J'ai découvert Ngaio March il y a maintenant (…) quelques années, à la faveur de la collection 10/18. Il me semble que cette auteure n'a pas fait l'objet de rééditions récentes, mes livres datant de la fin des années 90 début des années 2000.
Coup de théâtre au Dauphin ne faisait pas partie de ma bibliothèque : c'est en fouillant dans les caisses d'une bouquinerie bien achalandée que je suis tombée dessus. Une très bonne pioche !
J'ai été impressionnée par la modernité du roman. Bien qu'écrit en 1967, pour une intrigue censée être contemporaine de l'après-guerre, je n'ai pas perçu ce décalage temporel que je ressens parfois à la lecture de ‘vieux' polars.
Le roman prend son temps. L'intérêt du livre ne réside pas uniquement dans l'enquête – un meurtre a lieu après plus de 170 pages, soit environ le milieu du livre, mais plutôt, à mon sens, dans les à-côtés de cette enquête.
Comme souvent chez Ngaio March, le théâtre tient une place centrale dans le récit. Avec son expérience dans ce domaine, elle nous immisce dans la vie d'une troupe de théâtre, et l'on devient spectateur privilégié des passes d'armes piquantes entre metteur en scène et acteurs aux egos pas toujours très mesurés.
Le protagoniste est un jeune auteur qui tombe littéralement amoureux d'un théâtre, le Dauphin, destiné à la destruction car très dégradé par la guerre. Lors d'une visite, il rencontre le propriétaire dans de mystérieuses circonstances. Homme fascinant, ce propriétaire lui fait don d'un gant ayant appartenu au fils de
Shakespeare et lui laisse latitude pour monter la pièce de son choix au Dauphin. D'auteur, notre protagoniste devient jeune metteur en scène. Ce n'est pas le dernier intérêt du roman que de montrer la difficulté de ce métier et des trésors de manipulations qu'il demande pour mener à bien sa pièce. J'ai ressenti un vrai plaisir d'anthropologue à suivre les mésaventures de ces acteurs dont les égos, les talents et le relationnel foisonnent de ressorts narratifs.
Le livre est très dense ; outre la vie de la troupe de théâtre, il laisse entrevoir une communauté d'adulateurs du ‘Grand homme',
Shakespeare, ainsi que toute la mécanique d'authentification d'objets censés lui avoir appartenu.
Un roman qui a tout bon : un moment de détente, le plaisir de découvrir un milieu intrigant… et maintenant une envie de retrouver Ngaio March rapidement.