En 1898 l'Action Française n'avait pas encore été fondée, Maurras avait sans doute déjà l'idée du royalisme en tête. Il faut nous rappeler qu'il était encore en formation, qu'il n'avait pas encore bien affirmé ses idées. Grand lecteur, il choisit de parler de ces trois personnes.
Chateaubriand, c'est l'écrivain romantique qui conspua Napoléon dans «
De Buonaparte et des Bourbons », ultra qui ne pardonna jamais à la Révolution française et ministre sous Charles X. Il est surtout connu pour avoir écrit « mémoire d'outre-tombe ».
Michelet à l'instar de
Taine ou Renan est un grand historien du XIXème siècle, celui qui nous parla de nos ancêtres les Gaulois, celui qui créa le premier un roman national. Il a fait un très grand travail sur la Révolution française.
Et enfin
Sainte-Beuve, critique littéraire à tendance romantique qui créer une nouvelle méthode selon laquelle il fallait s'intéresser à la biographie de l'auteur pour comprendre le sens de son oeuvre. Il fut un adversaire de
Nietzsche. C'est de lui que
Charles Maurras tirera son « empirisme organisateur. »
Tout d'abord pour Maurras, Michelet représente l'inverse du progrès et
Chateaubriand le contraire de la tradition, l'un replonge dans le haut moyen-âge en collant des propriétés divines à des choses très terrestres et l'autre pleure des ruines qu'il n'a pas daigné regarder quand elles étaient debout.
On ne s'intéressera pas à la personne en elle-même ici, mais à « l'esprit pur ».
Sainte-Beuve, a fréquenté de multiples journaux, les saint-simoniens (socialistes « utopiques » selon Marx), la société de
Victor Hugo, le monde
De Chateaubriand, l'école mennaisienne (
La Mennais).
Sainte-Beuve à la différence d'un Michelet avait le mérite de « s'imprègn[er] de la vraie moelle nationale : vivacité du XVIIIe, doctrine du XVIIe. » Il était tel un médecin ou un naturaliste qui traitait les
oeuvres de l'esprit en les disséquant, regardant leurs plus profonds secrets. Maurras ira même à le comparer à
Saint Thomas d'Aquin par la quantité de son oeuvre.
L'empirisme organisateur c'est l'analyse qui décompose pour montrer le mécanisme et les composants, mais plus encore, cela fournit « les éléments d'une recomposition ». Oserais-je imaginer que Maurras nous parle là d'une recomposition de l'ancien régime ?
Et de continuer, l'analyse permet de voir les « conditions communes et les lois empiriques », qu'il faut comprendre comme les lois historiques qu'un observateur avisé pourra déceler, des lois issues donc de l'expérience de l'histoire humaine. C'est cela que Maurras veut faire, discerner ces lois. C'est ce que nommait
Sainte-Beuve comme « Histoire naturelle des esprits » et ce qui l'amena selon Maurras à petit à petit se détacher de ses idées de 1789, car la Nature juge et condamne ces idées chaque jour et l'Histoire semble le montrer.
Si
Sainte-Beuve n'entra pas comme beaucoup de ses homonymes écrivains dans l'aventure de la seconde République, mais préféra se ranger derrière le Second Empire, c'est parce qu'il suivit sa raison. Pour que la science et le progrès continu il fallait un ordre, on discerne déjà une pensée positiviste chez Maurras pourtant cela nous vient de
Auguste Comte, disciple de
Saint-Simon. J'ai donc du mal à comprendre comment Maurras a pu ajouter cet élément dans sa pensée pour que cela donne quelque chose de rationnel ou du moins qui tienne debout sans que cela ait l'apparence d'un « gloubi boulga » idéologique.
Maurras dénonce néanmoins « un fanatisme scientifique » qui est purement métaphysique et n'a rien de rationnel. On reconnaît bien là l'agnostique. Il dénonce le scientisme ou l'établissement de la science comme religion, critique que l'on retrouve aussi chez Guénon. Ce dont la France moderne a besoin est un « système religieux et moral, parfaitement laïc, strictement rationnel (séparé de la métaphysique donc), pur de toute mysticité » et ce système se nomme l'Empirisme organisateur.
On décèle déjà des idées qu'il mettra sur le papier de manière plus claire dans «
Mes idées politiques », il fallait l'ordre avant la liberté, les différences naturelles des hommes devant l'égalitarisme républicain. Encore une fois nous avons un rappel qui plaît à Maurras, le fait que le catholicisme d'origine hébraïque ait été intégré par Rome et donc avec le paganisme romain.
Qui fréquentait
Sainte-Beuve ? Des gens que Maurras admire et honore,
Taine, Renan,
Fustel de Coulanges,
Auguste Comte,
Le Play, des balzaciens, des catholiques héritiers
De Maistre et de Bonald.
Le Progrès véritable selon Maurras est celui de « réagir », comprendre la réaction, la dernière phrase est assez claire sur le royalisme affirmé de Maurras :
« On y saluerait l'espérance du Progrès véritable, qui, pour le moment, ne consiste qu'à réagir ; et, d'entre les ruines du vieux mysticisme anarchique et libéral, se relèveraient les couronnes, les festons, les autels et la statue intacte de cette déesse Raison, armée de la pique et du glaive, ceinte d'olivier clair, ancienne présidente de nos destinées nationales. »
Ce texte est donc fondateur de la pensée de Maurras, il nous montre ce qu'est l'empirisme organisateur, cette loi historique qui lui permet de voir que l'ordre et les différences entre les hommes sont des choses qui permettent de maintenir un régime en place. Au contraire donc de la République parlementaire, changeante, instable et prônant l'égalité entre tous. Ces idées révolutionnaires lui sont en horreurs, mais il intègre tout de même des personnes comme Comte dans ses références, Comte le positiviste et nous dit que
Le Progrès est en fait une réaction.
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