Comment faisait-il maintenant, au soir contemplatif de ses jours, le pieux Bildad, pour concilier ces choses dans son souvenir? Je ne puis rien en dire; mais ça n'avait pas l'air de le troubler beaucoup, et il est probable qu'il était arrivé à cette sage et raisonnable conclusion que: la religion est une chose et le monde qui paye en est une autre.
Ils n'étaient qu'un seul homme et non trente. Tout comme le navire unique, qui les portait tous, alliait : chêne, érable, pin, fer, goudron et chanvre, pour ne former qu'une seule coque taillant sa route équilibrée et dirigée par la longue quille centrale, les particularités des hommes, la vaillance de l'un, la crainte de l'autre, l'offense de l'un, la culpabilité de l'autre, fusionnaient dans l'unité et les menait tous vers le but fatal vers lequel tendait Achab, à la fois leur seul seigneur et leur quille.
La mort est un mur aveugle où se cognent finalement toutes les têtes questionnantes.
Nous voilà avec notre corps debout dans le soleil comme un palais plein de merveilles, mais, vous qui cherchez la vérité, ô âmes graves et nobles, descendez sous les fondations, de caves en caves. Dans les profondeurs farouches de l'orgueilleuse construction de l'homme s'ouvre le vaste habitat des civilisations disparues ; et c'est là que sa grandeur essentielle est enracinée dans les ténèbres avec toute sa majesté : héros antique enseveli sous l'entassement des siècles. Les Dieux du ciel libre se moquent de ce roi prisonnier des écroulements de son trône. Mais lui, comme une cariatide accroupie, il porte sur ses épaules glacées l'accumulation des âges. Descendez jusqu'à lui avec l'orgueil et la tristesse de votre âme moderne et parlez à son vieil orgueil et à sa vieille tristesse. Vous retrouvez tout votre propre drame ? Oui, jeunes rois, le vieux roi sauvage connaissait déjà le secret éternellement sauvage de la race humaine.
Quand je me sens des plis amers autour de la bouche, quand mon âme est un bruineux et dégoulinant Novembre, quand je me surprends arrêté devant une boutique de pompes funèbres ou suivant chaque enterrement que je rencontre, et surtout lorsque mon cafard prend tellement le dessus que je dois me tenir à quatre pour ne pas, délibérément, descendre dans la rue pour y envoyer dinguer les chapeaux des gens, je comprends alors qu'il est grand temps de prendre le large.
Il est des entreprises pour lesquelles la vraie méthode est un désordre intentionnel.
Qu'est-ce que la réalité, sinon un impondérable ?
Ce monde, sous tous les méridiens, est une société anonyme de secours mutuel.
Où se trouve le port terminal, d'où nous ne lèverons plus l'ancre ?
Je l'ai déjà dit, je n'ai d'objection contre la religion de personne, qu'elle soit ce qu'on voudra, pour autant qu'elle ne tue ni n'insulte un autre, sous le prétexte que sa conviction diffère. Mais quand la religion d'un homme devient vraiment forcenée, quand elle lui est une véritable torture et fait enfin de ce monde une mauvaise auberge, alors je crois qu'il est grand temps de prendre cet individu à part et de débattre la question avec lui.