Lieu de silence, de calme et d'isolement en plein bois... Lieu de croyances dont il faut point trop dire... Apparitions, disparitions, on y fait la rencontre d'êtres venus d'ailleurs, gens de l'autre face. Car il arrive qu'ils viennent, ceux de l'antimonde. Ils sont semblables à nous, pareils d'apparence. Ce n'est qu'après que l'on sait... mais on en dit trop, car de ceux-là il ne faut point parler.
Dans sa cour, Johannès, si on peut dire, il était en famille. C'etait comme avec la Grise, là il parlait à quelqu'un. Dans sa tête ça se faisait. Parce que, pour ce qui est d'articuler des choses qui lui venaient sans qu'il le veuille, pour ce qui est de les dire avec des mots, il ne pouvait pas, il peinait trop. Il avait l'impression qu'à les dire il les aurait fait fuir. Pour se les garder, il se les taisait. Sauf des toutes faites, dont on est tranquille qu'elles seront de long usage.
C'est alors que l'aubergiste en ce pays de neige, près du feu du temps, nous conta une bien belle et bien curieuse histoire. Une histoire de la veillée. Je devrais dire mieux : une histoire de la nuit. Car tout commença avec le soir, tout se finit avec l'aube. Toute la nuit j'écoutai très attentivement. Mais on sait comment se font les choses. L'esprit par moments s'évade, construit sa propre légende sur le dit du conteur...
Dans le jour, le monde l'aidait, les forces de lumière, les êtres du soleil : travail, bêtes et gens, les bois et les prés autour de sa rivière. Puis la nuit venait... Les protections fondaient au rythme des crépuscules. Ça partait en angoisse...Un grand besoin d'amour, un vide d'amitié, une poussée de l'être...