— Qui trop embrasse… —
D'abord il y eut l'affront des sciences de la nature, émancipées les premières de la matrice philosophique avec la révolution galiléo-cartésienne. Puis vinrent à partir du 19e siècle les sciences sociales, dont la sociologie autour de laquelle
Johann Michel construit son exposé, problématisé à partir du premier Foucault, celui des Mots et les choses : « Le développement des sciences sociales a-t-il vraiment fait disparaître l'homme comme unité générique et morale, "comme à la limite de la mer un visage de sable », selon l'expression de
Michel Foucault. »
Alors, fin de l'homme comme objet de savoir, tel qu'« apparu » à l'Âge moderne ?
Johann Michel repart de tellement loin, avec des vues si larges, que, comme dans un sketch de
Coluche, à la fin on a oublié la question. Mais la réponse c'est oui et non, mutatis mutandis.
Il remonte aux sources philosophiques des sciences sociales, en répertorie et en discute six principales, « plurielles et largement antagonistes » : le positivisme (expliquer les faits comme des choses), l'herméneutique (comprendre l'action sensée comme un texte), la phénoménologie, le pragmatisme et la philosophie du langage ordinaire (décrire les interactions sociales), le marxisme (transformer la société et critiquer les inégalités sociales).
Avec pour chacune des sources une histoire (voire une préhistoire), des écoles, et au total une cinquantaine d'auteurs cités… Ça fait du monde ! (Sans compter les hybridations...)
À ce stade, déjà, on voudrait être cartographe et couvrir un mur d'ensembles, de sous-ensembles, d'intersections, d'arborescences et de flèches dans tous les sens.
Ce n'est pas fini. Deuxième partie, comme au bal à la cour, on se croise, changeant cavalières et cavaliers, pour cette fois dresser un panorama complet des rivalités et rapprochements entre sciences sociales et philosophie, à travers les controverses sur les objets, puis les méthodes. de qui, de quoi on parle, comment, à quelles conditions, avec quelles limites, etc.
Troisième partie : l'auteur montre comment, désormais, à partir de différentes reconfigurations des rapports entre philosophie et sciences sociales « une nouvelle dynamique de collaboration des savoirs se fait jour ». Non seulement « sur le terrain épistémologique — dont l'archéologie des savoirs foucaldienne constitue un modèle —, mais s'accomplissent également sur le terrain de la critique et de la clinique sociale. »
Ah ça oui, c'est instructif.
J'ai bientôt lu tous les ouvrages parus dans cette collection « Une histoire personnelle de la philosophie ». Bien que très riche et peut-être parce que trop riche, en tout cas d'un propos pas assez hospitalier (présenté par l'auteur comme « un cours »), celui-ci m'a quelques fois fait bailler même s'il m'a rendu plus savant.