (qui se révèlera être une doline effondrée) est encaissée et exposée de telle sorte que le village ne reçoit que quelques rayons de soleil alors que le village d'en face, Autélor, bénéficie d'une ensoleillement exceptionnel.
Pourtant, elle s'y rend de son plein gré pour un séjour d'études comme ethnomusicologue. Elle se souvient que lors de ses vacances d'enfant elle écoutait le chant des bergers qui, d'un sommet à l'autre, échangeaient des nouvelles, blaguaient, discutaient. Elle se souvient de l'envoutement que produisait ces chants. Elle tient donc là un merveilleux sujet d'études.

Elle trouve à se loger chez une habitante, Mme Verdiana et partage quasiment sa chambre avec une orpheline de 16 ans, Bernardetta. Sauvage, fantasque, la jeune fille court la montagne, court surtout la forêt moussue, humide, pleine de champignons, s'introduit dans des cavernes et raconte des histoires à dormir debout.
Si sa présence étonne les villageois qui ont l'habitude de se déguiser en monstres pour accueillir les rares visiteurs, on la reçoit avec de la bienveillance jusqu'à elle commette l'impair de se rendre à Autélor, chez Ceux-là.
Immergée dans cet environnement froid, humide, sombre, elle finit par ne plus savoir quoi croire. Que sont ces chants ? Si ce ne sont pas les bergers, qui est-ce ?
Voici un récit que j'ai trouvé envoutant comme le chant mystérieux qui résonne dans les nuits de Crottarda. Il est envoutant par son étrangeté, par les personnages rencontrés au fil du séjour de la chercheuse, par la complicité et peut être même l'amitié qui se noue entre elle et Bernardetta, par les querelles ancestrales qu'entretiennent les habitants des deux versants pourtant absolument isolés du reste du monde, par les non-dits et les rejets des Crottardais qu'on ne comprend pas trop et qui créent un malaise de plus en plus pesant jusqu'à laisser penser que le lieu est menaçant.

Alors des oscillations, il y en a.
Celles des chants d'abord qui semblent si beaux bien qu'inquiétants. Celles des habitants du village qui oscillent entre bon accueil et exclusion. Celles de la forêt où se balance des mousses ancestrales accrochées aux branches des arbres. Celles des expéditions vengeresses entre Ceux d'en haut et Ceux d'en bas.
J'avais déjà beaucoup aimé le chien, la neige, un pied du même auteur mais je dois dire que le côté irréel de ce récit, sa dimension fantastique voire fantasmagorique m'ont beaucoup plu. L'ambiance est glauque au possible et pourtant il y a aussi quelque chose de féérique, de merveilleux…

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Dans le cadre d'un travail universitaire à présenter, Une jeune ethnomusicologue décide de retourner à Crottarda, un village de montagne, où elle passait des vacances très tristes et sombres étant enfant.Lors de ses divers séjours, la jeune femme est persuadée d'avoir entendu les bergers exercer un type de chants très particuliers et jamais étudiés à ce jour. Elle part donc à Crottarda, avec son magnétophone et ses stylos et carnet de notes. Elle trouve un hébergement chez Madame Verdiana chez qui cela pue, la nourriture est dégoutante et en plus elle doit partager sa chambre avec une adolescente au comportement limite désocialisée appelée Bernardetta.
Au début tout se passe bien, les gens du village s'intéressent à son travail et à elle. Puis autre chose commence à se dessiner et à se mettre en place à travers des plaisanteries montées par les habitants, jeunes et moins jeunes. La jeune doit apprendre à composer avec la haine de Crottarda pour le village d'Autelor. Crottarda vit dans le froid, l'obscurité, l'humidité, la moisissure tandis que Autelor vit au soleil, à la lumière. Et Bernadetta, envers laquelle elle montre une forme de condescendance au début, commence à prendre une place très singulière et quelque peu perturbante dans ce séjour de plus en plus bizarrement angoissant.
Progressivement la jeune fille s'enfonce dans un lieu, une histoire, une géographie, une sociologie, un mauvais esprit qui lui pompent tout.

C'est un roman qui nous parle d'étrange, sans tomber dans le fantastique ou l'horreur facile mais qui vous interroge sur la notion de malaise voire de malveillance insaisissable. Un quelque chose qu vous percevez mais qui ne se concrétise pas ouvertement et pleinement sous vos yeux et dans vos oreilles. D'où la question : la jeune ethnomusicologue arrive bien dans sa tête mais ne finirait-elle pas par sombrer à cause de cette malveillance grasse qui vous colle quand vous êtes à Crottarda ? Car Claudio Morandini ne donne pas de réponse nette, claire et précise, non jamais. Cela oscille en effet. Et j'ai aimé cette question et les oscillations autour car j'ai pensé par certains aspects 2 références : une cinématographique, Rosemary's baby, une littéraire, le horla.

Alors je m'arrête à 3.5 étoiles car j'avoue quand même que par moments cela oscillait un peu trop et du coup j'ai eu un peu de mal à avancer vers la fin de l'histoire. Mais une découverte, je recommande.
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Avant tout, je tiens à vivement remercier Babelio et toutes les personnes qui y travaillent, puis les éditions Anacharsis pour ce livre que j'ai pu découvrir grâce à la Masse Critique du mois de janvier.

L'histoire se déroule presque intégralement dans le village de Crottarda, au pied des montagnes, dans une ombre et une humidité quasiment constante. On suit les travaux d'une jeune ethnomusicologue qui s'intéresse aux chants de bergers. Elle va ainsi découvrir ce village et ses habitants aux manières étranges...

J'aurais bien aimé que ce livre soit un peu plus long et continu dans ce mystère palpable et cette ambiance qui nous enveloppe d'ombre et d'humidité.
De par son style d'écriture, l'auteur retranscrit très bien l'atmosphère lugubre qui règne dans ce village. Les descriptions des lieux sont toujours très importantes pour moi dans mes lectures, que ce soit dans une pièce ou un lieu naturel, etc. Et dans ce récit, c'est vraiment réussi. Cela participe grandement à rendre palpable, comme je le disais plus haut, cette ambiance particulière, qui contraste avec le village d'en face, Autelor toujours ensoleillé.
Les personnages sont plutôt bien travaillés et j'ai apprécié l'excentricité de Bernardetta et suivre la curiosité de la narratrice. Les habitants ont l'air de cacher beaucoup de choses et il est difficile de savoir s'ils sont bons ou mauvais, à la fois accueillant et menaçant. Malgré tout, un peu plus de détail sur la vie des villageois aurait été appréciable mais cela laisse une par de mystère quant à leur vrai nature.
L'histoire est à la limite de la science-fiction par certains aspects. Ce flou, créé par l'auteur dans la narration, est tout bonnement extra ! Plus j'avançais dans la lecture, plus je me posais de questions et me demandais ce que j'allais trouver à la page suivante. du moment où j'ai commencé le livre, je ne l'ai pas lâché avant de l'avoir fini.

Grâce à ce roman j'ai pu découvrir un auteur dont je n'avais jamais entendu parler et cela m'a donné envie de découvrir les deux autres romans de Claudio Morandini traduits en français.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Depuis la plaine, la route se dirige tout droit vers l’horizon, en direction de la chaîne de montagnes d’un gris uniforme. À mesure qu’on approche, on distingue des différences de tons dans ce profil lointain, des échancrures, des dépressions. On dirait que la route vise un endroit précis mais indiscernable dans le décor opaque des montagnes. Soudain, l’endroit en question se révèle être un passage incroyablement étroit entre deux versants ténébreux et impraticables. La route s’y faufile, franchit une cluse et continue dans une petite vallée à peine plus large, juste assez d’espace pour quelques prés, quelques champs, une poignée de masures éparses ; elle semble aller se cogner contre une autre cluse dont elle ressort par miracle deux tournants après ; nouveau tronçon plus large ; nouvel étrécissement, plus encaissé et plus hostile, occupé par une colline morainique incongrue abandonnée au milieu, qu’un tunnel perce sans remords, permettant de déboucher de l’autre côté. Suit une déviation sur le versant gauche, mal indiquée et subite, qui a dû faire jurer plus d’un touriste ; puis virages sur virages, à négocier patiemment, l’autoradio allumé et l’estomac en alerte. La vallée où je ferai ma recherche est là-haut, cachée à ceux qui circulent en bas, un repli profond et sauvage entre des parois encore plus escarpées que celles que nous avons longées jusque-là.

(Incipit)
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Quiconque se retrouve à Crottarda pense forcément au roman de Charles-Ferdinand Ramuz, Si le soleil ne revenait pas, où il est question d'une communauté alpine qui regrette le soleil pendant tous les mois d'hiver, et d'un vieux fou qui raconte à la ronde que le soleil est malade et ne reviendra pas, qu'il passera ailleurs pour toujours. Va savoir, en vient-on à penser, si, à l'instar des personnages de Ramuz, les Crottardais craignent pendant les longs mois d'ombre que le soleil ait disparu pour toujours. Va savoir si, au printemps, à l'instar des montagnards du roman tâchant de résister à leur angoisse devant les prédictions du vieil Anzévui, ils s'élancent, impatients, sur des sentiers impraticables pour dénicher l'astre solaire et le prier de revenir éclairer les hommes.
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« Comme toi, j’estime que les mystères, les vrais mystères, forts, persistants, se trouvent toujours en dessous, sous nos pieds. Ils nous tirent vers le bas par les chevilles, pas vers le haut par les cheveux. En hauteur, tout au plus, il rôde des rêves sentimentaux, des obsessions métaphysiques sans intérêt. Mais la véritable peur de tout homme, c’est que quelque chose l’attrape par les chevilles et l’attire sous terre, ou qu’une longue langue froide sorte du sol pour lui lécher la plante des pieds, ou que des myriades d’yeux sertis dans la terre le fixent d’en bas, l’épient quand il passe, et se contentent de baisser leurs paupières sombres quand il regarde ses pieds ou qu’il leur marche dessus. »
Commenter  J’apprécie          202
Dès le premier matin passé ici avec mes parents, je fus frappée par les cris des bergers. J'étais au lit, je me souviens, et j'essayais de me réchauffer et de me tenir au sec enfouie sous plusieurs couvertures. De l'extérieur provenaient des sons étranges, lointains et pourtant nets, qui pénétraient sans difficulté par la fenêtre, comme émis par un haut-parleur : ils étaient à mi-chemin entre un cri et un chant, et modulés - me disais-je alors, repensant à des documentaires sur les milieux marins - comme les longs bramements dignes d'un opéra par lesquels les baleines communiquent d'un point à l'autre de l'océan. Ces voix, qui titillèrent ma curiosité, devaient continuer à me distraire du froid les matins suivants.
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Ils oscillent, mes pauvres Crottardais, entre le besoin de se cacher et la nécessité de sortir à découvert, de respirer l'air de dehors ; entre l'exigence de s'exprimer et le mutisme, entre un festin des sens, de tous les sens, y compris ceux que nous autres ne savons plus exercer, et la fermeture de tous les orifices dans le silence, dans l'obscurité complète, dans l'absence de contact ; entre un au-dessus qui s'éloigne et devient inatteignable, ou qui écrase et oppresse, et un au-dessous dans lequel s'enfoncer, enfin, et continuer de nourrir du ressentiment et des inquiétudes ; entre humain et non-humain ; entre vivant et non-vivant. Les oscillants, ai-je envie de les appeler. Et je finis par me sentir un peu oscillante moi aussi.
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A l'occasion de Lire en Poche 2021, Claudio Morandini vous présente son ouvrage "Les Oscillants" aux éditions Anacharsis.
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