Ce tome comprend les épisodes 1 à 6 d'une maxisérie en 12 épisodes. Il s'agit d'une histoire centrée sur le personnage de Wolverine indépendante de la continuité, donc assez facilement accessible.
Au départ Wolverine est détenu par une organisation qui l'a réduit à un état de soumission leur permettant de le transformer en combattant dans une arène clandestine. Logan reprend le dessus et déchiquète les organisateurs dans un accès de rage frénétique. Après cet accès de colè
re digne d'un berserker, il est pris en stop par une femme avec qui il passe une soirée en boîte. Il est à nouveau capturé, cette fois-ci par Contagion, et ses sbires qui le soumettent à des actes de torture barbares.
Dès la première scène, le lecteur découvre que les 2 auteurs (Charlie Huston au scénario, et
Juan José Ryp aux illustrations) ont décidé de donner dans le gore, le sadisme et la violence barbare. Logan est nu dans une cellule immonde, ses geôliers le maltraitent pour le plaisir, et le premier combat se termine dans un bain de sang digne d'un film de slasher dément. le niveau de barbarie atteint des extrémités qui mettent franchement mal à l'aise quand 2 épisodes sont consacrés aux tortures infligées à Logan par l'équipe de Contagion. Les détails obsessionnels des dessins permettent de parfaitement apercevoir les chairs tranchées et lacérées, les viscères, l'horreur de la peau transpercée, de l'intérieur du corps violé et massacré par tous les objets contondants. Il est impossible de rester insensible à cet étalage assez long de maltraitances sadiques, dépourvues de toute empathie de la part des bourreaux. Il est impossible de ne pas ressentir de malaise devant cet étalage d'actes barbares répétés et inventifs. le haut-le-coeur est assuré.
Charlie Huston (auteur de thrillers très noirs comme Increvable et de quelques comics comme Moon Knight) propose un récit dérangeant qui marie les codes des superhéros avec une plongée dans la démence sadique. D'un coté, vous avez Wolverine : superhéros bon teint, joli costume moulant jaune pétant avec un peu de bleu, capacité mutante de guérison d'une rapidité défiant les lois basiques de la nature, et un caractère un peu soupe-au-lait.
de l'autre coté, vous avez Contagion : un méchant très méchant, cruel et sadique, dans un joli costume 3 pièces blanc cassé, avec une troupe de gugusses ahurissants. Il a recruté Marjorie Brink, Immortalis (Mortigan Goth), Madcap, Griz (Mac Garrity), Scavenger (Robert Nicolle), Slaughter (Victor Slaughter), Yi Yang, Harry Sikes, Suicide (Chris Daniels) et Corruptor (Jackson Day). C'est à dire une collection de supercriminels bizarres ayant connu un bref moment de gloire (pendant 1 ou 2 épisodes) et très vite oubliés. Chacun d'entre eux présente une maladie mentale liée à son immortalité et son incapacité à ressentir la souffrance. le fils narratif est que Contagion puisse tester par tous les moyens possibles la capacité de récupération de Wolverine. le lecteur est bien au milieu d'un récit de superhéros avec un aspect sadique renforcé, qui évoque ce que
Jason Aaron avait pu fai
re dans le premier épisode de The death of Wolverine (en anglais).
Mais à partir de ces prémisses de superhéros, Charlie Huston développe une mise en scène d'actes inhumains, de cruauté mentale et de folie. L'intensité des actes montrés inscrit le récit dans le regist
re du thriller noir et glauque réservé aux adultes. Huston met en scène l'enfermement mental, le dégoût de soi, la perte de la volonté de viv
re, des thèmes adultes. La débauche de viscères et de mutilations dépasse l'exercice de style destiné à choquer le bourgeois, pour mettre en scène différentes facettes de la folie furieuse, et des individus ne trouvant la jouissance que dans la souffrance d'autrui. Huston ne fait pas semblant ; il ne se contente pas de décrire quelques actes barbares. Il se lance dans une surenchère inventive, perverse et immonde. Il développe son sujet pour l'approfondir et faire ressortir la monstruosité. Il n'y a qu'une étrange forme de censu
re des grossièretés (sous la forme de ####) qui dénote dans ce ton pour adulte averti.
L'aspect graphique de cette histoire est tout aussi impliqué et jusqu'au-boutiste que le scénario.
Juan José Ryp s'est fait connaître en illustrant 3 récits bien sanglants de
Warren Ellis (une partie de Wolfskin,
Black Summer et
No Hero) et 2 bandes dessinées pornographiques (Jeux de filles & Gladys & Monique). Ce dessinateur dessine avec une application obsessionnelle tous les éléments apparaissant dans les cases. En cela il rappelle la minutie compulsive de Geoff Darrow (par exemple Hardboiled de
Frank Miller). Il montre une forme de fétichisme pour les giclées de sang dont l'omniprésence est à la fois écoeurante, mais aussi impossible : ces litres d'hémoglobine finissent par attirer l'attention du lecteur sur l'impossibilité pour les victimes d'en régénérer autant aussi vite. Même le metteur en couleurs finit par s'en lasser et préfère colorer le sang en bleu (surprenant et déconcertant à la lecture). La densité d'informations dans chaque case rend le déchiffrage des cases parfois un peu plus lent, mais elle ne laisse aussi aucune échappatoire au lecteur sur le détail de l'action, le caractère tangible des corps, et les horreurs tératologiques (le crâne de l'otage). À ce titre, la forme des dessins traduit le fond du scénario : tout montrer pour rendre palpables toutes les horreurs.
Sur les bases classiques du personnage de Wolverine, Charlie Huston et
Juan José Ryp offrent une histoire très noire et malsaine qui renvoie aux horreurs morbides qui se tapissent dans nos cerveaux.