AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,73

sur 193 notes
5
7 avis
4
8 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
2 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ah, La Vie de Marianne... J'aurai passé des mois sur ce pavé, mais ça valait le coup. Au programme de l'agrèg, donc imposé, il s'avère que c'est une oeuvre infiniment plus intéressante à étudier qu'à lire, malgré ses qualités d'écriture. J'en profite pour remercier Fabrice Chassot de l'université Toulouse II pour ses cours prodigieux en la matière, qui en font un trésor d'archéologie littéraire, une énigme qui a alimenté bien des thèses et des interprétations. Pourquoi? Je m'explique.

C'est un roman à la première personne de Marivaux, exercice pour lequel il est bien moins connu que pour son théâtre, où une certaine Marianne, âgée et désormais comtesse, raconte sa vie. Mais comme le Paysan parvenu, ce roman est demeuré inachevé. Marianne jeune ignorant le secret de sa naissance puisqu'orpheline, mais se croyant noble, pouvant l'être eu égard à certains indices (mais peut-être pas!), ses qualités et ses manières innées lui permettent de s'intégrer peu à peu à la noblesse et de sortir de l'indigence dans laquelle elle avait atterri, de gagner le coeur de Mme de Miran, mère de substitution, ou de Valville, son amant. Marianne a l'instinct de son appartenance à ce monde et du comportement à y adopter, or, jamais Marivaux ne tranchera sur ses origines.

Le coeur et le naturel caractérisent Marianne. Elle est la spontanéïté incarnée, incapable de ruser, de feindre, de se contenir, et pleure toutes les deux pages. C'est ce caractère qui séduit les personnages qu'elle rencontre, en plus de sa grâce naturelle évoquant ses (probables) origines aristocratiques. Mais l'incertitude de sa naissance reste un obstacle. Elle a certes l'amour de Miran et de Valville, mais la société condamnerait ce dernier s'il épousait quelqu'un qui, tout compte fait, pourrait venir du peuple.

Marianne, grâce à son naturel constant, s'attire donc les grâces des gens qu'elle aime, désarme les dévôts qui s'opposent, par définition, à son caractère... Et derrière elle, peut être reconnu Marivaux défendant son style fortement fustigé de son vivant, qu'il jugeait naturel, pendant que Crébillon ou Desfontaines le considéraient comme inintelligible, néologique, car affranchi des saints dicos du XVIIème qui voulaient la langue immuable et identique pour tous. L'idée d'un style littéraire propre à chacun, loin d'un bête copiage des modèles depuis Aristote, était à l'époque une aberration pour les anciens, et émergeait seulement de certains esprits (les Modernes, dont Marivaux). La Vie de Marianne serait donc un éloge de l'authenticité absolue, dans la littérature comme dans la vie. Mais ce n'est pas non plus une exaltation du Moi insupportable ou une sincérité qui irait jusqu'à blesser, Marianne sait ménager les autres. Marivaux revendique donc ici la liberté littéraire de tous. À époque neuve, langue neuve.

L'inachèvement et l'absence de réponses ont laissé une myriade de métatextes allant dans tous les sens : Marianne serait-elle en réalité d'une perspicacité inouïe, et telle une picara, abuserait-elle de son minois pour se frayer un chemin au milieu de la noblesse? Vu qu'elle raconte elle-même sa vie, son récit n'est pas entièrement fiable. Puisqu'elle est comtesse une fois âgée et racontant, toutes les hypothèses sont possibles : l'a t-elle été par alliance, parce que reconnue comme noble de naissance...? Mentirait-elle?

L'absence de fin serait volontaire de la part de Marivaux, et enrichit ainsi considérablement l'oeuvre qui a aussi ouvert la voie à moult textes apocryphes, l'équivalent des fanfictions de l'époque...

La semi-acceptation de Marianne au sein de la noblesse ne peut être cependant lue comme un discours pré-révolutionnaire de Marivaux plaidant l'égalité des classes, de par le mépris de Marianne pour le peuple (auquel elle appartient peut-être, répétons-le!) et son attirance pour l'aristocratie, Marivaux et Marianne s'en prenant véritablement aux aristocrates qui n'ont pas un comportement, une droiture dignes de leur rang, point à la hiérarchie sociale. le récit enchassé de Tervire est une interrogation de plus. Personnage différent, capable de ruse, qui tend la main vers plus bas et infortuné qu'elle, donc plus insolent idéologiquement, c'est aussi sur l'absence de dénouement de son histoire que se conclut le roman...

Le style de Marivaux à proprement parler, qu'il défend ici grâce à un personnage apprenti écrivain qui tente de conter sa vie à une amie et à un public, est des plus grâcieux (et rafraîchissant à notre époque illétrée qui aboie), mais aussi parfois, des plus capillotractés, surtout lors de réflexions que se permet Marianne, quelques fois pertinentes, d'autres fois ratées.

L'efficacité de la parole et de l'attitude influençant les autres au mot près, au sourcil près, le retour incessant de certains personnages secondaires quelque soit l'éloignement géographique, ainsi que le style d'une écriture en direct avec retours en arrière et digressions, rappelleront une sorte de pré-Proust, sans le tortillement syntaxique qui rend fou.

Voilà, c'est l'oeuvre parfaite à étudier à la fac tant elle est, dans son entier, un point d'interrogation. Plus un objet de fascination pour tout ce que j'ai cité, qu'un coup de coeur littéraire.
Commenter  J’apprécie          233
Grand livre épistolaire : le lecteur ne souffre pas de sa forme inachevée puisque la narratrice, Marianne, écrit l'histoire de sa vie à une amie qui connaît nécessairement le dénouement de ses aventures.
C'est plein de revirements, de revers de fortune, d'amours fous suivis d'abandons subits, de grands sentiments déguisant des intérêts personnels, de flots de larmes sincères ou de circonstance, déversés avec complaisance par les femmes comme par les hommes, et par ces derniers surtout lorsqu'ils sont prêts à trahir.
On y rencontre, il est vrai, quelques belles âmes. Cela existe chez Marivaux. On y rencontre surtout des inconstants, de redoutables mégères et de grands vilains suborneurs qui, sous couvert de charité, ensevelisent les jeunes orphelines sous de beaux discours, les exhortent à une vertu inhumaine pour mieux les soudoyer et les mener à la courtisanerie.
On y fréquente une société où la constante préoccupation est de ne perdre ni rang ni rentes, où les hommes d'église préfèrent l'apparat à la foi et exercent à l'occasion le métier de rabatteur, où l'hypocrisie tient lieu de savoir-vivre et où nul ne manque d'exercer la parcelle de pouvoir qui passe à sa portée au détriment d'autrui : le déclassement, la ruine, la folie et la mort ne sont jamais loin.
Les très fréquents rappels au devoir et à la décence sont toujours destinés à l'édification des inférieurs par la naissance ou par le sexe. Ces harangues incessantes finissent par convaincre le lecteur que les protestations de vertu n'ont pour unique finalité que de donner le change, et que la morale n'est jamais aussi absente que là où on l'invoque le plus.
On ne s'ennuie pas ; on retrouve adaptés à l'époque concernée, les éternels ressorts du monde tel qu'il va.
Commenter  J’apprécie          71
Marivaux en plus d'etre un grand auteur de theatre est aussi un tres bon romancier et ce livre le prouve de la meilleure des facons possible.La vie de Marianne retrace en fait la vie quotidienne de son epoque et a un caractere presque de reportage sur les moeurs en vigueur.Un ouvrage qui gagne lui aussi a etre plus connu.
Commenter  J’apprécie          40
Au lycée, j'ai choisi l'option théâtre. Une année, nous devions nous répartir les rôles de la Vie de Marianne. Résultat : une histoire attendrissante et des personnages hauts en couleur pour une pièce des plus mémorables. C'est donc avec le point de vue de "comédienne" que j'écris ce court avis. Je conseille :)
Commenter  J’apprécie          40
Tout simplement époustouflant. Marivaux, pourtant davantage célèbre pour ses pièces de théâtre, signe avec ce roman épistolaire en forme d'autobiographie fictive l'une de ses meilleures oeuvres, et sans doute la plus émouvante. Portée du dénuement le plus inquiétant au faîte de la société (comme l'indique son titre de comtesse, qui reste néanmoins inexpliqué en raison de l'inachèvement du roman), la jeune et belle Marianne nous livre, parfois de manière péremptoire, voire agaçante, comme elle le reconnaît elle-même, ses impressions, ses réflexions et ses jugements sur ses contemporains, sans complaisance ni fausse pudeur, ce qui permet à Marivaux de se livrer à une étude de moeurs particulièrement juste. Un roman qui se révèle véritablement fascinant : on ne peut se détacher de cette histoire d'amour impossible entre une jeune orpheline, belle mais désargentée, et un riche aristocrate promis à un mariage d'argent. Malgré ses petits airs présomptueux, on s'attache vite à cette héroïne si malmenée par le sort, et Marivaux la dote en us d'une grandeur d'âme exceptionnelle, qui la rend sympathique aux yeux du lecteur. En dépit de sa longueur (près de 600 pages, et d'ailleurs, on regrette presque que Marivaux ne l'ait pas terminé !), on ne s'ennuie jamais dans ce roman plein de coups de théâtre et de rebondissements, passionnant, vivant, et dont le style rappelle souvent les plus belles pages de la littérature française... (la suite en cliquant sur le lien ci-dessous !)
Lien : http://ars-legendi.over-blog..
Commenter  J’apprécie          40
Cette Marianne est délicieuse, et l'on prend un véritable plaisir à l'accompagner dans ses malheurs. Orpheline sans condition, elle séduit par sa gentillesse, sa simplicité, sa générosité, son souci des autres. En plus, - il ne manquait plus que cela...-, elle est jolie. Dans ces conditions, au XVIII° siècle, elle pouvait rapidement devenir la proie de quelque vieil ours ténébreux à bonne rente, trop fier d'afficher en société une conquête jeune, resplendissante, et, ce n'est pas un détail, de la mettre dans son lit. Marianne saura se défendre de tout cela, tout comme elle se défendra de ceux qui voulaient, pour lui éviter tous ces désagréments, l'envoyer au couvent.
La première partie est un vrai bonheur de littérature, un joli voyage dans un livre. Aussi on est bien déçu par la suite: il n'y aura pas de fin, la vie de Marianne s'arrête subitement! Pourquoi? Parce que l'auteur nous fait le récit d'une autre vie, celle d'une religieuse, vie tout aussi agitée. Allons-y pour l'autre, sauf que,... son histoire va également s'arrêter subitement.
Autrement dit: "la Vie de Marianne" est un très joli livre...qui n'est pas fini.
Commenter  J’apprécie          30
« J'étais née pour avoir du goût », songe la belle Marianne. Naturellement vaniteuse, obnubilée par les apparences, cette jeune fille se compose des attitudes gracieuses et vertueuses pour entrer dans le carcan mondain du 17ème siècle. Une formidable ascension sociale guette cette orpheline, sans nom et sans naissance, mais très intuitive. (Critères de notation. Style : 1 - Intrigue : 1 - Personnages : 1 - Contextualisation : 0,5 - Fin : 0)
Commenter  J’apprécie          00
Marianne a une cinquante d'années quand elle accepte de raconter par lettres sa vie à une amie. Comme dans Les Liaisons dangereuses, ces lettres sont retrouvées par un narrateur extérieur à l'histoire, qui se dit non écrivain, et qui se propose juste de faire paraître ces lettres ! Marianne elle-même ne se définit pas comme une romancière, et ce qu'elle écrit sont des Mémoires et rien d'autres ...
Lien : http://leslivresdegeorgesand..
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (894) Voir plus



Quiz Voir plus

L’île des esclaves

Où se situe l'île ?

dans la Méditéranée
dans l'Atlantique
on ne le sait pas

5 questions
208 lecteurs ont répondu
Thème : L'Île des esclaves de Pierre de MarivauxCréer un quiz sur ce livre

{* *}