Le mari de Charlotte

Comme son titre l'indique, ce roman est l'histoire d'un mariage, celui de Charlotte. Elle est promise depuis bien longtemps à son cousin Georges, comme le voulait sa mère, mais les réticences de son père lui ont fait réclamer un délai. Alors que ce délai va toucher à son terme, les réticences du père contre l'ambitieux Georges sont bien loin de s'apaiser. Risquera-t-il de briser le coeur de sa fille en mettant obstacle à son mariage ou bien la laissera-t-il épouser un homme qui pourrait la rendre malheureuse pour le reste de sa vie ?

Comme souvent chez Hector Malot, le point de départ du roman est très simple et peut sembler peu attractif. À plusieurs reprises, au cours de la lecture, on croit être arrivé à une situation stable et on peut craindre de s'ennuyer. Mais, dans ce roman comme dans d'autres, Malot maîtrise à la perfection l'art du rebondissement. Car, finalement, ce roman n'est pas un roman sur le mariage (du moins pas essentiellement) mais sur la question de la maladie mentale et de son traitement. Il aborde ce sujet avec un tact parfait, laissant à peine deviner son opinion sur la question et laissant surtout le lecteur y réfléchir. C'est un roman qui, je trouve, illustre bien tout l'intérêt de la littérature et des sciences humaines en général face aux sciences dures. Alors que la science dure dit "voilà, c'est comme ça et il faut faire cela", les sciences humaines, comme leur nom l'indique, réfléchissent à l'impact humain, apportent un autre éclairage. Rien de tel qu'un roman, avec ses personnages auxquels on s'attache, pour faire interroger l'aspect humain des découvertes scientifiques.
L'ancienneté de ce roman ajoute une perspective supplémentaire : le traitement des maladies mentales a évolué depuis cette époque et ce qu'on prenait pour sûr et scientifique ne l'est plus forcément aujourd'hui. Cela invite à une certaine modestie sur ce que l'on considère comme sûr et scientifique aujourd'hui. D'un autre côté, on peut avoir l'impression que le traitement des maladies mentales n'a pas autant évolué qu'on aurait pu l'espérer. À part qu'aujourd'hui on ajoute la camisole chimique, la prise en charge des "fous" reste encore sur le principe de l'enfermement et de l'isolement. Je ne me connais pas assez sur le sujet pour en débattre mais il me semble qu'on pourrait faire mieux.

Un autre point que j'ai beaucoup aimé dans ce roman, c'est la finesse avec laquelle Malot dépeint ses personnages, en particulier leur psychologie. Aucun d'eux n'est caricatural, même Georges qui aurait pu très facilement l'être.
Et, bien sûr, tout cela est écrit dans un style fluide et efficace, sans digressions inutiles.

En résumé : un roman très oublié d'Hector Malot, injustement oublié. Si son point de départ paraît assez simple, cette histoire s'avère riche, touchante, d'un intérêt sans cesse renouvelé et toute en finesse. Ce qu'il dit sur le traitement des maladies mentales pourrait paraître daté et obsolète mais ne l'est pas tant que cela et fait réfléchir sur la confiance que l'on peut avoir dans les traitements proposés comme certains et efficaces : les certitudes d'un jour peuvent être les erreurs du lendemain.

Merci au site Littérature audio qui m'a permis de découvrir cette petite pépite.

Challenge XIXe siècle 2023