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3,46

sur 413 notes
Que dit le Sphinx quand il parle ?
ET
Que faire de ses paroles ? Sont-elles trop peu humaines pour être compréhensibles, ou ne le sont-elles que trop ?

L'immensité. L'horreur devant cette immensité. L'immensité de l'horreur
Et les actes que l'on commet pour conjurer l'une et l'autre. Toute culture serait un système, souvent décousu, pour conjurer l'immensité de l'existence, l'énormité de son mystère, l'horreur de l'inadéquation entre les espérances de l'homme, et ses moyens propres. Inadéquation qui se montre sous les traits de la souffrance et de la mort. Tout système - surtout décousu - a ses exceptions, et c'est de ces exceptions que Malraux veut nous parler ici. Des êtres marginalisés par leur refus du système qui permet aux autres de vivre, d'éprouver la joie ou l'amour, l'espoir même, malgré la souffrance et la mort qui rôdent autour de la vie, la contraignent, et la pénètrent.

Claude et Perken sont aventuriers. Par choix, non par contrainte. Ils veulent faire de leurs vies un acte dé défi, faire un éclat, laisser une trace. Avec toute l'effronterie d'un tag sur un mur de villa bourgeoise. Perken a une longue expérience de ce type d'existence et veut “ tracer une cicatrice sur la carte” : se construire un petit royaume parmi les tribus insoumises au Haut-Laos. Pour cela, il faut des armes, et pour les acheter, des fonds. Claude débute, peut-être ne sait-il pas encore très bien ce qu'il veut, mais un raid en territoire cambodgien parmi les tribus encore sauvages, pour voler des oeuvres d'art de temples encore à découvrir, puis les revendre, c'est déjà l'aventure, c'est déjà l'excès. Ils font connaissance sur le bateau qui les mène en Indochine…

L'affrontement entre ces êtres atypiques - héroïques ? - et la réalité de l'existence, prend la forme d'une lutte avec la forêt tropicale, grouillante de formes de vie hostiles ou terrifiantes, et avec les tribus insoumises, dont le mode de vie n'est pas reconnu comme culture, mais appellé “sauvagerie”, terme indifférencié, qui recouvre peut-être l'incompréhension envers des peuples qui ne se sont pas encore détachés de leur milieu naturel, pour s'y opposer et le contraindre. Affrontement qui apporte la mort ou la gloire, tous deux soldant le compte de l'intéressé, car les morts retournent au silence.

La Condition Humaine avait conté l'histoire d'hommes enragés par la misère et l'injustice. Des hommes n'ayant rien à perdre, pour qui la mort serait une forme de délivrance. Qu'ils se jettent dans l'aventure d'une lutte même désespérée était plus que compréhensible. Que certains le fassent par un choix calme et délibéré me parait plus problématique. Doit-on étendre son emprise sur la vie des autres pour arriver à une renommée qui permettrait de résister un peu plus longtemps à l'oubli, au silence du tombeau ? Tous les dictateurs, tous les conquérants n'ont ils pas nourri ce rêve, et si certains échappent partiellement à la renommée de bouchers et de monstres ( Alexandre le Grand ou Napoléon) n'est-ce pas grâce à quelques coups d'encensoir dispensés par l'Éducation Nationale ? Qu'y a t-il de glorieux, d'enviable à une telle mémoire ? L'Homme, se mesurant directement à l'Immensité, ou au Néant, devient cette Horreur qu'il espère pacifier.
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Collégien, lycéen, des professeurs de français sans imagination ont réussi l'exploit de rendre obligatoire des lectures qui ne m'ont jamais intéressé. Adulte, il y a des années, j'ai de moi-même tenté un roman d'un auteur désormais « classique » : un Malraux qui traînait dans la bibliothèque familiale. Sans obligation. Comme au poker : pour voir...
Et là ça a totalement marché. J'ai adhéré à la progression du livre, à l'histoire de ce jeune archéologue qui va au mépris des lois s'enfoncer dans la jungle khmère pour arracher des fragments d'histoire, et à son association avec un aventurier aux objectifs troubles. Ce livre exsude une Asie du Sud-Est pleine de dangers et d'incertitudes.
Et quel plaisir après coup, en se renseignant un peu, de comprendre ce que Malraux a pu mettre de sa propre expérience dans cette fiction.
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Dans ce roman, je vois d'abord l'amitié indéfectible entre deux hommes : celle de Claude Vannec, jeune homme sans beaucoup de scrupules passionné d'art Khmer, et de Perken, vieil aventurier revenu de tout qui sent confusément sa fin approcher. Ensemble, ils partent à la recherche de la mythique Voie Royale enfouie dans les profondeurs de la jungle Cambodgienne. Pour Vannec, il s'agit de prouver que la Voie Royale existe bel et bien, et de vendre au prix fort quelques statuettes ou bas-reliefs arrachées aux temples en ruine afin de vivre avec aisance. Perken, lui, veut retrouver un aventurier perdu du nom de Grabot. Et puis, il a besoin d'argent pour se procurer des armes afin de protéger un territoire encore sauvage situé aux confins du Laos dont il est devenu une sorte de petit roitelet. Malraux montre sa fascination pour ces aventuriers qui, dans un mélange d'audace et de folie, profitèrent de la colonisation pour parvenir à se tailler de petits royaumes avant de mourir tragiquement. Perken est le fidèle reflet de ce type de baroudeurs comme ces Mareyna ou Odend'hal qui ont vraiment existé.
C'est un anticonformisme viscéral et hautain qui réunit ces deux hommes aux parcours si différents. En s'engageant dans cette aventure risquée car ces territoires ne sont pas encore soumis à l'autorité des "blancs", ils veulent échapper à la vie médiocre de leurs congénères : fonctionnaires prudents et combinards, marchands "avides de potins et de manilles", médecin opiomane et raté… Ils acceptent ( Vannec pour la première fois, et Perken une dernière fois) de prendre tous les risques pour échapper, ou du moins essayer, " à la vie de poussière des hommes".

Accompagnés d'un guide et de quelques porteurs, ils s'enfoncent dans la jungle. Avec ses peuplades insoumises, elle est le troisième personnage de ce roman. Ils s'égarent dans un environnement hostile fait de marais et de murailles vertes infranchissables. Des insectes géants grimpent sur leurs corps. Une chaleur étouffante les enveloppe. Ils s'épuisent au milieu d'une végétation luxuriante et pourrissante située "hors du monde dans lequel l'homme compte". Ils se heurtent ou bien sont aidés par des indigènes "qui se coulent dans le sentier avec leurs gestes précis de guêpes, leurs armes de mantes."
Et le chemin de fer qui les talonne, qui avale inexorablement la jungle, les force à s'enfoncer toujours davantage dans la jungle hostile et insoumise. Perken et Vannec abhorrent ce chemin de fer, représentant du monde moderne, du monde des "blancs", qui leur signifie que le leur va bientôt prendre fin.

Un grand livre, exigeant, touffu, difficile à lire aussi, du moins de mon point de vue (il me fallut à de nombreuses reprises relire à plusieurs fois pour bien suivre le fil des pensées des personnages), mais je n'en ai pas moins été happé par cet aventure jusqu'au-boutiste, voire fanatique, de nos deux héros.
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"La voie royale", est un grand roman !
C'est à la fois un long poème en prose, composé de descriptions du Cambodge, une méditation sur la condition humaine, et un grand roman d'aventures.
André Malraux fait ici preuve de finesse, d'une extrême subtilité, et nous livre un roman, très sophistiqué, dense en idées et en pensées, malgré son faible nombre de pages.
Dans ce roman, les magnifiques descriptions et les passages épiques, succèdent aux méditations profondes des personnages, et aux développements psychologiques, que Malraux a eu la bonne idée d'intégrer à son roman. L'écriture de Malraux est très belle, nerveuse, mais poétique. En le lisant, on a le sentiment que chaque mot a été posé, que chaque phrase a été travaillée par un orfèvre de la langue, pour donner très exactement l'effet voulu. C'est un véritable enchantement, que ce roman, qui s'avère à la fois plein de rebondissements, distrayant, et profond.
Les personnages s'avèrent complexes, tiraillés par des idées et des pulsions, pleins de vérité humaine ; s'il est des personnages qui ne manquent pas d'épaisseur, c'est bien ceux-là !...
Mais, ce qui m'a peut-être le plus plu, le plus ému, c'est ces descriptions magnifiques, lyriques, épiques, riches en émotions nombreuses et variées.
Dans ce roman à la fois sombre et lumineux, épique et désespéré, infiniment plaisant, André Malraux s'est imposé, pour moi, comme un grand écrivain.
Une claque !... Quel magnifique roman !...
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J'essaie de diversifier mes lectures, mais je ne suis probablement pas outillé dans la vie pour m'attaquer à ce style littéraire? J'ai pourtant lu des classics dans ma jeunesse de lycéen et su les apprécier.
Il s'agit d'un roman d'aventure se déroulant en région asiatique dangereuse dans les année 20. Après une quarantaine de pages je commençais à entrevoir un filet où l'auteur veut nous amener. Mais je suis constamment perdu dans le réçit et doit revenir en arrière pour comprendre la signification. Les longues descriptions ne mon jamais autant anesthésié, cette lourdeur poètique n'apporte rien dans un réçit d'aventure. Mais ça sait mon avis de néophyte.
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"La vie est une matière, il s'agit de savoir ce qu'on en fait" énonce André Malraux dans son roman existentialiste La voie royale (Prix Interallié 1930) écrit après avoir lui-même réalisé des recherches archéologiques au Cambodge en 1923 (époque colonialiste) et s'être lancé dans un trafic d'oeuvres d'art alors qu'il était ruiné. Son épouse Clara ( voir l'excellente biographie Clara Malraux de Dominique Bona) lui a évité la prison.
Le thème: "La voie royale, la route qui reliait Angkor au bassin de la Menam", bien que recouverte d'une végétation touffue, est ponctuée de temples brahmaniques en ruine dont les sculptures sont convoitées par le jeune Claude Vannec, féru d'archéologie, "chargé de mission", dont les tampons officiels couvrent la cupidité.
L'accompagne dans cette expédition, Perken, un homme mûr dont l'expérience (du terrain et de la domination des indigènes) n'a d'égale que la perversion sulfureuse qui de par son "dégoût du monde" rappelle à Claude (qui l'admire sans le juger) son grand-père. Une même obsession de la mort les unit. Mais l'enfer dans lequel plonge leur groupe n'est-il pas la mort? Y survivront-ils?
J'ai apprécié l'entrée dans cet "autre univers" menaçant où la lente "désagrégation des choses", leur métamorphose (ex: les arbalètes sont comparées à des mandibules) atteint peu à peu les êtres (ex: "la longue fourmilière des corps penchés; le "jacassage") mettant à jour leur bestialité, les descriptions imagées très fortes, la montée des émotions (la surexcitation des chercheurs de trésors laisse place, peu à peu, à la terreur face à la sauvagerie des guerriers armés jusqu'aux dents) qui deviendra un "langage de chair". La voie royale, sanguinolente comme une douloureuse blessure, purulente comme une plaie surinfectée ne sera-telle pas en définitive pour Claude Vannec cette voie royale des rêves, qui mène à l'inconscient, chérie de Freud? En effet, dans cette voie royale qui remue et ne peut laisser indifférent, l'homme en essayant de trouver un sens à son existence en étant "plus qu'un homme dans un monde d'homme" (cf: La condition humaine prix Goncourt 1933) se rendant compte de sa propre petitesse, ne nait-il pas à lui-même face à autrui?
André Malraux, génial poète, philosophe,écrivain,homme militant et épris d'art a décrit ici avec avec une féroce lucidité, une sobriété touchante, un récit amer d'aventure et de tragédie intérieure.
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Sur le navire qui le conduit en Indochine, Claude Vannec, jeune archéologue breton avide d'aventure, fait la connaissance de Perken, un baroudeur danois qui s'est taillé un petit royaume dans les territoires non contrôlés par la France. Vannec propose à Perken de participer à une expédition sur la Voie royale au Cambodge, afin de voler des bas-reliefs dans les ruines de temples qui la bordent et de les revendre en Europe. Y voyant une opportunité de retrouver la piste de Grabot, un autre Occidental dont la trace se perd dans le territoire des Moïs, Perken accepte. De plus, le pillage de temples lui permettrait de rassembler des fonds suffisants pour acheter des armes et conforter son pouvoir sur "son" territoire aux confins du Cambodge.

En 1923, Malraux avait eu dans l'idée de se refaire après une débâcle financière en allant voler des sculptures sacrées khmères au Cambodge, pour les revendre ensuite à des amateurs d'art américains.
Arrêté à Angkor avec son équipe et quelques sculptures pillées, il avait été condamné à trois ans de prison, ramenés à un an avec sursis.
Loin de le mettre au ban de la société en France, cette lamentable histoire avait permis au contraire à un Malraux auréolé d'une réputation un peu sulfureuse de se réinventer, et de décrocher ensuite le premier Prix Interallié avec le roman que lui avait inspiré son périple, La Voie royale.
Il avait d'ailleurs poursuivi quelques années une activité dans le commerce d'oeuvres d'art provenant d'Asie, qui l'avait mis à l'abri du besoin.

C'est dire si le respect des vestiges archéologiques et/ou sacrés ne bouleversait pas les foules à l'époque. Ca ne s'est pas tellement amélioré depuis, d'ailleurs...

Mais le propos de Malraux n'est pas là. Il ne se signale pas non plus par une considération excessive pour les "sauvages" auxquels ses héros sont confrontés ( ce que contredit sa participation active à la création du quotidien "L'Indochine" devenu ensuite "L'Indochine enchaînée" dénonçant le régime colonial , il faut tout de même le souligner).

Non, ce qui fait frémir Malraux, ce dont il veut parler, c'est d'aventure, d'anti-conformisme, d'érotisme, et de la mort qu'on regarde dans les yeux, qu'on veut apprivoiser ou qu'on méprise.
A travers le parcours du jeune Vannec, de l'expérimenté Perken et de Grabot le héros brisé, il exprime toute son admiration pour un monde d'hommes virils, courageux, se lançant dans de folles entreprises pour la beauté du geste. Dans le style lyrique, volontiers incantatoire qui fait sa marque de fabrique, il raconte cette expédition qui les mènera tous au bout d'eux-mêmes.

Le roman publié en 1930 porte haut les préjugés de son époque. Certaines descriptions sont fabuleusement évocatrices, d'autres sonnent moins juste à quatre-vingt dix ans de distance, et certains termes ne passent plus guère qu'en gardant bien présent à l'esprit et le contexte et l'auteur.
Cela étant, si l'on adhère à cette soif d'aventure, d'exotisme et de réalisation de soi qui anime les personnages, La Voie royale tient ses promesses dans la profusion verbale chère à Malraux, embarquant le lecteur dans les profondeurs tropicales écrasées de chaleur, grouillant d'insectes et d'une humidité irrespirable.
L'aventure, la vraie.
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Roman aux relents d'autobiographie dans ces descriptions de ces terres d'Asie et de ces personnages aux esprits tourmentés et prêts à exploiter le moindre filon "prometteur".

Malraux se pose encore en aventurier moderne, prêt à "s'impliquer" dans des combats ….

Belle histoire dans un roman autant d'aventure que philosophique, sauvé par le style de son auteur.

Le personnage de Vanec rappelle assez bien certains travers de son auteur, dont son épouse non rancunière, sauva de certains déboires juridiques.

A connaître pour compléter une certaine connaissance de cet homme plus aventurier et homme de culture que d'actions.
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Il est un peu gonflé, le Malraux ! Après avoir été pris la main dans le sac en train de voler un bas-relief d'un temple d'Angkor, il écrit ce roman. Refilant à son personnage son propre délit ! En y greffant bien sûr certains éléments exotiques pour appâter son lecteur. Faut avouer que tout cela se tient assez bien. Entre Loti et Conrad, on y croit à cette aventure ! Pour qui a visité le site, c'est encore plus parlant, même à quasiment un siècle de distance.
De la belle aventure !
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Belle aventure au coeur de la forêt indochinoise vécue par deux protagonistes, l'un français, Claude et l'autre danois, Perken. Ils partent en pleine jungle afin de faire main basse sur des sculptures de pierre et essayer de retrouver un aventurier perdu dans cette jungle hostile, Grabot.

C'est un roman qui comporte quelques longueurs narratives mais qui se lit malgré tout assez bien.

J'ai passé un bon moment dans ses pages.
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