Citations sur Les serpents viendront pour toi (29)
Sentir l'atmosphère de cette ville, sa touffeur, les quartiers miséreux des déplacés et la poigne ferme des grandes familles, les Vives Díaz, les Lafaurie et les autres, qui règnent depuis que la ville fut fondée, en 1525, première cité espagnole du continent - on en tire une certaine fierté ici, comme si avoir été colonisé et acculturé avant les autres était un privilège.
Il en va des histoires de famille comme des souvenirs d'enfance. Chacun possède sa propre vérité, sa propre légende, dont il refuse de douter. Des rôles précis y sont assignés aux autres. L'amour, la jalousie, l'envie, la mauvaise foi, la rancœur s'y mêlent. Aussi l'histoire de tes jeunes années,Maritza, est-elle radicalement différente selon le récitant.
Je suis passée devant un camp militaire comme il y en a dans toute la Colombie.
Les élites politiques et économiques ont la mainmise sur ce pays depuis des générations, des siècles, elles n'ont pas intérêt à ce que les choses changent. Le chaos les sert.
En définitive, on peut résumer ainsi la problématique : quiconque se met en travers de puissants, ou de leurs intérêts économiques - narcotrafic, grands projets énergétiques, miniers, agricoles ou autres -, est éliminé. Trop d'argent à gagner pour que la vie humaine fasse le poids.
En 2016, 97 leaders sociaux ont été assassinés. En 2017, 159. En 2018, 172. En 2019, 250. En mathématiques, on appelle ça une croissance exponentielle. On pourrait aussi appeler ça un massacre.
Au départ, tu étais un point sur une carte, une statistique dans un tableau sur les assassinats de leaders sociaux, en progression constante dans le pays depuis l'accord de paix de 2016 entre le gouvernement colombien et les FARC, les Forces armées révolutionnaires de Colombie, fruits d'une insurrection paysanne dans un pays où la gestion de la terre est profondément archaïque - pour ne pas dire féodale.
J'avais oublié la misère crasse de la capitale, sa noirceur de pollution et de pauvreté, ses estropiés qui dorment dans la rue, ses déplacés, rebuts du conflit qui s'entassent dans des bidonvilles accrochés aux montagnes, sa violence.
Quatre balles dans le ventre, à plat ventre sur les pentes de la Sierra Nevada de Santa Marta, ces montagnes qui plongent dans la mer Caraïbe, là où vient les Indiens et nichent les aigles, où poussent les plantes sacrées et celles qui rendent les hommes fous.