Un grand merci à Babelio et aux éditions Bayard graphic' pour m'avoir adressé ce roman graphique en échange d'une critique. Car il s'agit vraiment d'une très bonne surprise pour bien démarrer l'année !
Une « bonne surprise » ?
Oui, car le thème de ce roman graphique est touchant, sérieux et grave mais son traitement à travers le dessin et la mise en scène faite par
Isabelle Maroger le rend léger, d'une poignante humanité et « acceptable ».
Plongeon dans une histoire familiale et européenne :
Le programme
Lebensborn avait été imaginé dès 1935 par
Heinrich Himmler et les autorités nazies en vue de faire croitre la population allemande et de favoriser le développement d'un type aryen parfaitement « pur et dominant ». Les pères, en grande majorité des soldats SS, étaient invités à concevoir avec leurs épouses légitimes au moins quatre enfants, puis, sous couvert de l'action de guerre, avec des femmes sélectionnées sur leurs mensurations et leur couleurs de cheveux et d'iris ; elles devaient être grandes, athlétiques, blondes et avoir des yeux bleus… cela va sans dire.
Quant à elles, les femmes enceintes allemandes jugées « racialement précieuses » étaient encouragées à donner naissance à leurs enfants dans les fameux
Lebensborn.
Rapidement, d'autres maternités de l'horreur ouvrirent en Norvège (+ de 10), en Pologne (3), en Autriche (2), au Danemark (1), aux Pays-Bas (1), en Belgique (1) et même en France (1) dans l'Oise, où les femmes devaient accoucher anonymement et dans le plus grand secret – car le programme était frappé du sceau du secret défense au même titre que la production des fusées V2 – puis elles devaient remettre leur nouveau-né à la SS en vue de constituer l'élite du futur [sic].
On gratte page après page un bien sombre terreau – un terreau un peu noir mais heureusement tout à fait nourricier dans le cas de l'auteure – pour découvrir avec elle la complexité de ses racines familiales.
Elle qui se croyait française, se découvre à moitié norvégienne, avant de comprendre qu'elle serait aussi un peu suédoise (le père de sa grand-mère était Suédois) et 1/4 allemande (son grand-père secret).
Elle raconte l'adoption de sa mère en France. La discrétion sur ce passé. Les retrouvailles avec sa famille restée en Norvège.
Il faut se remettre dans le contexte de l'époque ; 400'000 soldats allemands se trouvaient en Norvège, pour un pays qui comptait à peine 2 millions d'habitants. Porter l'enfant d'un soldat allemand était vécu comme une honte pour les familles. L'exil de la mère ou l'abandon de l'enfant pouvait parfois être les seules solutions acceptables pour les familles… Ainsi, de grands drames se sont joués. Et puis tous ces soldats étaient-ils tous faits du même bois ? Certains (peut-être une majorité ?) se révélaient être de braves hommes, très amoureux de la fille qu'ils avaient rencontré un jour, ou un soir de bal, loin du pays, en proie à de sinistres tourments ; sans doute que de véritables idylles ont vu le jour...
Comme le disait
Brecht : "
Grand-peur et misère du IIIe Reich"…
La première de couverture est parfaite.
Un froid polaire, de la neige, des arbres nus, un manoir lugubre, des landaus alignés… Rien qui inspire une maternité heureuse… et pourtant : Une maman donna le jour à sa fille.
Elle l'aime et va s'enfuir avec elle pour se préserver toutes les deux ;
Si on regarde bien, de petites feuilles roses poussent sur les branches nues les grands arbres du parc ; l'espoir renaît !
Cet album est pour moi une révélation 2024 ; un coup de coeur assuré.