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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Malraux a commencé l'écriture des Antimémoires en 1965, lors d'un voyage qui devait le mener en Chine pour rencontrer Mao. Un voyage diplomatique (il était ministre à l'époque), mais fait d'une étrange manière, par bateau. Mais Malraux est dans un état dépressif profond, et le but du voyage, dont la partie officielle sera définie tardivement, est aussi de lui permettre de reprendre pied.

En 1965 Malraux a depuis un bon moment terminé sa carrière de romancier. Il s'est tourné à la suite vers des écrits sur l'art, et il pensait d'ailleurs profiter du voyage qui s'offrait à lui pour travailler sur une nouvelle version du Musée imaginaire. Mais au Caire, il se lance dans l'écriture des Antimémoires, qui vont initier une nouvelle époque dans sa création, celle du mémorialiste. D'autres textes autobiographiques suivront, Malraux va les intégrer dans un cadre commun sous le titre le miroir des limbes, dont les Antimémoires sont une première partie. Bien plus célèbre que les ouvrages suivants, et qui dès sa parution a rencontré un grand succès, à la fois auprès du public et de la critique.

Le genre des mémoires à l'époque où Malraux s'est lancé dans son entreprise, a une acception plus large qu'aujourd'hui :

« Les Mémoires du XXe siècle sont de deux natures. D'une part, le témoignage sur des événements : c'est parfois, dans les Mémoires de guerre du général De Gaulle, dans Les Sept Piliers de la sagesse, le récit de l'exécution d'un grand dessein. D'autre part, l'introspection dont Gide est le dernier représentant illustre, conçue comme étude de l'homme. » ( Antimémoires)

C'est donc à la fois les Mémoires, mais aussi les autobiographies, ou comme le dit Malraux les Confessions. Il pense ce dernier genre obsolète, à cause de la psychanalyse, bien plus efficace pour décortiquer les profondeurs humaines. L'évolution actuelle de la littérature lui donnera complètement tort sur ce point. Mais cela indique la direction qu'il compte donner à son texte : en aucun cas il ne s'agit d'essayer de comprendre comment sa personnalité s'est construite, ni encore moins d'évoquer des souvenirs attendris du passé. Malraux dit d'ailleurs :

«  Réfléchir sur la vie — sur la vie en face de la mort — sans doute n'est-ce qu'approfondir son
interrogation. [...] En face de cette question, que m'importe ce qui n'importe qu'à moi ? Presque tous les écrivains que je connais aiment leur enfance, je déteste la mienne. J'ai peu ou mal appris à me créer moi-même, si se créer, c'est s'accommoder de cette auberge sans routes qui s'appelle la vie. J'ai su quelquefois agir, mais l'intérêt de l'action, sauf lorsqu'elle s'élève à l'histoire, est dans ce qu'on fait et non dans ce qu'on dit. Je ne m'intéresse guère. (Antimémoires).

Malraux revendique donc pour son texte le genre des Mémoire, qu'il considère en prise avec l'action, avec l'histoire en train de se faire. Il a l'ambition de mener une réflexion sur la condition humaine, et non pas une introspection, qui rechercherait une vie dans sa singularité. La connaissance de soi est impossible et inutile, la question pertinente est non pas « qui je suis » mais « qu'est-ce qu'une vie ».

Mais s'il se voit mémorialiste, il questionne, voire déconstruit le genre des mémoires. Il réfute l'effacement trompeur de l'auteur au profit de l'observateur, prétendant à l'objectivité, il est présent en permanence et vit les événements qu'il décrit.

Il met aussi en cause la linéarité du récit. Comme le roman, les Mémoires doivent dépasser le récit, au-delà des faits, chercher le sens, toucher l'éternel au-delà de l'instant. L'auteur doit trouver une sorte de troisième dimension. D'où une dramatisation de la narration, il s'agit de mettre en scène, rendre présent. de très nombreux dialogues sont un outil utilisé abondamment par Malraux pour arriver à ce résultats. Comme les mises en abîmes, la mise en lien de moments différents qui se répondent : les différentes parties du texte entremêlent presque systématiquement deux-trois moments temporels parfois séparés par des décennies. L'unité du récit est un artifice, qui empêche la recherche des enjeux existentiels.

Enfin, il s'agit pour Malraux de mettre à nu les mécanisme de la mémoire, dans laquelle différents moments cohabitent, les périodes s'entremêlent, se répondent, ce qui va ensemble, non pas par la chronologie mais par le sens, s'agrège. Il s'agit de redonner la première place à une mémoire personnelle, en action, qui se met en scène. C'est par cela que le titre d'Antimémoires prend son sens : il ne s'agit pas d'une description d'événements où le moi de l'écrivain s'efface, ou fait semblant de le faire, mais où au contraire il est mis en avant, théâtralisé.

Evidemment cela peut agacer, car le personnage Malraux, avec ses excès, son emphase, est présent de bout en bout. Lorsqu'il fait parler Nehru, c'est lui qu'on entend parler, jusque dans ses tics de langage, ses partis pris. Mais en allant jusqu'au bout de sa démarche, il finit par faire apparaître son dessein, une réflexion sur l'histoire, sur les ressorts des actions, sur ce qu'il considère comme essentiel au-delà de l'écume des événements. Et il garde de son expérience de romancier un talent certain à construire, à tenir en haleine, à relever un détail, à caractériser. Si on arrive à trouver le rythme, cela devient très prenant, passionnant par moments. Et le livre continue à questionner une fois la dernière page tournée.
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Malraux étourdit son lecteur de rencontres imposantes : de Gaule, Nehru, Mao. Il sillonne le monde pour y repenser la condition humaine. Il tisse des liens entres les musées égyptiens et les jardins japonais, il raconte les heures où il frôla la mort, la camaraderie des prisonniers et des tankistes, la fascination de l'Asie, l'héroïsme de la Résistance. Ses mémoires qui en refusent l'étiquette sont écrites comme des romans, comme un retour sur les thèmes d'une écriture, sur L'Espoir, sur La Condition humaine, sur le mythe gaulliste. A la fois analyse politique, réflexion artistique et dialogues métaphysiques, ce livre dévoile la complexité de son auteur à travers celle d'un monde multiple, foisonnant, dangereux et perdu. Chez Malraux, tout est toujours en mouvement. C'est sans doute cela qui nous étourdit.
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Mémoires de vie, de devenir ou d'ailleurs.

Quelle utilité finalement que tout cela ?

A suivre et débattre de lignes en chapitres.
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