A la mode des Gray !
J'aime bien mon histoire avec
Masterton. Je l'ai peu lu, et je l'ai lu jeune ce qui, inévitablement, me conduit à le considérer comme un des écrivains m'ayant flanqué quelques-unes de mes plus belles frayeurs littéraires. Je me rappelle encore du terrible "
Démences" et de ses prisonniers voyageant dans les murs... Un très beau souvenir.
Je m'étais donc procuré, chez le bouquiniste oui monsieur, ce "Portrait du Mal", faisant clairement office de grandes réussites dans la bibliographie de
Masterton (en tous cas, c'est un des noms revenant le plus, avec "
Manitou"...). Et ma foi, je trouve cela tout à fait adapté.
Parlons tout d'abord de la revisite "à la
Masterton".
On respecte dans ce roman le cadre strict de l'oeuvre d'
Oscar Wilde (le bien connu Portrait de Dorian Gray) : une fois l'hommage identifié, il sera bien aisé de comprendre les mécaniques horrifiques sous-tendant le récit. On parle bien d'un tableau se décrépissant à la place de ses sujets, on ira même jusqu'à intégrer
Oscar Wilde à l'historique des Gray. Rajoutons à cela l'ancrage culturel très marqué par l'art pré-raphaëlite ou encore le nom-même des personnages (vous verrez venir avant l'épilogue, soyons-en sûr, quelques "jeux de mots"...).
Néanmoins, "
Le Portrait du Mal" n'a rien d'un pastiche ou d'une revisite classique : on peut même y déceler sans difficulté une intégration ferme des éléments du "mythe"
Masterton. On y retrouve un univers "occulte", avec de nombreuses justifications par l'ésotérisme (chose habituelle chez lui!). On notera également que le récit se déploie sous forme d'une enquête, encore une fois mécanisme narratif connu avec Graham, et pour parfaire le tout, on conclura par la part horrifique majeure de cette histoire.
On ne peut donc pas résumer "
Le Portrait du Mal" à un "Dorian Gray" horrifique. Si les bases de la revisite sont strictement respectées, les arborescences de l'intrigue en font un pur "original
Masterton".
Abordons maintenant "l'horreur de haute intensité".
Cela commence par la construction des personnages, le charadesign comme dirait les gamers: les Gray sont terrifiants de bien des manières. En premier lieu dans leur sincère inhumanité ; leur triste sort les écartant de la mort sans pour autant en faire des vivants, leur conduite est dictée par une sorte de cruauté froide, une monstruosité complètement désaffectée. Effrayant. Rajoutons à cela des éléments horrifiques plus pragmatiques; kes détails physiques marquent leur décomposition (avec un lore que j'ai trouvé bien agréable!) et évidemment leurs actes répugnants (je n'irai pas plus loin, par peur de spoiler, bien qu'on y soit confronté dès la fin du premier chapitre...).
L'horreur est ici éminemment réussie car tapant sur tous les plans: une horreur d'ambiance joliment magnifiée parles solitaires paysages de décembre, une horreur gore avec des descriptions volontiers radicales et même un peu d'horreur psychologique avec le personnage de Laura Monblat!
Malheureusement, la fin est un peu convenue!
Le "twist final", à l'image de l'épilogue, est un peu convenu. S'il n'y a pas de rupture d'ambiance déceptive, on retrouve cette sensation bien connue des lecteurs de l"avoir "senti venir"...
Notons que mises en abime successives de la fin de récit sont suffisamment anxiogènes et divertissantes pour clôturer ce récit convenablement.
Vous pouvez donc sans trop d'appréhension mettre la main sur ce portrait du mal. C'est, à coup sûr, un des
Masterton les plus réussis!