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EAN : 9782070323623
246 pages
Gallimard (01/01/1986)
3.98/5   110 notes
Résumé :
Ces trois recueils composés entre 1936 et 1946, petits contes ou songes philosophiques dans la grande tradition de « zadig », des « Lettres persanes » ou des « Voyages de Gulliver », quoique recouvrant une des périodes les plus tragiques de notre Histoire, offrent une liberté de ton et une vivacité paradoxales : plus que jamais Michaux semble s'être retranché dans un ailleurs souterrain et, s'il évoque sans relâche folie, sauvagerie et cruauté, c'est avec une sobrié... >Voir plus
Que lire après Ailleurs : Voyage en Grande Garabagne - Au pays de la Magie - Ici, PoddemaVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Emerveillé par la poésie foisonnante d'Henri Michaux après la lecture d'un recueil rassemblant "Qui je fus", "Les rêves et la Jambe" et "Fables des Origines", je prolonge ma découverte par un autre triptyque intitulé "Ailleurs" incluant "Voyage en Grande Garabagne", "Au pays de la Magie" et "Ici, Poddema". le poète nous embarque dans des territoires imaginaires non pas pour nous offrir quelques instants d'évasion mais plutôt pour prendre un peu de recul sur les réalités de notre propre monde. Grâce à ce principe souvent utilisé en littérature, Henri Michaux dévoile les absurdités de la soi-disant normalité. La violence, la brutalité et les rivalités destructrices, causées par les incompréhensions et les appréhensions entre peuples ou entre communautés, dominent dans ce recueil. La prose d'Henri Michaux témoigne ainsi de son époque, des montées fascistes des années 1930 aux difficultés de l'après-guerre en passant par le terrible et nauséeux second conflit mondial. Ce qui intéresse Michaux dans ces pays imaginaires ne réside pas dans le paysage ni l'environnement mais dans les êtres : leurs pratiques sociales, leurs moeurs et leurs coutumes. Nous assistons à des scènes incongrues, loufoques et improbables parce que Michaux s'amuse à les exagérer en utilisant le gros pinceau. Pourtant, en affûtant notre regard, nous percevons, derrière cette apparence cocasse, le ridicule de nos pratiques sociales et la déplorable bêtise de nos trop envahissants dogmatismes.
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Pays sauvages, pays aux passions complexes, aux lois iniques, pays aux nuits interminables en bord de mer et où les femmes accouchent aux bercements des vagues, pays où frères et voisins s'entretuent dans un bain de boue, sous les ovations de la foule, pays de langueurs, de fierté ou de magie, où l'on déplie les enfants, où l'on retient l'eau de couler, et où l'on entoure de brouillard - sept différents - ce qu'il y a de plus important.
Le pays de la Magie, celui des Ourgouilles, des Emanglons ou encore des Orbus. Voici ceux qu'Henri Michaux, grand voyageur, a rencontrés, imaginés, fantasmés, cauchemardés avant d'en faire ce recueil de poèmes en prose.
Lire ce livre, c'est comme pénétrer dans un monde parallèle, fantastique, régi par des lois incompréhensibles ou inacceptables. Mais finalement, à y regarder de plus près, les descriptions de ces pays pourraient bien ressembler à celles qu'un voyageur ferait d'un lieu totalement inconnu, présent ou passé.
La poésie de Michaux est infiniment riche, belle, émouvante et complexe. Si complexe que j'ai le sentiment de n'en avoir découvert, dans ce livre, qu'une infime partie. A acheter donc, et à relire encore et encore. Je ne connaissais encore rien de cet auteur et c'est une très belle découverte.
Lien : http://pourunmot.blogspot.fr..
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Plagiant les écrits de voyage, y compris les siens, Henri Michaux promène son lecteur dans des pays imaginaires où il faudrait se garder de voir des métaphores et des allégories trop appuyées du monde réel : Michaux est trop fin, trop humoriste et trop subtil pour ce genre de bêtise engagée. Ce qui est juste en revanche, c'est l'étrangeté profonde de ces mondes absurdes, non moins absurdes que le nôtre, non moins sérieusement absurdes, mais souvent plus jolis, plus fantaisistes, plus cruellement et drôlement poétiques. S'il fallait absolument des analogies, Michaux serait plus proche de Swift que de Voltaire, et il est, en ce triste XX°s tellement dogmatique, le seul poète de langue française vraiment comique.
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Pour voyager Ailleurs (c.-à-d. plus haut), Henri Michaux empreinte des routes stupéfiantes, des chemins hallucinants, mais toujours, il en revient. Et c'est bien le principe du voyage que d'en revenir, sinon c'est ... autre chose, le quotidien, peut-être ... Michaux s'intéresse plus aux habitants qu'aux paysages, moi je dis, dommage car j'aime les paysages et je dis tant pis, parce que ces Mages (habitants du pays de la Magie) ou ces Poddemaïs (de Poddema), tous ces Hacs et ces Emanglons nous ressemblent un peu trop, ils ont souvent nos travers, nos tares et nos folies. Pourtant les pays que Michaux visite ne sont pas sur nos atlas, ni sur nos planisphères (j'ai vérifié !); attention, je ne dis pas qu'ils n'existent pas, puisqu'Henri y est allé, mais je les trouve plus fantaisistes que poétiques, car c'est l'altérité qui les sous-tends. Heureusement on sent bien une bonne dose d'humour dans ces descriptions, ainsi que dans les détails qui font ces étranges récits. Alors, si ça vous tente ; Bon voyage et ... à bientôt.
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J'ai découvert ce livre il y a de cela quelques années. Ce récit de voyage est vraiment tout à la fois dépaysant et étrange.

On suit ici le journal d'un voyage dans un pays fictif où Michaux énumère de manière parfois absurde plusieurs aspects de ce pays fictif. La description des cultures, parfois absurde, peut être vue par moments comme une critique de la vision un peu colonialiste de certains occidentaux.


On a également quelques reprises de bestiaires, notamment dans la description de la ranée, une bête de somme bien particulière. Ces descriptions culturelles reprennent les codes de récits de voyages plus ou moins fictifs comme les "États et empires de la Lune" de Cyrano de Bergerac ou certains récits de voyages de Marco Polo.

Si l'on lit entre les lignes, nous pouvons trouver dans ce livre une forme de critique sociale à peine voilée, la soi-disant différence culturelle entre nos pays créant une sorte de miroir déformant de notre monde. La présentation du livre se fait sous forme de poésie en prose (du moins c'est comme ça que le livre est présenté), ce qui induit que le texte est particulièrement compartimenté, ce qui facilite grandement la lecture et permet des séances de lecture rapides si l'on est en voyage, ou dans un transport en commun.
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Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
CHEZ LES HACS

Comme j’entrais dans ce village, je fus conduit par un bruit étrange vers une place pleine de monde au milieu de laquelle, sur une estrade, deux hommes presque nus, chaussés de lourds sabots de bois, solidement fixés, se battaient à mort.
Quoique loin d’assister pour la première fois à un spectacle sauvage, un malaise me prenait à entendre certains coups de sabots au corps, si sourds, souterrains.
Le public ne parlait pas, ne criait pas, mais uhuhait. Râles de passions complexes, ces plaintes inhumaines s’élevaient comme d’immenses tentures autour de ce combat bien « vache », où un homme allait mourir sans aucune grandeur.
Et ce qui arrive toujours arriva : un sabot dur et bête frappant une tête. Les nobles traits, comme sont même les plus ignobles, les traits de cette face étaient piétinés comme betterave sans importance. La langue à paroles tombe, tandis que le cerveau à l’intérieur ne mijote plus une pensée, et le cœur, faible marteau, à son tour reçoit des coups, mais quels coups !
Allons, il est bien mort à présent ! A l’autre donc la bourse et le contentement.
« Alors, me demanda mon voisin, que pensez-vous de cela ?
— Et vous ? dis-je, car il faut être prudent en ces pays.
— Eh bien ! reprit-il, c’est un spectacle, un spectacle parmi d’autres. Dans la tradition, il porte le numéro 24. »
Et sur ces paroles, il me salua cordialement.

p.11-12
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LES ORBUS

Plus visqueux et spectaculaires que les Émanglons.
Lents de nature et par calcul, d’une lenteur cérémonieuse et à la vaseline, au pas sûr, médité, retenu, conscient, se retournant malaisément comme s’ils étaient la proue d’un navire qu’ils traîneraient derrière eux, milieu et poupe ; s’il faut absolument se retourner, pivotant prudemment, ou plus volontiers parcourant un spacieux arc de cercle ; aux idées longues à mûrir, et la nuit de préférence (leur faire prendre soudain une décision, c’est les obliger à trancher dans la chair vive. Ils ne vous le pardonneront jamais) ; petits mangeurs, mais grands mâcheurs, interminables à des repas de rien, végétariens, sauf à prendre avec leur manioc, leurs patates et leur pâte de banane, une langue ou une cuillerée de cervelle.
Jeunes avec ces grands yeux de rêve, trop humains, comme en possèdent les bébés orangs-outangs prisonniers dans une cage.
Adultes, l’œil-globe imbécile, ou, chez les plus méditatifs, des yeux de vase.
Un regard feutré, sans cohésion, qu’on ne peut prendre, qui se défend par ubiquité, dont une branche, pourrait-on dire, va à votre front, dont une autre reste en lui, dont une troisième rampe vers votre passé, une quatrième est commune à vous et à lui, tandis qu’une cinquième, en îlot, reste en lui, à se demander ce que tout cela signifie.
S’ils viennent à faire votre connaissance, prenant et soupesant votre main, la jaugeant, l’interrogeant, la palpant interminablement, l’engluant dans on ne sait quoi dont on ne rêve plus que de se sauver au plus tôt, quoiqu’ils soient peut-être en ce moment distraits et occupés à ressasser en eux-mêmes quelque vieux propos qui leur a été tenu il y a quinze jours.…

p.57-58
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LES HIVINIZIKIS


Les Hivinizikis sont toujours dehors. Ils ne
peuvent rester à la maison. Si vous voyez
quelqu'un à l'intérieur, il n'est pas chez lui.
Nul doute, il est chez un ami. Toutes les portes
sont ouvertes, tout le monde est ailleurs.

L'Hiviniziki vit dans la rue. L'Hiviniziki vit
à cheval. Il en crèvera trois en une journée.
Toujours monté, toujours galopant, voilà I'Hivi-
niziki.

Ce cavalier, lancé à toute allure, tout à coup
s'arrête net. La beauté d'une jeune fille qui
passe vient de le frapper. Aussitôt il lui jure
un amour éternel, sollicite les parents, qui n'y
font nulle attention, prend la rue entière à
témoin de son amour, parle immédiatement de
se trancher la gorge si elle ne lui est accordée
et bâtonne son domestique pour donner plus
de poids à son affirmation. Cependant passe
sa femme dans la rue, et le souvenir en lui qu'il
est déjà marié. Le voilà qui, déçu, mais non
rafraîchi, se détourne, reprend sa course ventre
à terre, file chez un ami, dont il trouve seule-
ment la femme. «Oh ! la vie ! » dit-il, il éclate en
sanglots ; elle le connaît à peine, néanmoins
elle le console, ils se consolent, il l'embrasse.
« Oh, ne refuse pas, supplie-t-il, j'en suis autant
dire à mon dernier soupir. » Il la jette le
lit comme seau dans le puits, et lui, tout à sa
soif d'amour oubli ! oubli ! mais tout à coup il se
regalvanise, ne fait qu'un bond jusqu'à la porte,
son habit encore déboutonné, ou c'est elle qui
s'écrie en pleurs : « Tu n'as pas dit que tu
aimais mes yeux, tu ne m'as rien dit ! » Le vide
qui suit l'amour les projette dans son éloigne-
ment ; elle fait atteler les chevaux, et apprêter
la voiture. « Oh ! Qu'ai-je fait ! Qu'ai-je fait !
Mes yeux qui étaient si beaux autrefois, si
beaux, il ne m'en a même pas dit un mot ! Il faut
que j'aille vite voir à la ferme si le loup n'a pas
mangé un mouton ; j'ai comme un pres-
sentiment. »

Et dare-dare sa voiture l'emporte, mais non
vers ses moutons, car ils ont tous été joués
et perdus par son mari ce matin, la maison de
campagne, les champs, et tout, sauf le loup qui
n'a pas été joué aux dés. Elle-même a été jouée...
et perdue, et la voilà qui arrive brisée chez son
nouveau maître.»

p.113-114
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EN LANGEDINE
A KIVNI

Ce fut Ajvinia qui m’introduisit à la Cour et m’enseigna les usages.
Hélas, quel mauvais élève elle eut en moi !
Par une faveur exceptionnelle, je fus invité chez Ajvinia, au grand dîner qu’elle donne à la fin de l’hiver, à trente ou trente-cinq personnes. C’était la première fois que j’étais invité par une dame de la Cour, ayant le premier rang après les princesses.
Comme tout y était différent des réceptions du palais, et d’une intimité imitée à merveille, à laquelle, malgré ma méfiance, je me laissais prendre ! Ce n’était partout que chuchotements, grands secrets enfin dévoilés, aveux tout nus, gens qui se donnent tout entiers !
Dans cette atmosphère pour moi nouvelle et presque étrange, le visage de Cliveline, reposé et parfait, lumineux comme une perle, régnait seul pour moi.
Le repas ne fut pas long. Ils se levèrent de table à l’improviste et pas tous en même temps ; on se dispersa et je n’osai même pas la saluer.
J’ignorais quelle était la règle pour saluer une jeune fille de rang inconnu, dont la mère est déjà sortie de table.
Comment, comment allais-je jamais retrouver Cliveline ?
L’époque venait où les soudards devaient revenir de l’expédition victorieuse contre les Clavas et aucune jeune fille ne sortirait plus. L’époque vint. Je ne la rencontrerais donc plus !
J’allai rendre visite à Ajvinia. « Jeune étranger, me dit-elle, il faut mieux appliquer nos règles », et j’appris que j’avais gravement manqué à Cliveline.
« Elle vous pardonnera peut-être, comme vous êtes étranger, mais la règle est que quand un chevalier voit une jeune fille de son rang pour la première fois, il lui offre deux noix ; elle remercie, les tient quelque temps dans sa main et les laisse sur la table en sortant. Mais elle les regarde avec attention si elle veut marquer au jeune homme de l’intérêt. Exceptionnellement, elle peut garder une noix. La signification n’en est pas absolument précise : c’est un mouvement du cœur. Je puis bien vous le dire en confidence, Cliveline m’avoua : « Si ce jeune étranger m’avait fait le cadeau d’usage, je crois bien que j’aurais gardé une noix. »…

p.63-64
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VOYAGE EN GRANDE GARABAGNE

CHEZ LES HACS


C’est dans la nuit, par un léger clair de lune, que le combat est réputé le plus intéressant. La pâle lumière de la lune lui donne une prodigieuse allure, et l’expression et la fureur des combattants devient tout autre ; l’obscurité les décuple, surtout si ce sont des femmes qui combattent, la contrainte et le respect humain disparaissant pour elles avec la lumière.
Alors que dans la journée, la fureur elle-même ruse et se dissimule, jamais démoniaque, la nuit au contraire, elle congestionne ou blêmit le visage aussitôt, s’y colle en une expression infernale. Il est dommage qu’on ne puisse saisir cette expression que dans une demi-obscurité. Néanmoins, ce moment d’envahissement du visage est un spectacle inoubliable. Si furieux que soit le combat, il ne fait que développer cette première expression. (La nuit aussi est bonne pour cette raison qu’on y est plus recueilli, livré à sa seule passion.) Ces grimaces hideuses vous mordent, expressions qui peuvent ne pas apparaître en toute une vie, et qui apparaissent ici à coup sûr, attirées par la nuit et les circonstances ignobles. Les spectateurs de la haute société Hac ne manquent jamais de vous expliquer que ce n’est pas le combat qui les attire, mais les révélations qui sortent du visage. Il faut, bien entendu, que ce soit des proches parents qui luttent, ou au moins des ennemis invétérés.

p.14-15
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Vidéo de Henri Michaux
Sacha Guitry, Victor Hugo, Henri Michaux, Raymond Devos... Tous ces noms furent les auteurs de textes illustres, qu'André Dussollier convoque et ressuscite sur la scène des Bouffes parisiens depuis le 18 janvier. Rencontre avec cet acteur à trois césars et récompensé du Molière du comédien.
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