Si le livre n'avait pas été écrit par
Richard Matheson lui-même, mais par
John Smith, j'aurais volontiers lancé "Avec
John Smith,
Richard Matheson rencontre
Marc Lévy"...
Hélas, ici,
Richard Matheson se fait phagocyter par Lévy ET Musso d'un seul coup. That's really bad, Richard.
En plus de 300 pages, nous avons l'idylle entre Richard Collier, un jeune homme condamné à mort par une tumeur au cerveau, et une actrice morte depuis vingt ans. Je vous passe les détails, ce n'est que "roupette de sansonnie". Nombre de Babeliotes égrènent les rouages du roman, et bien mieux que je ne le ferais. Allez-y donc voir...
Seule flamboyance, à mon goût, Matheson nous mâtine son roman à l'eau-de-rose d'une petite nuance de gothique avec cette "fameuse" double interprétation l'une réaliste (hallus pour cause médicale), et l'autre fantastique (chérie, je voyage réellement dans le temps par la seule force de ma pensée).
Le lecteur referme donc le livre en se disant "quelle interprétation vais-je préférer", un peu comme dans un roman de
Marc Lévy que j'ai lu (mais si vous le répétez à quiconque, je vous tue) et dont j'ai oublié le nom.
Matheson est un orfèvre. Il sait écrire et adapter son style aux deux époques dans lesquelles il situe le roman, 1971 et 1896. Il manipule le paradoxe temporel comme personne, vu que (SPOILER...) la perte de contact avec 1896 se fait, non pas quand il retrouve la pièce de monnaie, mais quand il dévoile à Robinson les circonstances de sa mort. Erreur de débutant de la part de Richard Collier, pourtant très au fait des voyages dans le temps. Il fallait bien finir le roman.
Mentionnons la référence à Bradbury et à la nouvelle Un coup de Tonnerre. Et l'allusion à un certain Priestley, auteur d'un ouvrage de référence sur le temps et qui ne peut qu'être
John Boynton Priestley, auteur britannique dont de nombreuses oeuvres tournent autour du rapport au temps.
Ajoutons que l'on a un petit air de déjà-vu (prononcez à l'américaine, deujah-vou...) car ce long monologue où tout est vu à travers les yeux du personnage principal, cela évoque
Je suis une Légende. C'est souvent efficace. Il est clair que c'est la seule option pour pouvoir élaborer la double interprétation.
On l'aura compris, je ne suis pas trop fan de romantisme non plus. Et, de plus, j'ai lu le livre sur ma tablette, premier essai de livre numérique (un coup de chapeau à la plate-forme LIRTUEL de la Communauté française de Belgique). Dès lors, l'impression que je retire de roman est plus que mitigée.
Cerise gâtée sur le gâteau qui s'écroule, le titre français est particulièrement lamentable... Bid Time Return en anglais, cela sonne cash. Hélas, c'est assez intraduisible en français. Alors on a
le Jeune Homme, la Mort et le Temps... et pourquoi pas le Jeune Homme, l'Actrice, la Mère et le Garde-Chiourme, voire un le Jeune Homme, la Montre, Mahler et Bonheur...
Une note positive pour finir. Je tiens Matheson pour un des meilleurs auteurs de nouvelles de la SF américaine. Bourré de talent, d'humour, apte à emballer de la SF et du fantastique dans les thèmes les plus divers. Pourquoi pondre 320 pages, pourquoi ne pas ramasser le récit en un ensemble compact de 60 pages, tonique et vif?