J'aime beaucoup l'univers de
Christina Mirjol. J'aime la délicatesse de sa plume, son élégance et cette grande pudeur.
J'aime surtout sa poésie que ce soit dans «
Les cris » dont une version augmentée va bientôt être éditée, et dans «
Un homme ».
L'auteure a aussi une grande capacité à extraire des instantanés d'un court moment de vie. Où elle s'attarde ensuite à décrire avec une énorme sensibilité, un détail, un fait de vie, un mot entendu pendant son enfance, qui parait souvent insignifiant mais qui marquera une vie.
Et puis ce qui caractérise l'écriture du recueil, ce sont ses phrases courtes et souvent répétitives. Les mots sont martelés tout le long des récits, comme pour mieux nous imprégner de l'ambiance de l'histoire et comme pour mieux nous faire imaginer les scènes décrites.
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«
Les petits gouffres » est un recueil de neuf histoires racontant chacune un souvenir que les personnages aujourd'hui adultes croyaient avoir enfoui, et qui resurgit quelques décennies plus tard, à l'occasion d'un événement fortuit.
«
Les petits gouffres » ce sont des griffures que nous avons parfois portées, chacune et chacun dans nos coeurs, en pensant qu'elles se seraient cicatrisées avec le temps.
Comme cette vieille dame qui se souvient de l'anniversaire de ses dix ans. Qui aurait dû rester un de ses plus beaux souvenirs. Dix ans vous pensez bien ! Mais les choses ne se sont pas passées comme elle l'avait souhaité.
La dame se remémorait aussi les mots qu'on lui disait étant adolescence, des mots blessants pour une jeune fille de dix ans.
Par cette première histoire, l'auteure a fait resurgir mes souvenirs de garçon élevé dans une fratrie de filles. J'entends encore ces mêmes mots que mes parents et mes grands-parents disaient et rabâchaient inconsciemment à mes trois soeurs, qui était presque du même âge que la jeune fille qui fêtait son anniversaire.
Je me suis cru revenir dans les années 1967 !
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Avec « la petite dent cassée de Bertrand » ou « Trois pommes sur une assiette, et une clé »,
Christina Mirjol avec adresse, saupoudre de bonne humeur et d'une certaine légèreté ses nouvelles. Elle adoucit et dédramatise ainsi des situations qui ne prêtent parfois pas à sourire.
J'ai beaucoup apprécié la touche d'humour et de tendresse que l'auteure a choisi de mettre dans ses nouvelles « le frigo » et dans « le premier prix de poésie ».
« le frigo » est écrit avec beaucoup d'attendrissement.
Nous sommes en 1959 et les premiers appareils frigorifiques arrivent en France. La marque « Frigidaire » va révolutionner la vie des familles françaises et deviendra indispensable pour le confort des foyers.
Dans une classe, Mme Escoffino interroge ses élèves. Et il y a cette jeune fille, qui d'habitude « sèche » à toutes les questions, qui cette-fois-ci, sait…
J'ai beaucoup aimé « le premier prix de poésie ».
Ce sont les souvenirs d'un barman qui a tout vu, oui ! Et tout entendu.
Un homme est entré dans son bar. Il a commandé une limonade et a demandé où étaient les toilettes. Oui cela s'est passé comme ça !
Comme l'homme tardait à revenir le barman s'est inquiété.
L'homme s'appelait Pierre et il avait des problèmes depuis son plus jeune âge. Mais dans ce bar il y eu comme un miracle. le barman l'assure. Il a même dit qu'il ignorait que la poésie pouvait avoir des vertus thérapeutiques.
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La dernière histoire « La plume », nous donne matière à une plus profonde réflexion.
Le souvenir de déroule en 1954. Une jeune fille regarde tous les jours passer un drôle de « paroissien » celui que tout le monde nomme « Bicot » et se moque de lui.
-Dis papa, c'est une insulte "Bicot" ?
-Non ce n'est pas méchant cela veut dire bique, cabri, chevreau.
-Certains disent « crouille », est-ce un gros mot ?
-Oui c'est une grosse insulte !
A cette époque, les « Dupont Lajoie » avaient tout un vocabulaire usuel, grossier et insultant pour désigner l'immigré arabe, ou italien ou polonais. Et peu de monde s'en offusquait.
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«
Les petits gouffres », c'est une multitude de personnages ordinaires qui revivent leurs souvenirs, parfois au gout amer, parfois avec plein de nostalgie. Des personnages qui sous la belle plume de
Christina Mirjol, se métamorphosent en des êtres extraordinaires vibrants de vie et de sensibilité.