Quand Rubens avait terminé sa tâche journalière, on sait qu'il montait à cheval et s'en allait dans la campagne délasser son esprit, chercher de nouvelles inspirations. Ses élèves, profitant de son absence, tâchaient de voir les compositions qu'il était en train d'exécuter : ils séduisaient, à force d'instances, ou à l'aide d'une cotisation, le vieux domestique Valveken, gardien du sanctuaire. Un jour qu'ils se pressaient autour d'un morceau fraîchement peint, l'un d'eux, le jeune Diepenbeck, fut poussé par les autres sur la toile et en effaça une partie, le bras et le menton d'une Vierge. Un si grave accident consterne la folle troupe : on délibère, on avise aux moyens de réparer le mal. — « Van Dyck est le plus habile d'entre nous, dit Jean van Hoeck : il faut le charger de nous tirer d'affaire. » — Van Dyck employa de son mieux les deux ou trois heures de jour qui restaient, et le lendemain, lorsque Rubens examina son ouvrage, il y fut d'abord trompé : a Voilà, dit-il, un bras et un menton qui ne sont pas ce que j'ai fait hier de plus mal. » Il reconnut ensuite qu'une main étrangère avait touché à son tableau, mais l'anecdote le divertit et il pardonna de grand cœur aux espiègles.
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La mère de Van Dyck semble avoir été une femme de goût : elle s'était rendue presque célèbre par ses travaux à l'aiguille. On admirait beaucoup un tour de cheminée, où elle avait brodé avec de la soie multicolore l'histoire de Suzanne : les contours en étaient très nets et les teintes finement graduées. Des rameaux entrelacés avec art formaient la bordure. On dit qu'elle y travailla d'une manière assidue pendant qu'elle était grosse du peintre.
Van Dyck est le peintre le plus mystérieux peut-être, non seulement de l'école flamande, mais de toutes les écoles. Sa vie est pleine d'ombres jalouses, impénétrables, que le regard se fatigue à vouloir sonder. Bien différent de Pierre-Paul, qui écrivait beaucoup, il semble qu'il ait eu horreur de la plume : on ne connaît de lui que deux ou trois lettres insignifiantes.