Apparition

- "Cette créature, pas plus grosse qu'un rat de bonne taille, et que les gens de la ville appelaient curieusement "Brown Jenkin", devait être le fruit d'un cas remarquable d'hallucination collective, car en 1692 onze personnes affirmaient l'avoir aperçue. Il courait aussi des rumeurs récentes qui déroutaient et troublaient par leur concordance. Les témoins parlaient d'un animal aux longs poils, au corps de rat, mais dont la tête barbue et aux dents pointues exprimait une malveillance humaine tandis que ses pattes ressemblaient à de minuscule mains d'homme. Sa voix était une sorte de gloussement répugnant et il parlait toutes les langues. Parmi les étranges monstruosités que Gilman voyait en rêve, rien ne lui inspirait plus de terreur et d'écœurement que cet avorton hybride et impie, dont l'image traversait ses visions sous une forme mille fois plus détestable que tout ce que lui avaient fait imaginer à l'état de veille les vieux témoignages et les modernes on-dit."

~ H.P. Lovecraft - La Maison de la sorcière. ~

Tout cela paraissait absurdement apocalyptique. La fin du monde tel que nous le connaissions. Un changement dans l'ordre naturel de primauté : une autre espèce dominant la race humaine.

Il paraissait insouciant tandis qu'il parlait, presque jovial. Mais il se dégageait quelque chose d'inquiétant de cet homme qui s'exprimait comme le directeur d'une entreprise faisant visiter son usine à quelqu'un, alors que, en réalité, il était hagard et tourmenté, voyageait dans le temps, et vivait sous le même toit qu'une sorcière à moitié nue, un rat couvert de vermine, et une quarantaine d'enfants sur le point d'être enlevés et tués pour leur chair.

- "Le temps n'est rien d'autre qu'une boîte remplie de minutes."

Le sang m'avait préparé à voir quelqu'un qui était mort. Mais rien n'aurait pu me préparer à la façon dont elle était morte.

Qui aurait cru qu’un jour l’Église vienne en troisième position en matière d’aide spirituelle après un chasseur de rats et une entreprise de désinsectisation.

Si j’avais appris ne serait-ce qu’une seule chose durant ces derniers jours, c’était que la réalité de l’existence humaine n’est pas affectée par le temps. Une fois que nous sommes ici, nous sommes ici pour toujours. C’était une pensée étrange, un peu triste, mais réconfortante, également.

Chapitre 15

Malgré le soleil, Fortyfoot House se dressait derrière lui, froide, sombre et effacée, telle une personne âgée lors d’une réunion de famille, qui ne dit rien et pense seulement aux jours enfuis et à ceux qui étaient vivants autrefois, et qui la connaissaient et l’aimaient, mais qui sont morts depuis longtemps.

Chapitre 14

Tandis que je me tenais à la fenêtre, je parvins presque à me persuader que ce serait un crime d’incendier Fortyfoot House. Pourtant, malgré son emplacement superbe, la maison elle-même était perturbée, malfaisante et inquiétante, et elle avait l’effet le plus effroyable sur quiconque tentait d’intervenir. J’avais la certitude que, si je ne la détruisais pas par le feu, je pourrai très bien être sa prochaine victime.

Chapitre 13

Il suffit de la vision fugitive d’un fauteuil victorien à grand dossier dans la vitrine d’un magasin d’antiquités, ou d’une nuance particulière de la lumière grisâtre de l’automne. Il suffit d’un tapis à motifs marron, ou de l’odeur de la poussière et de la cire à parquet.
Parce que, à l’instant où Dennis Pickering et moi pénétrâmes dans cette salle de séjour, je réalisai pour la première fois que nous avions bel et bien remonté le temps, jusqu’à une époque qui n’était pas la nôtre, et que les choses horribles que nous contemplions n’étaient pas des fantômes, ou des photographies animées, ou le produit de notre imagination surexcitée. Elles étaient vivantes et réelles, elles vivaient et respiraient, et elles exhalaient l’enfer.

Chapitre 12