Je viens de découvrir une oeuvre et un poète... J'ai beaucoup apprécié ce recueil qui mérite d'être lu et relu.
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A l'encre de Chine
Dans ce godet de porcelaine
Un peu de noir fut dilué.
Naît une fleur de chrysanthème
Qu'un papillon vient visiter,
Laissant en marge son poème.
- Beauté du monde, qui tenez
Dans un godet de porcelaine,
Vous trouverai-je en l'encrier?
Qu'elle est belle la terre!
Qu'elle est belle, la terre, avec ses vols d'oiseaux
Qu'on entrevoit soudain à la vitre de l'air,
Avec tous ses poissons à la vitre de l'eau!
La peur les force vite à chercher un couvert
Et l'homme reste seul derrière le rideau.
Qu'elle est belle, la terre, avec ses animaux,
Avec sa cargaison de grâce et de mystère!
Le poète se tient à la vitre des mots.
Cette beauté qu'il chante, il la donne à son frère
Qui se lave les yeux dans le matin nouveau.
L'écureuil
Ecureuil, écureuil,
Qui récures les noix
Tout là-haut, sur le toit
De ta maison de feuilles,
Ecureuil, où es-tu?
- Je joue à cache-cache
Avec ton oeil pointu
Qui cherche mon panache;
Je suis sur la terrasse
De mon frère le vent;
De bond en bond l'espace
S'agrippe et se détend.
- Je te vois. - Tu me vois?
- Une branche s'agite :
Ah! voici que me quitte
Le feu-follet du bois.
L'orgueilleux oriflamme
Brille je ne sais où.
Il m'a laissé le brou,
La cendre de la flamme.
Lézards
Que craignez-vous de moi, gardiens de la chaleur?
Que craignez-vous, dragons, dont la fine balance,
Soupesant le trésor sensible du silence,
Laisse parfois pointer l'aiguille de la peur
Hors des trous de ce mur qu'offusque ma présence?
Que craignez-vous de moi qui rêve comme vous
De déchiffrer les graffiti de la lumière?
Condensez-vous encore sur l'aplomb de la pierre
Et revenez pour lire entre vos deux genoux
Les pleins, les déliés, les boucles du mystère.
Le vieillard fou de poésie
"Ne dites pas à cette fleur
Quel est l'âge de la racine :
Sur le tronc noir de la glycine
S'éteindrait peut-être l'odeur.
Ne dites pas à ce vieux bois
Qu'il est l'image de ma vie :
Le poème qui se déplie
Se refermerait dans mes doigts."
Ainsi parle le vieillard fou.
Voici le temps où les poèmes
Se recueillent en chrysanthèmes
Sur le bois ciré, sur les clous.
Mais la sève a d'autres chemins
Par où la glycine s'élance
Et c'est la grappe de l'enfance
Qui fleurit encore les mains.
Le premier jour de l'an - Pierre Menanteau