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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Luc est parti.
Il est d'abord parti à Paris, puis il est parti définitivement.
Il laisse Marthe, sa mère, à sa tristesse et Jean, son père, à sa colère.
Le débit est rapide.
Il roule, roule, de plus en plus vite sur une piste descendante.
Des phrases sans souffle où l'on peine à reprendre haleine.
Comme si l'auteur racontait dans l'urgence.
Une phrase entraîne l'autre sans que rien ne semble pouvoir les arrêter.
Des phrases où s'entremêlent les voix des uns et des autres.
Une histoire qui raconte les silences, les mots qu'on n'a pas dits, qu'on aurait pu dire, qu'on aurait du dire.
Les mots qui auraient pu tout changer.
Dans ce premier roman, Laurent Mauvignier propose un style original, style que l'on retrouve dans ses autres romans .
Personnellement, j'aime beaucoup.
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Sa voix qui palpite dans la mienne quand c'est elle qui s'étouffe, la mienne, au fond de ma gorge, qui tombe dans un trou près du coeur (là, et je leur montrais où c'était sous la poitrine. J'ai posé ma main pour leur montrer, et que Jean voie ça, qu'il comprenne, là j'ai dit, en appuyant fort sous ma poitrine), dans une sorte de grand trou, j'ai voulu leur expliquer, c'est un grand trou parce que quand je le ressens, c'est toujours l'impression d'y tomber infiniment, jamais de ne sentir un fond contre lequel je pourrais me fracasser, ou me libérer, alors je me dis, ce n'est pas vraiment un trou, parce qu'il faudrait quelque chose qui le finisse, mais il n'y a rien, alors je pense, juste une chute qui s'ouvre et s'ouvre encore dans laquelle ma voix tombe , j'ai dit.
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Tout est petit, serré et vous blesse le coeur dans ces paroles difficiles, retenues et où perce pourtant une telle énergie à vouloir dire, à exprimer d'abord parce que c'est inexprimable, mais aussi parce qu'on n'a jamais rien dit et qu'on ne sait pas quoi dire quand tout à coup il faut tout dire. Pour un peu on se mettrait à croire que Luc est mort parce que la vie ne se disait pas, et que, tue, elle mourrait d'elle-même, sans avoir jamais été vraiment. La dernière phrase exprime ce fantasme de l'existence : parler par des regards, ne rien avoir à dire et pourtant, s'affranchir du langage, de son effort, tout comprendre et tout exprimer, vivre par les images et les regards, qui sont sensibles et oublier la difficulté des mots et des pensées qui s'échappent sans arrêt ou même qui ne naissent pas. Un roman difficile parce qu'il rappelle que la vie est aussi faite de mots et que se méfier des mots, c'est vivre petit, c'est mourir un peu, c'est être déjà mort. Alors si Luc est mort, peut-être l'a-t-il toujours été. Laissons-le partir et apprenons à vivre, c'est-à-dire à parler.
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Bien que la forme ne soit pas celle que j'apprécie le plus en littérature (une succession de monologues intérieurs) c'est en tout cas la meilleure façon d'aborder l'inqualifiable, ce dont on ne sait vraiment parler. En une centaine de pages l'auteur parvient à nous faire rentrer dans la vie de deux familles où le silence est à la fois le plus grand des malheurs et en même temps une possibilité d'être sauvé. Difficile dès lors de trouver les mots pour dire à quel point ce livre est recommandable.
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N°1745 – Mai 2023

Loin d'euxLaurent Mauvignier – Les éditions de Minuit.

Il est communément admis que si, pour un couple, la venue d'un enfant peut éventuellement être le couronnement de leur amour, il n'en reste pas moins qu'on n'a pas d'enfants pour soi, c'est à dire que, la période de jeunesse passée, même si elle a été heureuse, ils partent faire leur vie ailleurs. Luc ne se sentait pas bien chez ses parents, ne voulait pas leur ressembler, ne supportait plus la vie avec eux, trop seul, trop incompris, il voulait autre chose. Il a donc quitté la province pour un travail et une vie à Paris, loin d'eux. Au sein de sa famille, son absence pesante était seulement adoucie par quelques courriers rédigés en termes convenus, des communications téléphoniques, des visites rapides… Cela aurait pu être une histoire banale sur les relations, souvent difficiles, parents-enfants, comme on en rencontre dans toutes les familles. Cela aurait pu s'arranger avec un mariage, la naissance de petits-enfants et un nouvel intérêt pour la vie et pour l'avenir, mais les choses se sont déroulées autrement. Pour Céline, sa cousine avec qui il a eu une longue complicité, c'est un peu différent. Elle s'est mariée tôt, a fondé une entreprise avec son mari mais ce dernier est mort dans un accident et tout a basculé pour elle. Elle est partie avec un inconnu, qui le restera pour sa famille, vers une autre vie, un autre espoir, mais sans grande conviction.
Avec une intense écriture, c'est l'évocation de la mort qui est ici déclinée à travers ces deux personnages. La Camarde s'est insinuée entre les pages de leur deux livres, en arrachant la dernière pour Luc et pour Céline en creusant un vide qu'elle cherchera à combler sans jamais y parvenir, inversant ainsi le cours normal des choses et des deuils. Un désastre pour elle, une délivrance pour lui. La mort, on vit sans vraiment y penser et quand elle se manifeste chez les autres on se félicite qu'elle nous ait épargnés. Certes Céline survit au décès de son mari et refait sa vie, mais elle choisit une forme de fuite avec un inconnu pour exorciser son chagrin. C'est simplement pour nous rappeler les termes de notre pauvre condition humaine, c'est à dire que nous ne sommes que les usufruitiers de notre propre vie, qu'elle peut nous être enlevée quand nous nous y attendons le moins et sans le moindre préavis. Pour Luc et son option qu'on sent venir tout au long de ce court texte, il exprime définitivement un refus, un échec. Tous les deux ont fait le constat que la vie ne les aimait pas et qu'ils ne l'aimaient pas non plus. Leur choix et plus spécialement celui de Luc, s'est exprimé sans tenir compte de ceux qui restent, qui ne méritaient pas cette épreuve et qui vont porter ce poids toute leur vie, avec leurs interrogations inévitables, leur refus d'y croire, la certitude que le monde autour d'eux s'effondre, leur incontournable culpabilisation, la certitude grandissante de n'avoir pas fait ou pas dit ce qu'il fallait quand il le fallait. Ils auront beau verser des larmes, se dire qu'ils ont fait ce qu'ils ont pu, que la vie continue, que le temps aplanira leur peine, se convaincre que les morts revivent dans la mémoire des vivants, se raccrocher aux souvenirs, aux photos pour artificiellement faire revivre le disparu, tout cela sera dérisoire face à la réalité, au vide, à l'absence. Même l'affirmation de la religion sur la résurrection se révèle artificielle. Ce qui restera de cette épreuve c'est la solitude, les remords, tout juste atténués par de bienveillantes présences amies, porteuses de mots ou de silences.
Chacun des deux parents, Jean et Marthe, prend alternativement la parole, de même que Gilbert et Geneviève, ses oncle et tante et que Céline, sa cousine. Lui aussi s'exprime mais ce sont des monologues et tous racontent leurs interrogations, leurs difficultés, leur bonne foi, leur solitude, leur impuissance, leur désarroi.
Ce que j'attends d'un romancier c'est, entre autre d'être le miroir de son temps mais aussi de notre condition humaine dont la mort fait partie, même si l'image qu'il nous renvoie est cruelle, simplement parce que la vie est ainsi quand elle choisit ses victimes.


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Apre, puissant, triste aussi de se rendre compte à quel point il est difficile de communiquer quand on a pas appris à trouver les mots ... ceux qui restent dans le fond de la gorge comme empêché par des chiffons sur lesquels on aurait versé du produit anesthésiant ... une lecture particulière qui ne laisse pas indifférent ...
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C'est le premier roman de Laurent Mauvignier et dès la première page je retrouve cette écriture si particulière qui m'avait surprise dans "Des hommes" paru l'année dernière. Surprise mais séduite!
Phrases rallongée, tortueuses, déstructurées, qui rendent si bien compte de l'état mental des personnages.
Tout la famille évoque en silence, à tour de rôle, la mort de Luc. le père, la mère, l'oncle et la tante , et la cousine, Céline, si proche et qui pourtant n'a rien pu empêcher puisqu'elle était si loin de lui,. Lui, parti à Paris, parce que c'est à Paris que l'on part quand on n'en peut plus de cette vie de province étriquée, calculée, remâchée.
Tous ruminent mentalement sous la plume de l'auteur, avec, en filigrane, ce POURQUOI écrit à l'encre du chagrin.
Pourquoi n'ont-ils pas su faire ou ne pas faire les mots, les gestes, ceux qui l'auraient tenu en vie, avec eux.

"Loin d'eux", c'est l'histoire d'un drame ordinaire sur le fossé creusé entre ces petites gens de province, ceux qui ont démarré le boulot à 15 ans à l'usine, et la suivante, celle qui cherche d'abord à vivre. Et vivre,, c'est partir loin d'eux, dans un ailleurs où tout peut s'inventer, comme un écran de cinéma vierge. Vivre, c'est parfois aussi mourir.
J'ai apprécié la simplicité et la grande humanité de ce court roman dans lequel Mauvignier enchaîne les monologues intérieurs de façon magistrale. On est dans leur tête, à tous, et on finit par se dire que nous, on fera tout pour ne pas en arriver là. Trouver les mots...
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Un style, une écriture pour évoquer... le silence , le suicide . Grâce au talent de cet auteur , j'ai senti le poids des silences, des non dits de cette famille ! Livre perturbant , mais si juste .
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A sa sortie ce premier roman de Laurent Mauvignier publié en 1999, les critiques ont été unanimes pour saluer la naissance d'un grand écrivain. Avec Loin d'eux, il réussit à mettre des mots sur les silences, sur l'incompréhension, sur les non-dits, sur les douleurs rentrées. Avec une écriture captivante, construite comme une polyphonie de monologues, il nous entraîne dans les secrets de la famille de Luc. Avec son père Jean, ouvrier en usine, il n'a jamais eu de vraie conversation, sa mère Marthe, n'a jamais réussi à rompre le silence entre le père et le fils. Geneviève, et Gilbert l'oncle et la tante de Luc, les parents de Céline, ont été les témoins de ce manque de dialogues, mais eux-mêmes ont vu partir leur fille après le décès de Jaïmé, avec lequel elle s'était mariée, casée, par convenances et qui meurt dans un accident de la circulation. Luc et Céline, se confie l'un à l'autre, il la pousse à quitter le giron familial, à rompre les amarres, pour vivre sa vie. Partie sur ses conseils, Céline cesse d'être la confidente de son cousin qui sombre dans la solitude, sa passion pour le cinéma se dilue, son travail de serveur dans un bar de nuit, à Paris, l'épuise, les lettres et les coups de téléphone de sa mère ne lui apportent rien, car ils ne se parlent pas, il n'échange pas les paroles qui réconfortent. Lorsque les gendarmes viennent annoncer à Jean et Marthe le suicide de leur fils, leurs déchirements traduits par les mots, toujours silencieux, de Laurent Mauvignier sont poignants. " Les silences plus graves encore, quand ils surgissent des lettres où des coups de téléphone qui ne portent pas d'autres mots que ceux qui ne parlent pas, ou parlant ne disent rien ". Ils étaient à côté de la misère morale d'un des leurs et ils ne la voyaient pas, ne l'entendaient pas, ne la comprenaient pas. La culpabilité ressentie par ses parents, les regrets de Céline de ne plus avoir soutenu Luc, elle seule savait qu'il était en danger, la rancoeur de son oncle et sa tante qui lui en voulait d'avoir incité Céline à partir contre leur gré décuple les chagrins, la souffrance, les interrogations, les remords de chacun. Si seulement, il avait réussi à accrocher sa vie à celle de cette femme, qui ressemble à Jean Seberg, et qui venait au bar...
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Comment donner au silence des mots que le lecteur lui-même serait en mesure d'entendre ? Tel est l'obstacle que Laurent Mauvigner a surmonter avec brio.
Un style déstabilisant au premier abord dont on décèle bien vite la pertinence. C'est parti pour une sombre ballade au plus profond du malaise palpable des personnages.
Les points de vue ont beau changer, les impressions d'oppression et d'inconfort chez Luc, Marthe ou encore Jean perdurent.
Des passages saisissant, comme lorsque le père apprend la mort de son fils auquel il n'a jamais vraiment parlé, ou lors de l'unique récit que Céline nous fait d'une promenade avec Luc.
C'est au final un roman qui nous marque, de part son style si particulier d'une part, et par la puissance de ce mal-être qui nous touche tous d'autre part.
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