J'aime beaucoup ce très talentueux auteur québécois dont j'ai déjà lu deux polars,
Je me souviens et
Violence à l'origine. Avec cet opus-là, il s'éloigne de l'univers de ses policiers fétiches qui sévissent à la section des crimes majeurs, Victor Lessart et Jacinthe Taillon. Il me semble aussi qu'on y perd un peu de la gouaille typique de nos cousins canadiens, mais qu'importe, voilà encore un sujet traité avec une belle maitrise de l'écriture et du suspense.
Théodore Seaborn est un jeune publicitaire de Montréal. Au chômage et dépressif, il ne quitte plus son domicile et passe ses journées devant sa télé, pas rasé, pas changé, il s'empiffre de Coffee Crisp… Jusqu'au jour où, à court de barres chocolatées, il est contraint de sortir enfin de chez lui et découvre tout à fait incidemment son sosie parfait. Dès lors, sa vie bascule et de péripéties en rencontres, le voilà embarqué par Samir, un inconnu, jusqu'en Syrie. Là vont interférer dans son quotidien les forces djihadistes de l'EI, les services de renseignements français, les réminiscences de son enfance au Liban, mais surtout le voilà confronté aux interrogations sur sa vie, sa famille, son couple, sa fille, et tout ce qui fait le sel et la valeur de ce qui nous entoure.
Propulsé terroriste ou au contraire engagé quasiment par hasard, mais pas forcément contre son gré, dans une opération aux côtés des français, à Racca, il va découvrir l'horreur de la vie des prisonniers de l'EI, subir les tortures, assister aux pires exécutions, et pourtant comprendre également au contact de Samir que dans chaque homme, et malgré ses convictions les plus profondes, un soupçon d'humanité peut encore émerger.
Une certaine incohérence apparait quelques fois dans l'enchainement des rencontres, certaines semblent même improbables, et pourtant un écheveau invisible tisse des liens et finit par rassembler les différents protagonistes. On le sait,
Martin Michaud aime nous propulser dans des périodes de temps différentes pour mieux nous emmener dans son intrigue, et là encore il y excelle. Voilà donc un roman que l'on ne peut pas lâcher et qui se lit d'une traite. La déchéance, le fatalisme face aux difficultés, puis la rédemption et la transformation de Théodore Seaborn font un bien fou. La relation prisonnier-bourreau, passeur-émigré, les relations humaines entre les hommes, sont complexes et bien mises en évidence, on veut y croire et on se laisse emporter dans le sillage d'un Théodore d'abord anéanti, puis transformé et combatif, et de plus en plus attachant. Car finalement, aussi loin qu'il aille, c'est au fond de lui-même, de ses convictions, de ses envies, ses sentiments, ses croyances, en l'homme et en la religion, qu'il fait son plus important voyage, et c'est peut-être aussi pour ça qu'on s'y attache autant.
Lien :
https://domiclire.wordpress...