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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Premier paragraphe: « Dire le sens de nos vies est moins facile que d'exalter leur complexité. Notre mémoire, tel un journal de bord, consigne mille liens qui nous unissent aux autres, remous de passions, labyrinthes de pensées. Ce qui nous fait oublier le but du voyage »
Et pourtant c'est exactement ce que fait Andreï Makine dans ce petit roman : à travers les faits et gestes, émotions et sentiments, grande et petite histoire, c'est l'âme qui se révèle.
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Ce roman d'Andreï MAKINE incarne parfaitement sa pensée de vie, sa philosophie. Ce qui compte, ce qui finalement donne un sens à une vie c'est la recherche de moments d'éternité et la capacité à s'émerveiller de ceux-ci. Ces instants où le temps s'arrête ou plus rien n'a d'importance si ce n'est ce moment même, où l'indicible apparaît. Les poètes ont toujours recherché et chanté ces points de fusion de l'existence (relisons encore et encore le regretté Christian Bobin).

Ce roman est déroutant pour beaucoup de lecteurs car finalement l'écrivain synthétise à vitesse grand V la vie d'un homme embarqué dans les tumultes du 20ème siècle. Il survole une existence, des étapes de vie. Cela crée une espèce de frustration. On reste sur sa faim. On aimerait davantage de détails sur la vie du héros, de ses compagnons de vie, etc... En revanche, seul le souvenir d'un amour de jeunesse revient régulièrement tout au long du récit.

Justement, le sens du roman est là. L'important finalement n'est pas la vie de ce héros mais un moment de sa vie en particulier qui le fonde et qui le construit en tant qu'homme. Qu'importe cette vie hasardeuse durant laquelle le héros du roman a été balloté comme dans un bateau pris en pleine tempête. C'est un peu le cas de nous tous. Nous ne sommes responsables finalement de pas grand chose, l'histoire nous mène comme elle l'entend. En revanche, nous avons le pouvoir de nous arrêter de nous émerveiller devant ces moment d'éternité que la vie nous propose comme un baume pour soulager les souffrances qu'elle nous inflige. Ces moments de grâce, de poésie, d'éternité constituent notre vraie vie. Celle-ci ne peut pas être seulement - ne doit pas être - l'addition de nos pseudos réussites ou échecs sociaux, professionnels, conventionnels...

Ce baume pour le héros de Makine est cet amour de jeunesse et son souvenir. le reste n'est finalement rien et ne mérite que d'être survolé... Ce roman n'a pas vocation à décrire la vie d'un homme mais un moment de vie qui a fait un Homme.

Bref, un grand roman de Makine. A lire absolument.
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Pour comprendre le sens du titre de ce roman, il faut savoir qu'en 1918 en pleine révolution bolchevique, Lénine imposa à la Russie un nouveau calendrier qui avançait les horloges du temps de deux semaines par rapport à "l'ancien" en vigueur dans l'empire tsariste. Dans les esprits d'alors, l'adaptation se fit lentement et c'est pendant cette période "intermédiaire" que le héros du livre, Valdas Bataeff, vécut avec son amie Taïa une histoire d'amour de quelques semaines en Crimée sur les bords de la Mer Noire.
L'histoire de Valdas épouse celle du 20ème siècle. Né en Russie en 1898, c'est un très vieil homme que, près d'un siècle plus tard, le narrateur de ce roman rencontre à Nice, assis sur le banc d'un cimetière qui domine la mer. Sur une dalle de ce cimetière, une phrase va être le déclencheur du récit que Valdas va faire à cet inconnu, une phrase qui lui paraît convenir parfaitement à la trame de sa propre existence : "Ne dites jamais, avec reproche, ce n'est plus, mais dites toujours, avec gratitude, ce fut."
S'arrêtant sur cette nuance grammaticale, le lecteur va en découvrir pleinement le sens en parcourant les cinq parties de cet ouvrage qui retracent avec une grande concision le parcours de ce nonagénaire qui, au crépuscule de sa vie, contemple le paysage alentour, et qui prononce cette phrase à la fois apaisée et riche de la force du souvenir : " La femme que j'aimais ne demandait rien d'autre - ce vent ensoleillé et la ligne de la mer entre les cyprès. Désormais, cela nous suffit pour être vivants."

Servi par une écriture sobre et élégante, le récit d'Andrei Makine, en balayant l'histoire de cet homme, évoque celle de la Russie tsariste, devenue l'Union Soviétique après une sanglante guerre civile, et, au détour de chaque page, cette narration mélancolique distille l'infinie nostalgie de ceux qui un jour ont quitté leur terre natale.

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Dans ce roman, on suit le parcours de Valdas, de l'insouciance de son adolescence dans une famille aisée de Saint-Pétersbourg, à l'âge adulte marqué par 2 guerres et la révolution russe, et son exil en France. On s'attache à cet homme qui aura brièvement vécu le grand amour, et qui réussira à entretenir celui-ci par les souvenirs et les beautés de la nature.

C'est un beau roman que j'ai lu à petites doses, afin de bien le savourer. L'écriture concise m'a beaucoup plu. Bien que le roman s'étale sur une période de plus de 50 ans, on a l'impression d'avoir eu accès à l'essentiel de la vie de Valdas, dans ce court roman de 200 pages.

Après une vie difficile marquée par les traumatismes des guerres et de la révolution, des risques associés à la contrebande, des échecs amoureux, c'est d'une grande beauté que Valdas continue malgré tout à jouir de la vie en perpétuant son amour pour Taïa.
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Parmi les auteurs contemporains, Andreï Makine fait figure d'OVNI. La littérature contemporaine est souvent bruyante; même quand les auteurs se taisent, le bruit du monde y fait irruption. de la même manière, elle est souvent trépidante, même quand il ne se passe pas grand chose, car le souffle du monde y pénètre. le style est devenu vulgaire, et le sexe absolument incontournable.
Au milieu de tout ce tintamarre, comme un rocher immuable dans la tempête, Makine nous propose une toute autre musique. Sa langue presque désuète, hélas, en irrite certains qui la trouve académique. Personnellement, je m'émerveille de cet auteur, né en Russie, qui a renoncé à écrire dans sa langue maternelle (si belle aussi) pour écrire dans le français qu'il vénère et maîtrise mieux que bon nombre de ses confrères en littérature. Makine est un homme du silence. Face au tourments du siècle, il se réfugie dans la contemplation. Son livre est certes court, mais il nous transporte hors du temps, dans un autre calendrier.
L'histoire du roman, c'est l'histoire d'un homme à qui il fut donné, avant la révolution russe, puis pendant, de vivre quelques heures puis quelques jours de bonheur. Valdas Bataeff a vécu quelques instants au milieu d'un siècle fou. Mais ces quelques instants furent et se suffisent à eux-mêmes. C'est très beau.
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Chroniquer un livre d'André Makine relève pour moi du défi.
Il me faudrait pouvoir planter un décor minimaliste pour oser me lancer dans un commentaire sur son dernier roman.
Un décor qui ressemblerait à ça :
Un "champs des derniers épis", le " vent ensoleillé de lumière " du ciel de Crimée, un "carré de laine", l'ombre d'un moulin et deux prénoms, Tania et Valdas.
Il me faudrait aussi arrêter les horloges pour exactement deux semaines. Deux semaines égarées dans la grande nébuleuse du temps, supprimées par décret par Lénine en 1918 afin que la jeune Union Soviétique rejoigne les pays civilisés dans leur chronologie grégorienne.
En dehors de ce décor et dans ce temps suspendu, le tumulte tapageur d'un siècle de fureur sur le continent eurasien.
Une guerre civile, deux conflits mondiaux d'inédite violence, l'exil, la misère, les armes prises sous une bannière puis dans le rang des résistants, des morts par centaines... La vie de Valdas pourrait remplir 1000 pages.
C'est le génie d'Andreï Makine que de livrer cette fresque en quelques 198 feuillets, comme un condensé alchimique et mystérieux qui ne laisserait en bouche que le souvenir de ces deux semaines envolées.
On dit que le temps perdu ne se rattrape pas. Et pourtant si, sous la plume de cet auteur magicien, il se fait même calendrier se jouant de toute temporalité et se tournant résolument vers une fugace éternité.
Ouf. Je suis arrivée au terme de ce billet. J'espère qu'il aura su dire mon enchantement.
Il existe en Russie une expression ambivalente et intraduisible pour exprimer une forme de mélancolie qui seule, permet de ressentir l'acuité et l'intensité du temps présent. On l'appelle la Toska.
En fermant ce livre, je m'y replonge avec délice avec le secret espoir de l'avoir partager un instant avec vous.
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Andreï Makine, l'un des illustres écrivains contemporains narrant la Russie nous fait cheminer auprès de Valdas dans la grande nation du Tsar "fainéant" Nicolas II en plein déclin.
L'agitation du peuple se fait ressentir, Raspoutine, le démon adulé des Romanoff déchaîne les passions au même titre que la détestée tsarine Alexandra surnommée "l'allemande".
Dissimulée dans le confort d'une villa bourgeoise en Crimée en plein été , la haute société se gausse du pouvoir en place, militant, verres à la main, pour la nécessité du progrès, les artistes, eux, ne jurant que par l'avant-garde européenne.
De spectacles de salon improvisés en saynètes tchekhoviennes se dessinent, dès lors, les prémices d'un cataclysme naissant qui mènera toute une nation dans un drame absolu.
Andreï Makine nous entraine au coeur même de la révolution russe jusqu'à la montée des rouges et ce d'une manière très accessible qui plaira également aux profanes.
L' avenir que le peuple souhaitait plus clément s'assombrit, les élites prévoyantes s'exfiltrent, la Russie claudicante agonise, les braves soldats blancs désertent ne sachant plus de quel côté se situe la bravoure dans une effroyable guerre civile.

Puis, parmi l'horreur, l'amour, celui de deux amants qui se sont rencontrés lors de l'ancien calendrier Julien, changé en 1918 afin de se caler au calendrier Gregorien qui, selon Lénine, évoquait un temps civilisé...
Puis, l'exil en bateau de fortune , seul, de celui qui blesse et insulte les âmes, de celui qui atrophie les souvenirs et assomme les esprits, seule la houle de l'amour ondule et permet de rester vivant face au nouveau décor d'une seconde guerre déportée à Paris...

Andrei Makine retrace le destin des oubliés , des hommes capables des pires folies humaines tout en aimant d'un amour inconditionnel, aussi lointain soit-il, à l'image de celui qui perdure, là haut, dans le champs des derniers épis...

Un très beau roman à l'écriture raffinée .





































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«Je ne m'habituerai jamais à ce nouveau calendrier ! »

Avant la révolution d'octobre, le calendrier Julien était en vigueur en Russie comme dans la plupart des pays orthodoxes, mais en 1918 le calendrier Grégorien fut adopté et le lendemain du mercredi 31 janvier fut le jeudi 14 février 1918, pour renouer avec « le temps dans lequel vivaient les pays civilisés », selon Lénine. Ce temps « civilisé», pensait Valdas, n'avait pas empêché tous ces beaux pays, fiers de leur culture, de s'entre-tuer pendant cinq interminables années...

Valdas Bataeff nait dans une famille aisée et partage son enfance entre Saint Petersbourg et la Crimée où il croise Taïa qui vit de la contrebande du tabac. La guerre puis la révolution bolchévique renversent l'empire tsariste et balaient Valdas vers la Crimée où il vit deux semaines d'amour avec Taïa dans une grotte où ils tentent d'échapper à la folie meurtrière ; Taïa meurt en le protégeant.

Débute alors l'exode, via la Serbie, vers Paris où l'exilé devient chauffeur de taxi puis dessinateur dans un cabinet d'architecture. Diverses idylles ensoleillent brièvement son existence que bouleversent l'occupation allemande puis la libération, mais le souvenir des deux semaines avec Taïa ne s'efface jamais « sa part la plus précieuse appartenait à Taïa. Dans leur ancien calendrier, elle l'attendrait tant qu'il aurait la force de vivre, avec le souvenir du champ des derniers épis. »

Retraité au bord de la Méditerranée, Valdas y retrouve l'atmosphère de la mer Noire et un pasteur qu'il a connu dans la résistance :  
« Ce que tu as vécu... je parle de ces journées au bord de la mer Noire, c'était... le sens même de la vie.
Cet amour à l'écart du temps, c'est ce que nous devrions tous espérer !
Le seul qui nous est véritablement offert par Dieu.
Mais nous sommes rarement capables de le recevoir. »
(…)
« Cette chance est donnée à chacun de nous, à tout âge, mais nous avons peur d'y croire, cet amour paraît trop fragile à notre soif d'exister.
Nous l'abandonnons au profit d'attachements qui ont l'air plus solides.
Et la suite, tu la connais : toujours cette envie de rattraper un retard, le désir de désirer et, à la fin, le sentiment d un très grand vide.
Et pourtant, nous avons tous notre champ des derniers épis... »

C'est ce don de Dieu que nous transmet Andreï Makine en gravant dans le marbre :
« Ne dites jamais, avec reproche : ce n'est plus !
Mais dites toujours, avec gratitude : ce fut. »

PS : une femme aimée :
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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L'auteur, sur les traces d'un poète russe, retrouve sa tombe dans un cimetière niçois perché au-dessus de la mer. Il y rencontre un vieil homme, Valdas Bataeff, qui va lui conter sa vie.
Dans un récit très ramassé, Andréï Makine va restituer le parcours de Valdas Bataeff, malmené par la grande histoire : les deux guerres mondiales et la révolution russe.
Nous découvrons Valdas adolescent choyé qui passe l'été au bord de la mer, en Crimée. Il découvre la duplicité des adultes et ses premiers émois amoureux. Mais son monde va très vite être balayé et disparaître pour toujours.
Le 20ème siècle va montrer son visage le plus violent et le plus hideux.
Au milieu de ce déchaînement de fureur,Valdas va vivre un brève embellie. A l'écart du temps il va vivre avec Taïa un amour fugace mais unique qui va le porter toute sa vie.
Après son exil de Russie sa vie continuera à Paris et la guerre fera son grand retour. Mais son amour pour Taïa restera irremplaçable et irremplacé.
Andréï Makine déroule un récit émouvant, empreint de nostalgie. Il fait revivre un monde désormais révolu :L'ancien calendrier d'un amour est le calendrier d'avant la révolution bolchévique, le monde d'un amour défunt qui restera enraciné dans la mémoire et l'âme de Valdas.

[...Ils auraient pu, pensaient-ils, ne jamais quitter ce champ des derniers épis. Ou, mieux encore, emporter son calme loin du nouveau calendrier, de ses mensonges, de sa brutalité….]
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J'ai été immédiatement séduite, en entrant dans le roman d'Andreï Makine, par l'élégance, la délicatesse d'une écriture littéraire qui sait nous toucher au coeur.
Valdas, un vieil homme exilé du côté de Nice, se souvient de la douceur, de l'insouciance et de ses premiers émois amoureux durant ses vacances en Crimée dans les années 1913. Issu d'une famille aisée, l'avenir s'ouvre à lui. Hélas ! Les bouleversements du monde vont en décider autrement.
Ce sont les soubresauts de XXe siècle avec ses guerres, sa révolution contre l'impérialisme et leurs cortèges d'horreurs que ce roman nous fait traverser.
Le jeune Valdas se retrouve officier dans l'armée des Russes Blancs contre les Rouges. le voilà en Crimée, blessé et en fuite. Il y retrouve son premier amour, Taïa, avec laquelle une parenthèse enchantée va s'ouvrir au milieu de cette guerre fratricide et sauvage. Ils vivent encore au rythme du calendrier Julien alors que Lénine l'abroge en faveur du calendrier grégorien. Ce calendrier du passé devient le symbole d'une vie insouciante et légère. Il y a deux semaines d'écart entre les deux, deux semaines qui compteront toute une vie pour Valdas
« Leur vie s'abrita dans le temps de l'ancien calendrier, le nébuleux retard qu'avaient supprimé les hâtifs constructeurs de l'avenir radieux. »
Exilé à Paris, Valdas fera le taxi comme beaucoup de ses compagnons expatriés. Détaché de tout, miséreux, il est rattrapé par une autre guerre. Résistant par hasard, il échappe à la Gestapo. Les amours se suivent mais ne durent jamais. Aucune femme ne remplacera jamais Taïa, son grand amour et ce souvenir l'aide à supporter les vicissitudes de la vie.
« Il n'avait été véritablement vivant que pendant ces quelques jours lumineux de l'automne 1920. Dans le champ des derniers épis »
Cette nostalgie qui habite Valdas sourd dans chaque phrase et à chaque page. On ne peut être qu'en empathie avec ce personnage qui n'aura connu qu'un amour fugace et fragile mais d'une telle intensité qu'il deviendra inoubliable et fera office de talisman pour traverser un siècle de fureur et de cruauté.

J'ai été sensible à la mélancolie slave qui habille ce roman à l'écriture élégante et pudique qui nous touche au coeur.

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