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sur 349 notes
Les quatre textes réunis par Folio dans ce petit ouvrage sont eux-mêmes extraits du recueil "La Mort en Eté", également paru chez Gallimard. Mishima insista pour qu'elles fussent traduites directement du texte anglais. Celui-ci avait été obtenu, à parit de l'original japonais, par Donald Keene (pour "Dojoji" et "Les Sept Ponts") et Geoffrey W. Sargent pour les deux dernières nouvelles.

Reprise moderne de l'un des classiques du théâtre nô, "Dojoji", courte pièce en un acte, conserve son titre originel, lequel fait allusion au temple où se déroule l'histoire primitive. Mishima a également conservé le thème central, à savoir les méfaits de la jalousie. En revanche, personnages et contexte ont complètement changé.

A la différence de l'héroïne maléfique de la légende qui, par jalousie, tue le moine dont elle est amoureuse, la Kiyoko de Mishima est une victime. Son amant l'a tout d'abord quittée pour suivre une autre femme avant de s'enfuir définitivement dans la Mort. Assommée, gravement dépressive - mais qui ne le serait pas ? - Kiyoko est persuadée qu'il ne lui reste plus qu'à se défigurer dans les lieux mêmes où mourut l'homme aimé. Aux thèmes majeurs de la jalousie et de la souffrance, Mishima ajoute celui, tout aussi important, de la valeur réelle que l'on doit accorder à la beauté : après le décès brutal de son amant, Kiyoko, qui est très belle, se demande à quoi lui sert toute cette beauté et souhaite même la détruire tant elle lui apparaît vaine ...

"Les Sept Ponts" se déroule dans le milieu des geishas. Trois hôtesses de la Maison des Lauriers et Masako, la fille de leur patronne, décident d'accomplir un curieux pèlerinage. Afin que leur voeu secret se réalise, il leur faut, de nuit, franchir sept ponts parmi les plus importants de la ville en s'arrêtant pour prier à chacun d'eux. Condition primordiale pour garantir le succès de l'opération : pendant toute la durée de l'opération, elles ne doivent, sous aucun prétexte, adresser la parole à personne.

Les quatre femmes s'en vont donc, suivies de Mina, une servante nouvelle venue aux Lauriers et réputée comme particulièrement fruste et obtuse mais que la mère de Masako a chargée de veiller sur l'équipée de sa fille. Une à une et pour des raisons diverses, les pèlerines se voient contraintes à l'abandon. Seule Mina parvient à tenir bon, au grand dam de Masako, qui ne l'aime guère. La nouvelle se termine le lendemain, sur la jeune fille taquinant Mina afin qu'elle lui révèle son voeu. Cette promenade nocturne paraît avoir établi entre elles une relation nouvelle et moins tendue.

"Patriotisme", qui raconte par le menu le double suicide du lieutenant Takeyama et de sa femme, tous deux jeunes mariés, n'est pas à conseiller aux âmes sensibles ou suicidaires. Non que le talent de Mishima lui fasse défaut, bien au contraire. Mais l'écrivain y détaille avec un tel soin la scène du seppuku de Takeyama qu'il en finit par hypnotiser son lecteur, qu'il ait le coeur au bord des lèvres ou pas. L'effet en gênera plus d'un, c'est sûr.

D'un seul coup, on prend conscience de l'intensité de la fascination avec laquelle l'auteur japonais envisageait cet atroce rituel de mort. La description de la douleur pratiquement intolérable qui saisit l'officiant quand il s'éventre prouve en outre que Mishima avait non seulement anticipé ce moment dans son propre sacrifice mais qu'il ne doutait pas d'en tirer une jouissance qu'il ne tenait certes pas pour morbide. (La photo de l'expression faciale de Mishima à ses derniers moments montre d'ailleurs que tel fut le bien le cas.) Et l'on se rappelle alors combien il aimait à expliquer que son premier plaisir sexuel, il le prit à la pré-adolescence, devant une gravure représentant le martyr de Saint Sébastien - fait plus tard relaté dans "Confessions d'un masque."

Dernière nouvelle du recueil, "La Perle en est sans doute la plus humoristique. Mishima y dépeint, avec finesse et drôlerie, comment la disparition d'une perle à l'occasion d'un goûter d'anniversaire réunissant quatre bonnes amies va redéfinir les relations qui étaient les leurs jusque là. Ces dames appartenant à la haute bourgeoisie, tout cela se double d'une critique assez cruelle de leur caste sociale.

Au-delà la traduction, on se laisse comme toujours absorber par la perfection du style Mishima, un mélange de poésie naturelle et de réalisme un peu maniaque qui culmine dans "Patriotisme", l'une des nouvelles préférées de son auteur. A propos de "Patriotisme" justement, on constate que la puissance créatrice du romancier est telle qu'il entraîne avec aisance son lecteur avec lui, dans cette espèce de cauchemar éveillé qui clôt le texte, et ceci sans que le lecteur en question songe à protester. On est tenté d'écrire que la fascination de Mishima fascine ceux qui la contemplent par le prisme de la lecture. C'est un peu, ma foi, comme si Mishima nous invitait par procuration à son propre seppuku et, s'il y a là-dedans une forme de narcissisme absolu - qui n'étonne pas chez le personnage - on sent aussi qu'il s'agit là d'un honneur fait avec une rare élégance à toutes celles et tous ceux qui aiment et admirent son oeuvre. ;o)
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À travers quatre textes révélant l'éventail des talents narratifs de Mishima, le lecteur se retrouve immergé dans un Japon moderne mais enraciné dans ses coutumes et ses traditions. Il s'agit d'abord d'une pièce de théâtre, Dojoji, mettant en scène un antiquaire présentant une immense et singulière armoire à quelques fortunés acheteurs, tandis que surgit le personnage de la danseuse Kiyoko, prête à toutes les extrémités pour acquérir ce meuble à l'histoire tragique. Viennent ensuite trois nouvelles, la première décrivant la procession de deux geishas, d'une jeune fille de bonne famille et de sa servante, devant traverser sept ponts en récitant des prières sans adresser la parole à quiconque ni rebrousser chemin si elles veulent voir leurs voeux exaucés. La dernière nouvelle raconte le goûter d'anniversaire de Madame Sasaki avec quatre amies, au cours duquel elle égare parmi les billes de sucre du gâteau la perle portée à son doigt. Ce texte plein d'humour explore les circonvolutions psychologiques des invitées, les méandres manipulatoires que chacune imagine ou subit à l'issue de la réception. Une simple perle disparue peut-elle chambouler une réputation, détruire ou lier des amitiés ?

La nouvelle intitulée Patriotisme est selon moi la plus tragique et magistrale. Elle s'inscrit en 1936 dans la tentative de coup d'état par une faction ultra-nationaliste de l'Armée impériale. Au troisième jour de l'incident, le lieutenant Shinji Takeyama, « bouleversé d'apprendre que ses plus proches camarades faisaient partie des mutins et indigné à l'idée de voir des troupes impériales attaquer des troupes impériales » décide en rentrant chez lui de se faire seppuku, suicide rituel par éventration. Il sera dignement rejoint dans la mort par sa jeune épouse Reiko. Ce texte d'une dramatique élégance décrit les dernières heures du couple récemment marié, dont les corps pleins de verdeur et de splendeur s'apprêtent par honneur et amour à devenir cadavres. Un dernier verre de saké, une dernière étreinte d'une sensualité bouleversante, une dernière toilette, jusqu'au rituel atroce et sublime devant lequel aucun ne faillira. Un bijou noir d'une rare intensité.
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Pour une première lecture de cet auteur, j'ai choisi un recueil de nouvelles. J'ai entendu dire que c'est un auteur qui exige une attention particulière, je voulais tester le style avant de m'embarquer dans un texte ample.
C'est une réussite ! le style est tout à fait abordable, limpide et en même temps d'une grande qualité littéraire.
Sur les quatre nouvelles, une seule m'a laissé perplexe sur l'intention narrative de l'auteur, il s'agit de Les Sept Ponts. J'avoue ne pas avoir compris la chute. J'ai cependant pris un grand plaisir à la lire.
La nouvelle la plus émouvante est Patriotisme. Elle m'a bouleversée. Je pense que c'est également dans ce texte que la plume de l'auteur est le mieux servie dans ce recueil. Elle magnifie la mort et l'amour, elle rend hommage au sens du sacrifice et de l'honneur japonais. C'est de toute beauté.
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Dojoji rassemble quatre courts textes de mishima publiées en 1966 et extraites du recueil la mort en été.

Le premier texte me paraît assez mineur, c'est une court pièce de théâtre intitulée Dojoji. Alors qu'un antiquaire organise la vente aux enchères d'une armoire immense et mystérieuse, une jeune femme interrompt la vente. Prénommée Kiyoko, elle veut absolument acheter l'armoire à un prix dérisoire. Elle fait fuir les potentiels acheteurs en révélant l'histoire de cette armoire : le jeune homme qui était son amant l'a délaissé au profit d'une riche femme qui a abrité leurs amours dans la grande armoire où vivait à présent reclus l'amant de Kiyoko. Découvrant qu'il a été trompé le mari a tué le jeune homme alors qu'il était dans l'armoire. Kiyoko est persuadée que c'est sa beauté qui a détourné son amant d'elle, et se résout à se défigurer le visage avec de l'acide en s'enfermant dans l'armoire pour devenir laide. Finalement l'antiquaire et d'autres personnes réussissent à la détourner de son funeste projet.
Mon opinion personnelle concernant cette pièce est qu'elle est d'un intérêt limité. le style habituellement raffiné de Mishima semble ici banal, les répliques connaissent quelques longueurs, en particulier au début, même s'il est vrai que certaines répliques sont assez bien ficelées. de plus, j'ai trouvé l'intrigue assez simpliste voire naïve, avec le lieu commun maintes fois rebattu du triangle amoureux et une fin que l'on pouvait prévoir...

Fort heureusement, l'auteur monte en puissance lors du deuxième texte, une nouvelle dont le titre est les sept ponts. Tout d'abord le thème abordé est très intéressant, car il est consacré à l'univers typiquement japonais des geishas et plus particulièrement des cérémonies propres à ces femmes. Trois geishas, Masako, koyumi et kanako accompagnées de la servante Mina, effectuent un pèlerinage qui doit leur permettre d'exaucer un voeu qui leur est cher ; pour cela elles doivent franchir sept ponts sans parler ni se retourner tout en effectuant des prières. À la fin, seule Mina parvient à voir son voeu se réaliser. Mishima nous dépeint un aspect méconnu du Japon avec finesse, les personnages sont comme toujours chez cet auteur d'une grande subtilité. L'écrivain parvient en effet à décrire la fébrilité et l'égoïsme grandissants des trois geishas au fur et à mesure que le pèlerinage approche de sa fin. Mon seul bémol est que là encore la fin est un peu convenue : on se doute dès le début que la servante mérite de voir son voeux réalisé puisqu'elle est moquée par les autres, qui en outre sont décrites avec des souhaits égoïstes et futiles. Je trouve donc que notre plaisir est gâché par cette fin attendue et moralisatrice.

Patriotisme est la nouvelle la plus marquante de ce recueil, elle mérite vraiment le détour : Mishima nous fait le récit du suicide rituel d'un jeune officier et de sa femme, le jeune officier se faisant seppuku pour protester contre le conflit au sein de l'armée impériale entre ses jeunes amis putschistes et le reste de l'armée.
Cette nouvelle est magistralement écrite, le style est noble et classique et les émotions sont exacerbées. Mishima crée une rencontre intense entre les corps du mari et de la femme, qui s'unissent dans une étreint charnelle vibrante et subissent les tourments des lames acérées, et les émotions haletantes de l'amour, du devoir et du courage. Patriotisme m'a séduit par sa pureté et sa beauté, beauté d'un geste héroïque et pureté d'un rite macabre codifié qui semble faire plier la volonté des personnages, les reléguant au rangs d'acteurs. Mishima fait de la mort un processus initiatique qui amène à un état de sérénité, la mort étant le moyen de trouver cet état. Cette nouvelle est fascinante car elle semble être un manifeste de l'auteur en faveur de la mort rituelle par hara-Kiri, mort à laquelle il se soumettra plus tard lui même et paraît donc préfigurer la propre mort de Mishima qui veut par ce récit et ce geste affirmer son attachement aux valeurs du Japon impérial.

Sur un ton plus léger la nouvelle la perle décrit les péripéties d'une bande d'amies réunies pour l'anniversaire de l'une d'elles, madame Sasaki, qui par mégarde fait tomber une perle dans le gâteau. Laquelle des invitées à t- elle mangé la perle ? Coups bas, mensonges, entre ces dames tout y passe et les escarmouches sont rudes ! Mishima nous amuse et nous fait voir à travers ce récit le monde feutré mais sans pitié de ces dames qui se déchirent pour des broutilles et sont prêtes aux stratagèmes les plus sophistiquées pour vaincre leur adversaire ! Une nouvelle très amusante et assez fine sur le comportement féminin ! À lire !

Au final ce livre constitue une bonne introduction à Mishima même si les nouvelles sont inégales. On retrouve tout de même bien l'esprit et le style de l'auteur.
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Quatre nouvelles de Mishima. Il aura tout mis en oeuvre c'est à dire jusqu'à lui même. Jusqu'au bout, jusqu'à sa mort. Son éternel combat intérieur. Un duel contre lui même. le seul débat possible contre la camisole du monde. On pourrait débattre sur l'intelligence de sa perversion. Mais comment survivre lorsqu'il faut jouer un rôle qu'on vous impose depuis l'enfance et qui ne vous correspond pas? Il faut apprendre à ne pas se rendre responsable du rejet, du refus des autres. Gagner peut être un peu de liberté. Tenter d'accepter le visage de sa propre image comme le fera la danseuse Kiyoko. Et puis tenter donner un sens aux prières, à cette société à la fervente piété qui rejette la pitié.Comment protéger la prière de l'autre lorsque cet autre ne vous estime pas, ne vous vous reconnaît même pas la légitimité de votre intimité? Comment ne pas perdre la face, ce masque aux lèvres scellées , qui plonge toute une société dans une absurde hypocrisie sociale, où chacun se débat entre trahison et mensonge pour ne pas faillir à son rang, à son rôle, au bon maintien d'un ordre auquel il faut bien donner une raison pour ne pas voir vaciller le monde, pour ne pas risquer de voir le masque tomber et connaître ainsi la vacuité du songe.
Quatre nouvelles comme des fagots jetés dans son propre bûcher.
« Patriotisme », nouvelle écrite et portée à l'écran par son auteur en 1966, préfigure ce jour de novembre1970 où il se donnera la mort par seppuku - ( le seppuku était traditionnellement utilisé en dernier recours, lorsqu'un guerrier estimait immoral un ordre de son maître et refusait de l'exécuter...) - au nom d'un patriotisme nationaliste dans lequel il se perdait, et dans lequel il entraîna malheureusement une trop obéissante jeunesse.
Un faux pas devant son propre bûcher.
Un auteur de lame et de feu, de force et de larmes.
Yukio Mishima : la préméditation d'une oeuvre.

http://www.dailymotion.com/video/x11cps_yukoku-patriotism-yukio-mishima-196_shortfilms

Astrid Shriqui Garain
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Voila la lecture d'un deuxième recueil de Yukio Mishima finie et ... je ne sais pas trop quoi en penser. Dois-je lui mettre 5 étoiles du fait que je viens de lire Patriotisme, ou la nouvelle la plus émotionnellement poignante que je n'avais jamais lue? Dois-je lui mettre un peu moins parce que je suis resté un peu sur ma fin avec La Perle? Je ne sais pas trop.
Néanmoins, je recommande amplement cette oeuvre car, si on la prend dans son ensemble, cela reste quand même un recueil tout à fait brillant où l'auteur nous emporte de nouveau dans cette univers japonais pour nous faire vibrer au fil des mots. A lire sans trop d'hésitations!
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Excellent recueil de quatre nouvelles extraites de « la mort en été »:

- Dojoji : écrit sous forme de piécette de théâtre, cette histoire d'armoire gigantesque où même un lit peut prendre place et de fiancée éconduite m'a laissée perplexe. le texte est trop court, selon moi, pour éprouver un sentiment de compassion à l'égard de la jeune fille délaissée et cette armoire qui semble une apparition d'un autre monde a un petit côté extraordinaire, symbolique, que je n'ai pas réussi à déchiffrer.

- Les sept ponts : très joli conte où quatre femmes d'âge et de condition différents franchissent sept ponts pour voir la réalisation de leur voeu le plus cher.

- Patriotisme : la plus réussie des nouvelles du recueil. Un jeune lieutenant se donne la mort par fidélité à l'empereur et à ses amis, suivi par sa jeune épouse. La scène très visuelle, presque cinématographique, est d'une réelle beauté et d'une grande délicatesse, à en devenir presque fascinante (je n'ai pourtant pas de penchant morbide). Ame sensible s'abstenir.

- La perle : un autre petit bijou (sans jeu de mot). Comment un petit incident domestique vient mettre en péril une amitié de convenance, une harmonie de façade. L'auteur décrit le poids des conventions sociales, la puissance de la manipulation. Un très bel exemple de méchanceté ordinaire ...

L'écriture est précise et juste, et c'est un véritable moment de plaisir que de lire ces nouvelles, tellement emblématique d'un Japon en prise avec ses croyances et ses coutumes. Japon aujourd'hui en voie de disparition.

Je n'ai qu'une seule envie : me précipiter sur « la mort en été » pour découvrir d'autres nouvelles de Mishima.
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Comme toujours avec Mishima, je ressors admirative mais un brin nauséeuse de ma lecture.
Ce petit recueil de quatre nouvelles traitent de thématiques en lien avec les traditions japonaises.
Dojoji : une histoire d'armoire mystérieuse et d'amour déçu avec une atmosphère assez macabre et fantomatique
Les geishas : un groupe de geishas qui se lancent dans une procession de prières à travers une série de ponts en pleine nuit. Une ambiance de rivalité intestine latente et de vengeance sans paroles. Glaçant.
Patriotisme : sans doute la plus gore des nouvelles où l'on suit un soldat impérial et sa femme dans un rituel de seppuku très détaillé et carrément malaisant. Et pourtant les descriptions dans toute l'horreur de cette situation sont magnifiques.
La perle : la nourriture et les relations amicales féminines au centre de cette dernière nouvelle. Comment les carcans des impératifs sociaux entre amis peuvent changer drastiquement les liens entre les gens.
Le style est vraiment très beau, les descriptions transportent dans ce Japon très codifié, très traditionnel si cher à Mishima dans toutes ses contradictions. Les thèmes sont très crus et assez durs à lire. On ressort avec une drôle d'impression de cette lecture sans arriver à savoir si l'on a aimé ou pas. Sur le fil de l'étrange et des travers de l'humanité cruellement retranscrits.
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Première lecture de Mishima, ce petit recueil de trois nouvelles est un petit bijou qui permet une approche de l'univers de la littérature japonaise et bien sûr de Mishima. Alors vous trouverez dans cet opuscule tout le pouvoir d'évocation des textes japonais que l'on connaît déjà chez Kawabata ou Tanizaki, la place étrange de la femme dans cette société ambivalente faite de non-dits et de suggestions, de pudeur absolue et de violence extrême, la complexité des rapports humains, le sens de l'honneur. Une mention toute spéciale pour une scène d'amour toute suggérée mais d'une force incroyable, belle tout simplement. Et puis la force narrative de Mishima qui parvient à décrire l'horreur jusqu'à nous en donner des frissons. Une sorte de Guernica de Picasso, figure en noir et blanc, mots ciselés comme le fil du sabre du rituel du seppuku, se détachant dans leur froideur noire d'une page blanche que l'on perçoit maculée de sang. Si Bataille évoquait la "petite mort", Mishima peut être considéré à cet égard comme le chantre de la "grande mort".

Les plus: trois nouvelles courtes, puissantes, très japonaises, une fabuleuse histoire d'amour, l'envie de continuer à découvrir Mishima.

Les moins: on devine une traduction qui n'est pas à la hauteur de l'intention littéraire de l'auteur, l'absence d'une introduction ou de quelques notes
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"Dojoji et autres nouvelles" est un recueil de 4 nouvelles rédigées par l'écrivain japonais Yukio Mishima.
"Dojoji" est la première nouvelle mais il s'agit surtout d'une pièce de théâtre mettant en scène 3 hommes et 2 femmes de riche condition venus assister à une vente aux enchères sur invitation.
Alors que l'antiquaire leur vante les mérites d'une grande armoire en acajou, Kiyoko, une danseuse, entre en scène et leur explique l'histoire de cette fameuse armoire...
"Les sept ponts" nous conte l'histoire de 3 geishas accompagnées de leur servante parties franchir 7 ponts dans le but d'exaucer leurs voeux.
Seul l'une d'entre elles atteindra la fin du parcours...
"Patriotisme" décrit le suicide du lieutenant Shinji et de son épouse Reiko.
"La perle" évoque l'anniversaire de Mme Sasaki. Durant le goûter, Mme Sasaki égare la perle logée dans sa bague, une perte qui deviendra à elle seule un événement sujet à de multiples querelles entre les convives.

Ce qui m'a sautée aux yeux dans "Dojoji" et dans "Patriotisme", c'est la façon dont l'auteur progresse de la description d'une beauté présentée comme idéale à la destruction de celle-ci sous le couvert du sacrifice.
Dans "Dojoji", Kiyoko se montre prête à se défigurer le visage à l'acide pour retrouver son amant tandis que dans "Patriotisme", Reiko accepte volontiers de se trancher la gorge pour suivre son mari dans l'au-delà.

Dans les deux cas, comme il s'agit de nouvelles (et donc de récits courts), la rupture est assez nette, ce qui renforce le caractère extrême des actes auxquels consentent ces deux femmes.
Dans "Les 7 ponts" et "La perle", il est question d'un groupe de femmes guidées par la bienséance au point de s'en rendre ridicules.

J'aurais pu croire que les ambitions de l'auteur en écrivant ces nouvelles étaient de dénoncer l'extrêmité des traditions d'un pays et d'une époque si je n'avais pas lu sa biographie...
Yukio Mishima était en effet un fervent défenseur du Japon traditionnel, incluant donc tous les aspects décrits dans ce recueil ainsi que dans le reste de son oeuvre, au point de demander et d'obtenir la mort par seppuku, un rituel consistant à être décapité par un tiers...

Difficile pour moi de dire si j'ai ou non aimé ce recueil. Bien que j'ai été sensible à la prose poétique de l'auteur, je n'ai pas réussi à m'identifier voire à éprouver de la compassion pour les différents personnages dont les préoccupations et les agissements m'ont semblé si éloignés de ma culture, de mon époque et de ma personnalité.
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