Ce tome comprend une histoire complète qui s'apprécie mieux en étant familier de l'univers partagé d'Hellboy. Il contient les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016/2017, coécrits par
Mike Mignola &
Chris Roberson, dessinés et encrés par
Christopher Mitten, avec une mise en couleurs réalisée par Dave Stewart.
La première page montre des manifestations de la créature appelée Black Flame en juin 2014, mars 2006, octobre 1944, février 1932. La deuxième page fixe le récit en mai 1923, d'abord dans un temple souterrain à moitié détruit, dans lequel un prêtre d'un culte non identifié préside au sacrifice humain d'une jeune fille blanche. Puis dans une belle demeure de Rangoon (dans l'actuelle Birmanie), le sergent Geoffrey McAllister et l'agent A.N. Sandhu recueillent les témoignages des époux Aylesworth, sur la disparition de leur fille Emily, quelques jours auparavant. de retour à l'extérieur, ils sont appelés pour un autre enlèvement en pleine voie publique : Constance Willoughbys, une autre jeune fille anglaise. À chaque fois, des individus avec un capuchon noir sur la tête ont été aperçus. La police se demande s'il ne s'agirait pas d'une résurgence des Thugs. le commissaire décide d'envoyer McAllister & Shandhu à Bangkok.
Sur place, McAllister évoque avec Sandhu, la fois où il avait assisté à la manifestation d'une créature surnaturelle à Londres, et à l'intervention de Sir Edward Grey pour la stopper. En prenant leur chambre à l'hôtel, une femme anglaise installée au salon se moque de leur allure de policier. Il s'agit de Sarah
Jewell qui fut un temps l'assistante d'Edward Grey. Elle est accompagnée par Marie-Thérèse Lafleur. Une fois que McAllister a expliqué la nature de leur mission, elle leur propose de leur trouver un guide et de les accompagner dans le Royaume de Siam, à la recherche d'un temple dont elle sait qu'il abrite des pratiques occultes.
Le lecteur de la série BPRD de
Mike Mignola ne s'attendait pas forcément à voir arriver une histoire consacrée à l'histoire de Black Flame, un ennemi récurrent d'Hellboy et du BPRD. Il constate que Mignola a travaillé avec
Chris Roberson qui a progressivement remplacé
John Arcudi dans la deuxième moitié des années 2010. Roberson s'acquitte correctement de sa tâche, avec des dialogues assez naturels, mais ne portant que peu la personnalité des protagonistes. Mignola a concocté une aventure dans la jungle du Royaume de Siam, actuelle Thaïlande. Dans les pages bonus en fin de volume, le lecteur découvre les pages d'essai de
Christopher Mitten, essentiellement des constructions pour prouver qu'il était en mesure de réaliser une évocation convaincante de ce pays, à cette époque. Il s'agit de sa première incursion dans l'univers partagé d'Hellboy. Il a souvent travaillé avec
Steve Niles, en particulier sur la série
Criminal Macabre.
À l'évidence, les responsables éditoriaux ont exprimé plusieurs exigences quant à son travail. La première réside donc dans la consistance et la véracité des décors, pour que le lecteur puisse éprouver l'impression de se trouver dans la jungle du Royaume de Siam. L'artiste s'investit effectivement plus que dans la série
Criminal Macabre pour les descriptions visuelles. le lecteur peut observer la décoration intérieure du salon des Aylesworth, quelques bâtiments coloniaux à Rangoon, puis à Bangkok, le salon de l'hôtel dans lequel les personnages prennent un verre, l'intérieur d'un temple en ruine, puis l'entrée d'un second à moitié recouvert par la végétation. Il s'affranchit de temps à autre de représenter les arrière-plans, comme à son habitude, essentiellement pendant les séquences d'affrontement physique. Néanmoins, il fait plus que simplement reproduire des clichés visuels, et le lecteur peut effectivement se projeter à cette époque, dans cet endroit clairement identifié.
À partir de l'épisode 3, la moitié de chaque épisode se déroule dans la jungle où progresse le petit groupe. le lecteur commence par prendre du plaisir en observant leur bateau progresser sur le Mékong au soleil couchant, avec un beau jeu de lumière réalisé par Dave Stewart. Puis le groupe progresse à pied. D'un côté, le lecteur reconnaît la forme générale des arbres, ainsi que la luxuriance de la végétation. Par contre, il vaut mieux qu'il ne s'interroge pas trop sur la vraisemblance du sentier suivi par l'expédition, et encore moins sur les affaires qu'ils ont emmenées. Par exemple, il n'y a aucun détail sur la nourriture ou sur l'approvisionnement en eau. Les tenues vestimentaires sont assez vagues pour être crédibles au regard de l'époque. Chaque personnage est aisément identifiable par ses caractéristiques physiques, mais les expressions des visages manquent de nuance, et s'avèrent un peu répétitives. Mitten a diminué son niveau de second degré pour la représentation des combats par rapport aux aventures de Cal McDonald, de manière à être mieux en phase avec la tonalité de la narration. du coup, ses pages en deviennent plus horrifiques.
Le mode de dessin de Mitten est assez déconcertant, car il mêle des traits de contours fins et en apparence pas très assurés, avec des aplats noirs irréguliers et parfois mouchetés de couleurs. du coup, en surface ses dessins donnent une impression d'esquisse pas complètement peaufinée pour être un dessin achevé, mais aussi de spontanéité et rugosité, cette dernière étant cohérente avec un environnement souvent inquiétant et parfois agressif vis-à-vis des personnages. Régulièrement le lecteur prend le temps d'apprécier un élément dans une case : les murs d'un ancien temple déformés par la végétation envahissante, une vision de la déesse Kali, un pousse-pousse, les monstres combattus par Sarah
Jewell au cours de sa vie, les serpents apparaissant dans le feuillage d'un arbre, un temple du Royaume de Fou-nan distingué dans les brumes au loin, une vision onirique perçue par Farang sous l'emprise de l'opium, etc. Au final, la narration visuelle de
Christopher Mitten est efficace, établissant une reconstitution convaincante, manquant parfois un peu d'éléments descriptifs.
Cette histoire arrivant après l'ultime défaite de la dernière incarnation de Black Flame, la curiosité du lecteur n'est pas forcément à un niveau très élevée. Il se laisse emporter par le parfum vaguement colonialiste, par la dimension touristique de la localisation. Il prend conscience que les auteurs introduisent plusieurs nouveaux personnages.
Mike Mignola leur consacre un minimum de 2 pages pour évoquer leur histoire personnelle. le lecteur se rend compte que le sergent Geoffrey McAllister n'a pas commencé sa carrière à Bangkok, et qu'il conserve des souvenirs de Sir Edward Grey, surnommé Witchfinder. Il découvre que Sarah
Jewell a également enquêté sur des manifestations surnaturelles aux côtés d'Edward Grey. Il y a là un lien avec l'univers partagé d'Hellboy et du BPRD. La première page est également l'occasion pour le lecteur de se souvenir des précédentes apparitions de Black Flame, chacune occupant une unique case, donc elles ne parleront pas à un lecteur de passage. Il en ira de même pour la révélation du vrai nom de Farang, le guide européen du petit groupe, dans la jungle, ou du nom de Kamala dans le dernier épisode.
L'intrigue repose donc sur une enquête concernant la disparition de plusieurs jeunes filles, anglaises, comme autochtones. le lecteur sait déjà en commençant la lecture que l'objectif du récit est de montrer comment est apparu pour la première fois Black Flame. Il n'y a donc de suspense que concernant les modalités de cette apparition. Les nouveaux personnages ne suscitent qu'une faible empathie car leur personnalité n'influe pas beaucoup sur le déroulement du récit, et le lecteur n'a aucun moyen de savoir s'il sera amené à les revoir dans une aventure ultérieure. Il l'espère pour Sarah
Jewell car elle a l'air d'avoir mené une vie intéressante, mouvementée et indépendante. À la fin du tome, le lecteur se demande encore pour quelle raison le groupe s'est arrêté dans le premier temple, en sachant que ce n'était pas celui qu'il cherchait. Il a apprécié les références historiques à l'époque.
Ce récit des origines de Black Flame constitue une lecture agréable et divertissante, permettant de découvrir un nouveau pan de l'univers partagé d'Hellboy & du BRPD. L'histoire prise pour elle-même s'avère très linéaire et assez légère, valant surtout pour l'évocation d'une région exotique, mais sans aucune ambition d'historien. L'intrigue ne recèle pas beaucoup de surprises, sauf pour les pages consacrées à l'histoire principale de Sarah
Jewell, et de Farang. 3 étoiles pour le plaisir de replonger dans la mythologie d'Hellboy.