Prisonniers des Barbaresques… La traite d'esclaves européens, particulièrement prospère entre le XIVème et le XVIIIème siècle, nous évoque pêle-mêle les raids dans les villes côtières d'Espagne jusqu'en Irlande, les prises de navires marchands en Méditerranée, les razzias, les marchés aux esclaves,
Cervantes vendu à Alger,
Vincent de Paul à Tunis, Angélique au Sultan, et la cousine de Joséphine de Beauharnais à un harem de Topkapi…
Pour évoquer le sort des Européens en terre d'Islam, le journaliste anglais Milton centre son récit sur les mésaventures de Thomas Pellow, mousse originaire des Cornouailles qui fut capturé sur un navire, et qui fut esclave durant 23 années (1715-1738) avant de parvenir à s'évader. Son ouvrage The History of the Long Captivity and Adventures of Thomas Pellow in South-Barbary constitue un précieux témoignage du sort des esclaves européens et surtout des actes de Moulay Ismaïl, sultan du Maroc pendant 55 ans. Son règne ancré dans une période d'apogée de la puissance marocaine fut marqué par des succès militaires, et un nombre important de prisonniers chrétiens via le contrôle des corsaires basés à Salé. Captifs en Barbarie est donc l'histoire de ces deux hommes: un Cornique intelligent affecté à la construction de remparts et de palais, qui passa ensuite au service du sultan, fut contraint d'épouser une femme du pays, se convertit sous la torture, dut combattre dans les troupes de Moulay Ismaël, et un souverain colérique qui tuait quotidiennement sujets et esclaves.
A travers le remarquable récit de captivité de Pellow chez les Barbaresques, Milton laisse aussi entrevoir l'effroi que suscitaient les raids barbaresques dans les populations européennes, et l'émoi causé par le sort réservé aux captifs, alors que la traite des noirs par les mêmes Européens n'éveillait pas la même compassion. Il évoque également les nombreuses démarches diplomatiques pour leur libération ainsi que les actions des institutions religieuses qui vont se spécialiser pour racheter les hommes, femmes et enfants retenus prisonniers. Plus étonnant, parmi ce million d'esclaves en Afrique du Nord, certains d'entre eux se convertissent, et se mettent à écumer la mer, comme le Hollandais Jan Janszoon, connu aussi sous le nom de Murad Reis qui deviendra le grand amiral de la république de Salé .
Captifs en Barbarie est un ouvrage accessible, qui se lit comme un roman d'aventure, et donne à voir un autre aspect de la traite des êtres humains. le titre m'a induite en erreur car je m'attendais à un ouvrage sur la traite en terre d'Islam alors qu'il évoque essentiellement le sort des esclaves du sultan marocain Moulay Ismaîl. Mais le destin mouvementé du courageux Thomas Pellow m'a rapidement conquise.