Me suis-je trompé de maison ou de rue
Ou peut-être d'escalier ? Pourtant c'est bien ici
Qu'autrefois je venais chaque jour.
Je regardai par le trou de serrure
La cuisine - semblable et dissemblable.
Et je portais, serré sur un rouleau,
Un ruban de plastic, étroit comme un lacet ;
C'étaient tous mes écrits de ces longues années.
Je sonnai, incertain si j'entendrais ce nom.
Elle se tint devant moi, dans sa robe safran,
Inchangée, me saluant d'un sourire, sans une larme du temps.
Au matin, les mésanges bleues chantaient dans le cèdre.
Ce qui fut grand paraît petit.
Les royaumes se fanent comme bronze enneigé.
Ce qui nous atteignit cesse de nous atteindre.
Les terres célestes tournent et resplendissent.
Étendu dans l'herbe sur la berge d'un fleuve,
Comme il y a bien longtemps, je lance mes navires d'écorce.
Extrait du film documentaire L'âge de Czeslaw Milosz tourné à l'occasion du centenaire de la naissance de l'auteur.