Voilà un essai passionnant sur un phénomène encore peu traité : l'incursion d'un national-socialisme idéologique et/ou ésotérique dans un style de musique extrême : le black metal. Un courant musical fondé sur l'adversité, la rébellion (pas forcément adolescente), le rejet du capitalisme et surtout du (judéo-)christianisme pour des valeurs plus traditionnelles.
Tout l'intérêt du livre réside dans des questions simples mais pourtant difficiles à trancher : le penchant national-socialiste était-il présent dès le début du mouvement dans les années 1990 ? Un extrémisme musical et thématique est-il possible sans pousser cette tendance dans ses derniers retranchements, vers un inéluctable point Godwin ? Toujours est-il qu'à partir du milieu des années 1990 apparaît une fraction de la scène black metal qui se revendique NS (pour nationale-socialiste), comme en réaction à une musique de plus en plus acceptée par les médias mainstream, et récupérée par des labels avides de s'en mettre plein les poches. Hors, quelle meilleure manière pour garder une musique underground que d'invoquer une figure historique unanimement rejetée aujourd'hui en Occident : celle d'
Adolf Hitler ?
Mais attention, au-delà du simple outil de rejet du mainstream, certains groupes se donnent pour mission de faire avant tout de la politique à travers ce véhicule puissant qu'est la musique. Et certains groupes sont loin de l'image du skinhead qui liquide 8 litres de bière par jour. C'est précisément là où le livre devient le plus intéressant, lorsqu'une certaine forme d'idéologie s'affirme à travers cette musique, qu'elle considère comme le viatique logique d'un néo-nazisme, ou du moins d'un paganisme : rejet du judéo-christianisme, rattachement à la logique du sang et de la terre, identité européenne, logique du mal absolu.
Les auteurs décrivent ainsi pays par pays (ou continent par continent) les logiques internes à des scènes NSBM très différentes d'un bout à l'autre du monde - bien plus intégrées en Europe de l'Est, par exemple, où l'antisémitisme semble plus courant et "lissé" dans la population. On y trouve également des interviews des principaux protagonistes, ainsi que des éclairages sur certaines figures de l'idéologie nationale-socialiste ou néo-nazie, pour une étude très détaillée et bien menée, à travers des centaines de groupes.
Passionnant donc, mais aussi brûlant, et donc à ne pas mettre entre toutes les mains - surtout si, comme moi, vous lisez dans les transports et attirez les regards sur des pages remplies de propagande parfois infecte.