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EAN : 9782072875991
416 pages
Gallimard (16/01/2020)
4.29/5   73 notes
Résumé :
Après les attentats qui ont ensanglanté la France en 2015 – de la tuerie de Charlie Hebdo au massacre du Bataclan –, ce livre est le premier à tenter de saisir de l’intérieur le processus qui a vu croître le jihadisme français. Né dans les « cités » enclavées des banlieues populaires, il a mené ses activistes, en passant par le « califat » de Daech au Levant, jusqu’aux prisons de l’Hexagone, qui, loin d’être coupées du reste de la société, sont en interaction consta... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Voici un livre dont je recommande plus que chaudement la lecture. L'auteur , Hugo Micheron, un brillant chercheur en sciences politiques dans l'orbite de Gilles Kepel, analyse la diffusion du phénomène jihadiste en France à partir du 11 septembre 2001. Il démontre à partir d'une enquête très poussée sur le terrain le rôle pionnier de petites enclaves, telle celle de l'Artigat dans l'Ariège (qui vit passer les frères Clain de sinistre mémoire), mais aussi la collusion entre différents courants de pensés de l'islam radical tels que le salafisme, les Frères musulmans ou bien l'association du Tabligh. La première partie du livre étudie depuis des cités toulousaine l'émergence d'un modèle de diffusion du jihadisme à partir de cellules très actives. Il dénonce au passage l'idée promue dans les médias d'un Mohammed Merah comme "loup solitaire", à l'inverse d'un lien avéré avec une filière complète. Puis la seconde partie étudie la trajectoire de jihadistes en Syrie et la dernière les stratégies mises en place en prison et le rôle de celles-ci en tant qu' ENA du Jihadisme. Ce sont des pages passionnantes sur la guerre en Syrie et par exemple les rivalités entre Daesh et al-Nosra. On y apprend que nombre de jihadistes français partis là-bas connurent de sérieuses déconvenues. Les témoignages sont réellement passionnants.
La particularité du livre, outre sa limpidité dans un sujet tout de même parfois ardu, c'est qu'il s'appuie sur une enquête de terrain extraordinaire incluant des rencontres avec des dizaines de jihadistes, des entretiens menés en prison, y compris avec le personnel pénitentiaire, et même au sommet de l'Etat.
En ressort un livre critique, souvent très critique même vis-à-vis de la politique menée et du discours médiatique, qui soulève de nombreuses questions mais qui donne aussi, je tiens à le souligner un certain espoir. Sur le plan critique, le livre est très sévère avec l'héritage de Foucault à partir de Surveiller punir qui voyait la prison comme un isolat totalitaire. Or la prison, et c'est bien le problème, est en constante connection avec le reste de la société pour le meilleur et souvent pour le pire. Bref, l'abus de Foucault pour analyser le monde carcéral a fait passer à côté de pas mal de choses. Un monde carcéral que Micheron connait bien pour s'y être rendu plusieurs dizaines de fois, voire plus !
Quand on a été comme tout le monde sonné par les attentats de 2015 (entre autres), il est passionnant après-coup de réfléchir sur des sujets aussi sensibles.
Un dernier élément qui pourra paraître hors-sujet, mais ne l'est pas tant que cela. Je n'avais pas trop aimé le film Un prophète de Jacques Audiard den particulier à cause d'un titre que je ne comprenais pas. Hugo Micheron raconte que, comme dans le films césarisé, en 2014 les groupes Corses qui faisaient jusque là plus ou moins la loi à Fresnes et Fleury-Mérogis ont demandé à être envoyés ailleurs. le retour des premiers jihadistes provenant de Syrie avait alors complètement modifié le rapport de force...
C'est une lecture exceptionnelle qui m'a beaucoup apporté. Je n'ai pas le courage de faire un article plus long, mais il me semble bien que ce livre est vraiment indispensable...
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Dans cet ouvrage, le chercheur Hugo Micheron décortique le jihadisme français (motivations, genèse, dissensions) en 3 parties comme l'indique le sous-titre.

Commençons par la partie négative de mon bilan : je trouve que l auteur utilise un vocabulaire parfois trop ampoulé, qui risque de perdre un lecteur "lambda" pourtant intéressé par ce thème. Je ne vois pas ce que "paradigmatique", "vituperations", "isolat" etc apportent au sujet. A l'inverse, lors des citations de propos rapportés en entretien avec les jihadistes qu'il a rencontrés en prison, l auteur se sent obligé de nous traduire des mots comme "perquiz" alors qu'on comprend aisément!
Par ailleurs j'ai trouvé la dernière partie sur les prisons un peu trop longue, et j'ai lu en diagonale les différentes approches des sociologues à la prison, car cela ne m'intéresse pas...

Passons maintenant à l'intérêt de sa recherche : la compréhension du jihadisme, mais également de nouveaux éléments qu'on entend peu dans les médias, d'autant plus qu'il a interviewés un très grand nombre d'individus pour cette enquête fouillée. J'ai ainsi appris ou retenu les informations suivantes :
- l'arrière pays ariegeois, et plus particulièrement Artigat où opère depuis les années 90 "l'émir blanc" Corel, est la base de propagande des idées salafistes, et là où ont été endoctrinés un grand nombre d hommes et de femmes (dont les frères Clain)

- la place des femmes est importante, que ce soit par leur zèle voire leur rôle dans les attentats. de plus, la capture des femmes Yezidies est le pendant des plaintes des jeunes européens à qui on avait promis des femmes en arrivant au Levant, mais que les Syriennes méprisent, d'où la réduction en esclavage sexuel de cette communauté

- les personnages les plus violents sont ceux qui vont monter dans les échelons de Daech ou Dawla, à l image d'un certain Barou qui fait froid dans le dos. A l inverse ceux qui sont désabusés, qui souhaitent partir, qui ne rentrent pas dans le rang, sont parfois assassinés par leur condisciples mais officiellement "martyrs"

- dans certaines prisons leur influence est telle que même les Corses demandent à changer de lieu de détention!
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La lucidité de ce livre est étonnante et grâce à des investigations au plus près des acteurs, la pertinence et la clarté de l'analyse amènent 2 questions :

Pourquoi la vision des décideurs en matière de terrorisme est encore aussi loin de la vérité ?

À quoi servent tous les services spécialisés depuis l'affaire Merah et même avant, s'ils n'ont pas été capables de faire les bonnes analyses, et commettre autant d'erreurs d'appréciation ?

On peut évidemment rétorquer que l'analyse est plus facile après que pendant, mais on a pu entendre beaucoup d'âneries (sur le rôles des femmes...), de visions simplificatrices (autour de la notion de radicalisation...). Par exemple c'est seulement aujourd'hui que Macron met la pression sur la scolarisation des familles qui basculent vers la radicalisation, alors que le problème est connu depuis 2012...
L'auteur a le sens de l'image, sait raconter une histoire, émaille son propos de citations tirées d'interviews, et le livre se lit très facilement. On en sort, non pas en ayant tout compris, mais en gardant à l'idée qu'il est nécessaire sur ce sujet de ne pas se contenter des explications des politiques relayées par les medias grand public.
On en retient aussi l'idée que le combat n'est pas terminé, et que l'on aura besoin de tous les points de vue, toutes les intelligences, pour éviter un maximum de nouveaux drames, et le livre montre bien la difficulté de l'exercice dans un dernière partie assez floue...
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Ce livre est un travail de thèse, donc il contient un concentré de documentation sérieuse qui permet de comprendre le cheminement et la détermination des acteurs des mouvements cités grâce à la construction en chapitres bien structurés.
C'est le constat de la montée en puissance des réseaux islamistes radicaux depuis plus de 20 ans en France, par l'évolution des différentes idéologies venues d'Egypte, du Maghreb, d'Afghanistan et du golfe persique ; par la description et l'analyse des différentes interprétations des organisations parfois opposées : al Nostra, al Qu'Aïda, les Frères musulmans, le salafisme, Daech, le califat, le Jihad ou la Hijra …
La mouvance de l'intégrisme religieux musulman en France s'est vraiment développée après le 11 septembre 2001, puis une deuxième étape fut décisive par le passage à l'acte (meurtre des mécréants), quand Mohamed Merah de sinistre mémoire, a tué 7 personnes dont 3 enfants juifs en 2012 à Toulouse et Montauban. C'est une étape qui aurait stimulé les départs pour le jihad au Levant en 2012, suivi de la 2ème vague à la proclamation du califat en 2014, jusqu'à la chute de l'Etat Islamique en 2019.
En France, les frères Clain à Toulouse (convertis), ont largement participé à l'endoctrinement et au prosélytisme ; à Artigat, le syrien Abdel Ilah Al-Dandachi, devenu Olivier Corel, français, surnommé l'émir blanc, a été le précepteur et doctrinaire de nombreux partants vers la Syrie, dont le groupe des toulousains. En Belgique, Molenbeek fut le berceau d'une communauté jihadiste nombreuse et puissante en lien avec les français.
Très lucide, il dénonce l'aveuglement des politiques en France après la tragédie Merah : « l'analyse des événements n'a pas dépassé celle d'un vulgaire fait divers » d'où les conséquences des attentats en 2015 et 2016.
Les retours du jihad ont empli les prisons. Celle-ci demeure le creuset où fermente la radicalisation et le prosélytisme. Quelles que soient les méthodes d'enfermement, les politiques échouent car les esprits sont totalement formatés à l'idéologie. Déradicaliser ! quelle utopie, à l'image de la dénazification !
Page 359, il fait état de la lâcheté des forces européennes qui n'ont pas riposté quand la Turquie a bombardé les Kurdes en 2019 dans la partie du nord-est Syrien après le départ des forces US.
Comment le dogmatisme aveugle et autoritaire d'une minorité violente et criminelle peut déconstruire une société « régulée » démocratique.
Un document à lire.

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Voilà un livre incroyablement dense et fort bien documenté. Construit autour de trois grands axes, comme le titre l'indique, le Jihadisme français fait le tour de la montée de l'islamisme radical depuis le 11 septembre.
Ce documentaire, étayé d'entretiens avec des jihadistes rencontrés en prison, décrypte le processus de radicalisation de Français qui ont suivi les traces de Mohamed Merah qui n'est pas, comme on l'avait cru, l'auteur d'un acte isolé.
Très intéressant également, le passage sur les prisons, qui ne sont pas des endroits "à-part" dans le sens isolés du monde et du temps des humains. Et la difficulté de traiter ces cas particuliers, entre trop bons traitements et isolement. C'est édifiant de découvrir comme ces endroits ont favorisé la propagation des idées extrémistes.

J'ai lu ce livre juste après avoir lu l'excellent V13 d'Emmanuel Carrère, qui relate le procès des attentats du vendredi 13 novembre 2015, et Il nous reste les mots, passionnante conversation entre la père d'une victime et celui d'un terroriste. C'est donc une espèce de conclusion (temporaire) sur la thématique pour moi.
Intelligent, documenté, remarquable, ce documentaire est à lire avec attention car il est critique sans être prétentieux.
La conclusion, une reprise de toutes les idées du livre, est une espèce de résumé ultra condensé des idées émises, pour bien faire le tour de la question.
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critiques presse (1)
LesEchos
20 janvier 2020
Dans un essai, le chercheur Hugo Micheron raconte l'essor du djihadisme en France. Les enseignements qui en ressortent vont à rebours de certaines pensées sociologiques bien établies.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Au terme de ce travail, nos observations sur le terrain nous convainquent tout d'abord que le Jihad global, comme tel, n'existe pas. Son mode opératoire le plus efficient reste celui des petits nombres. Et les contradictions internes s'amplifient à mesure que le mouvement se développe. Ce constat permet de comprendre comment l'Europe est sortie en 2017 d'une période marquée par la multiplication des attentats presque aussi soudainement qu'elle y était entrée en 2015.Mais la situation de calme relatif depuis lors tient davantage aux erreurs commises par les zélotes qu'à la réponse apportée par les pouvoirs publics. Ceux ci continuent d'évoluer dans une perception approximative d'un phénomène qui n'est pas abordé dans sa pleine dimension sociétale.
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En périphérie de la 4e ville de France, ils trouvent l anonymat et la liberté qui leur manquaient pour exprimer leur conservatisme. Ils font figure de pionniers à Bagatelle, Bellefontaine et La Reynerie par l'ostentation de leur croyance et y confèrent une visibilité inédite au salafisme. Les femmes notamment ne sortent que dissimulées sous un voile intégral (niqab). Certains voisins les désignent comme "le gang des Belphégors".
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La Haute Garonne et l'arrière pays ariegeois représentent le seul territoire en Europe qui accueille à la fois, à Artigat, le phalanstère le plus emblématique et fonctionnel, et, dans le quartier populaire toulousain du Mirail, l'enclave communautaire la plus structurée.
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C'est sympa de venir nous voir en prison, mais si j'étais vous, j'irais voir ce qui se passe dans les écoles. Nous (les jihadistes incarcérés), on va sortir de taule, et pour la plupart, on va y retourner pour les mêmes faits. [ ] On estla génération sacrifiée, mais celle de nos enfants, on est en train de l'éduquer pour que quand ils auront nos âges, le rapport de force face à l'Etat leur soit favorable, qu'ils soient tellement nombreux, que l'Etat ne puisse même plus les mettre en prison....
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Tout au long de ces années, les jihadistes ont bénéficié d'une asymétrie : ils connaissaient mieux le fonctionnement des sociétés "ennemies" dont ils étaient issus que celles ci ne comprenaient leurs actions.
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Videos de Hugo Micheron (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Hugo Micheron
Vendredi 22 mars 2024, Moscou a subi l'attentat le plus meurtrier qu'ait connu la capitale russe, créant une onde de choc dans l'Europe entière. L'évènement ravive la menace terroriste sur le continent et place sur le devant de la scène l'État Islamique au Khorassan. Est-ce le retour de Daech ?
Pour répondre à cette question, Guillaume Erner reçoit Hugo Micheron, politologue et spécialiste du djihadisme, et la journaliste Elsa Vidal, rédactrice en chef du service en langue russe de RFI.
Visuel de la vignette : policiers russes au Crocus City Hall où a eu lieu l'attentat / Sergei VEDYASHKIN - AFP
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