La désaccordée/
Violaine Massenet
Séverine, la trentaine, fait une pause dans ses recherches sur la préhistoire et s'installe à la Sauvagie au coeur du Périgord vert, le « pays caché » comme elle l'appelle qui s'accorde aux secrets qu'elle garde en elle. Dans cette maison isolée, sur une colline près de la forêt, elle guette les traces d'un désespoir ancien, d'une joie inattendue, quête incertaine où tout est signe ou bien peut-être rien.
C'est là dans cette chartreuse aux allures d'hacienda aux tons brûlés qu'elle a choisi d'attendre Marin, l'homme qu'elle aime, l'homme insaisissable. Elle lui écrit, raconte l'échec de son mariage avec Olivier, la vie à trois avec une maîtresse d'Olivier, ses aventures amoureuses parfois très spéciales et très brèves, ses voyages, et le presse de venir la rejoindre.
Pour Séverine, la Sauvagie est le lieu où revenir pour se perdre, où préparer l'avenir dans le méplat des jours et l'éclat des nuits silencieuses. Un pays d'herbes folles et de roseaux au bord du lac, d'avoines des prés, de brames floconneux et de pâturins, de brizes aériennes, de houques et de fétuques qui se balancent lentement impalpables et tenaces, où chantent les pics épeiches et les huppes.
En un long poème d'amour tel une déclaration, Séverine se dévoile à Marin : « Il a fallu que je vous rencontre pour que naisse ce que l'on nomme amour et qui n'est peut-être que la crainte d'errer, la crainte aussi de se tromper sur un sentiment qu'on est seul à éprouver, seul à connaître, qui laisse les autres muets et que l'on s'emploie à faire partager au moins à une personne. »
Mais il y un empêcheur de tourner en rond, un génie manqué, calculateur désabusé : c'est Raoul, un être qui ne vit que pour détruire ce qui chez les autres lui échappe et qu'il finit toujours par découvrir, sans réussir à le comprendre, un esthète de la méchanceté qui dose chaque mot, chaque expression de son visage, ayant toutes complaisances et toutes les patiences. Raoul agace : il sait déchiffrer les êtres, les faire tenir en une équation facilement résoluble, éliminer l'inconnu qui le gêne.
Et puis il y a aussi Antoine, un homme du dérobé, un peu chaman, le cousin artiste peintre d'icônes, un sauvage tendre et gentil, genre sans domicile fixe avant d'atterrir à l'Enclave près de la Sauvagie , confident des amours de Séverine et qu'intéressent les recherches de celle-ci en vue de sa rédaction de thèse. Peu à peu on en vient quand même à se demander si le regard qu'il porte sur Séverine est vraiment pur…
Au terme de ces missives de détresse, Séverine s'écrie : « Je te veux, Marin, l'hiver va finir… Nous pourrons voir le jour ensemble, ses prolongements, sentir tous deux tiédir la lumière, poindre le printemps… »
L'apprentissage de la patience conduira - t-il Séverine à vivre l'histoire d'amour dont elle rêve ?
Un très beau roman au style exceptionnel.