Après la guerre, dans un Japon qui se reconstruit à peine, un auteur vieillissant, Shunsuké, en voulant séduire une jeune femme dont il s'est épris, découvre l'existence du plus bel homme qu'il ne lui fut jamais donné de voir : Yûichi. Très vite, le jeune Apollon viendra auprès de l'homme sage pour lui demander conseils : la jeune fille le convoite mais il n'aime pas les femme, il est attiré par les hommes. Shunsuké va lui proposer un pacte original : prenant le jeune garçon sous son aile et lui offrant une jolie somme, il devra se marier et faire bonne figure auprès de sa femme mais aussi d'autres, desquelles Shunsuké aimerait se venger ; en échange d'une certaine liberté, où le jeune homme pourra explorer sa sexualité. Car en effet, en découvrant ce jeune éphèbe, le vieil écrivain, dont la laideur caractéristique lui a valu bien des rejets, désir se venger de celles qui ont blessé son coeur, et notamment la séduisante et vile Mme Kaburagi.
Yûichi, suivant scrupuleusement les conseils de son nouveau mentor, va tout mettre en oeuvre pour parfaire le dessein de celui-ci, tout en passant des nuit entières à errer à travers la ville, dans les quartiers interlopes, prenant ses quartiers généraux au café homosexuel le Redon, où se retrouve la gotha gay de Tokyo. le charme de Yûichi ne laissera personne indifférent et changera le milieu à jamais : notre jeune héros prenant plaisir à posséder pour une nuit une quantité invraisemblable d'homme, se faisant courtiser pas tous. Sa pauvre épouse Yasuko prend son mal en patience, en justifiant les absence de son mari, qui lui dit être avec des camarades d'université ou autre mensonge peu crédible qu'elle choisi de croire, alors qu'elle découvre qu'elle est tombée enceinte après leur nuit de noce. Mais tout ne sera pas si facile pour le héros : le couple Kaburagi se révèle aussi pervers qu'amical et le dessein de Shunsuké sera peut-être remis en cause alors que Yûichi se sent pousser des ailes, lorsqu'il rencontre le riche industriel Kawada qui lui promet monts et merveilles.
Connaissant tous la sexualité ambiguë de son auteur
Yukio Mishima, on ne doute pas longtemps que
Les Amours Interdites est en grande part raconté d'après son expérience personnelle, son désir, peut-être de pouvoir vivre sa sexualité librement et de pouvoir explorer le monde caché des gays dans la grande métropole tokyoïte. Celui-ci, à travers les yeux de Yûichi qui est de facto le personnage principal de ce roman, est présenté comme très las mais soudé, où les rumeurs volent d'une bouche à une oreille et les hommes sont tout aussi volages. Et l'auteur génial, loin de s'arrêter à de simples description, va, dans son roman, très loin dans les considérations philosophiques sous-jacentes à l'homosexualité, à la considération de soi, au rapport au genre, et plus encore. de part le thème et le contexte historique dans lequel le livre est publié,
Les Amours Interdites frappe d'ailleurs par le sentiment qu'il donne d'être un OVNI transporté dans un monde auquel il n'appartient pas.
Et c'est peut-être ce côté "entre deux époques" qui fait la force mais aussi la faiblesse de ce livre : on a d'un côté la présentation d'un monde qu'on ne soupçonnait qu'à peine, dépeint sans fard ni jugements, un monde que d'aucun aurait aimé interdire, ici ou au Japon. Mais tout cela est entrecoupés de très longs moments de réflexions et de considérations de l'esprit qui gâchent trop souvent le rythme de l'histoire. On passe en effet une énorme partie du roman non pas dans l'action, avec les personnage, mais au-dessus d'eux, avec l'auteur, qui nous dévoile bien des pensées sur nombres de sujets, et c'est parfois indigeste, surtout lorsque l'on n'attend pas un dénouement dans le récit. Malgré cela, aux moments où on s'y attend le moins, Mishima arrive à nous scotcher à notre siège grâce à certains passages d'une beauté et d'une justesse à couper le souffle. La toute fin de l'histoire, qui sans être un twist à l'américaine, arrive à faire repenser tout le roman en arrachant en même temps des larmes à son lecteur. Une prouesse très rare en littérature, même parmi les meilleurs écrivains.
Explorer le monde de la nuit, à Tokyo, au début des années cinquante, à travers les homosexuels est tout à fait original et dépaysant. Ce monde est dépeint avec brio et les l'on sent que l'auteur a utilisé ses propres sentiments et émotions pour écrire les dialogues et les scènes. Dans
Les Amours Interdites, on parle volontiers de sexualité, d'érection, de "coup d'un soir". Bref, on parle librement, et c'est quelque chose qui est encore rare aujourd'hui. Rien que pour cela, ce livre de Mishima est tout à fait intéressant. Mais, comme dit plus haut, on se retrouve trop souvent coincé entre quelques histoires de boudoirs et des élans philosophiques pour que l'entier du roman soit passionnant. Et il paraît trop souvent, à sa lecture, bien lent et long. Malgré tout, il vaut la peine de s'accrocher alors qu'on se trouve dans le mou du récit, car après viennent toujours des scènes spectaculaires. D'aucun apprécieront la philosophie qui ne manque pas, dans ce roman, car même si parfois difficile à avaler, elle n'en reste pas moins juste, profonde et originale. Un livre qu'il faudra tout de même faire attention avant de mettre dans n'importe quelles mains : c'est un roman pour lecteurs aguerris et avides de pensées.