...nous lisons intellectuellement à un niveau superficiel en saisissant certaines significations et prenant conscience de certains faits, mais en même temps, de manière invisible, inconsciente, le texte et le lecteur s’entremêlent, créent d’autres niveaux de sens, de sorte que chaque fois que nous obtenons du texte qu’il nous cède quelque chose que nous ingérons, une autre chose naît simultanément en dessous, que nous n’avons pas encore saisie. C’est pourquoi aucune lecture ne peut être jamais définitive.
Pline a suggéré une quantité de raisons pour lesquelles la lecture publique était un exercice bénifique. La célébrité en était certainement un facteur important, mais il y avait aussi le plaisir d'entendre sa propre voix. Il se justifiait de cette faiblesse en faisant observer que le fait d'écouter un texte amenait l'auditoire à acquérir l'oeuvre publiée, entraînant donc une demande propre à satisfaire à la fois les auteurs et les librairies-éditeurs. La lecture publique était, à son avis, la meilleure façon pour un auteur de sa gagner un public. En fait, la lecture publique était en soi une forme rudimentaire de publication.
Geoffrey Chaucer - ou plutôt sa dame insomniaque dans Le Livre de la duchesse - considait que lire au lit est une distraction plus agréable qu'un jeu de société.
Alors quand je vis que je ne pourrais dormir
Que trés tard, cet nuit encore,
Sur mon lit je me redressais
Et j'envoyai quelqu'un me chercher un livre,
Un roman, et il me l'apporta
Pour lire et faire passer le nuit;
Car je pensais que c'était mieux
Que de jouer aux échecs ou aux tables.
[...] et les derniers vers de Milton dans Le Paradis reconquis : «He unobserv’d / Home to his Mother’s house private return’d» (à peu près, «Sans être vu, il revient discrètement chez sa mère») qui, de l’avis de Borges, faisaient du Christ un gentleman anglais en chapeau melon rentrant chez sa maman à l’heure du thé.
...L’amant que lit à l’aveuglette le corps aimé, la nuit sous le draps; le psychiatre qui aide ses patients à lire les rêves énigmatiques, le pêcheur hawaïen que lit les courrants marines en plongeant une main dans l’eau; le fermier que lit dans le ciel le temps qu’il va faire –tous partagent avec le lecteur de livres l’art de déchiffrer et de traduire de signes...
J'ai l'habitude, écrivait Shelley, de me dévêtir et de m'assoir sur les rochers en lisant Hérodote jusqu'à ce que ma transpiration se soit évaporée.