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René de Ceccatty (Traducteur)Ryôji Nakamura (Traducteur)
EAN : 9782070388530
591 pages
Gallimard (15/03/1994)
4.09/5   222 notes
Résumé :
Un vieil écrivain, Shunsuké, est fasciné par la beauté exceptionnelle de Yüichi, un jeune homosexuel. Shunsuké, dont l'oeuvre est connue, mais déjà achevée, a consacré toute sa vie à l'esprit et à la création.

En Yüichi, c'est la liberté du corps, l'esthétique réduite à sa pure apparence physique et à la jouissance immédiate, que le romancier découvre. Yüichi, conscient de sa sexualité, hésite à épouser Yasuko, dont l'écrivain est amoureux. Il se con... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Je profite de la restauration de ma ligne internet pour clamer ma stupéfaction. Stupéfaction devant un tel chef d'oeuvre que sont Les amours interdites, du génial Yukio Mishima, qui s'impose par ce livre comme mon romancier préféré !

Shunsuke est un vieil écrivain sur le déclin et aigri, car en dépit des honneurs de la célébrité il perçoit le caractère intrinsèquement faux de son oeuvre mais aussi il en veut aux femmes avec lesquelles il n'a pu nouer de relations sentimentales viables. La rencontre avec Yuichi, un magnifique jeune homme, véritable adonis, va lui faire concevoir un plan machiavélique : Shunsuke va se venger des femmes qui l'ont fait souffrir en les jetant dans les bras de Yuichi pour qu'elles connaissent l'amertume et la honte d'une relation impossible, car Yuichi est homosexuel. Toutefois, notre manipulateur a sous estimé le pouvoir d'attraction du jeune homme qui le prend à son propre piège et surtout Yuichi va se lasser de son rôle de pantin et manipuler ses victimes pour son propre compte...

Tout d'abord, Les amours interdites peuvent se lire juste pour goûter au style divin de Mishima. Aucun mot ne semble superflu et tout trouve sa place dans une harmonie incroyable. Les descriptions sont poétiques et d'un classicisme de cristal, les scènes de sexe jamais ni trop crues ni trop prudes, les dialogues sonnent juste et certains passages nous livrent des réflexions très intellectuelles de l'auteur sur le plan esthétique sans pour autant donner dans la pédanterie ou le superflu.

Ce qui est également admirable est la dimension psychologique très complexe et captivante introduite par Mishima dans ce roman. Derrière le vernis des conventions les personnages cachent mal des sentiments éruptifs qui ne manquent pas de surgir.
Cette complexité est d'ailleurs très difficile a traduire, c'est pourquoi je vous prie de m'excuser si les lignes qui vont suivre paraissent maladroites ...
Ce qui est captivant dans ce livre c'est le fait que l'on suive le personnage de Yuichi pendant 600 pages et qu'à la fin du livre on ne puisse pas répondre à des questions simples : Yuichi est il bon ou mauvais ? ( peut être suis-je trop simpliste ? ) Que recherche t-il vraiment ? Les autres changent t-ils Yuichi est-ce lui qui les influence ?
En effet Yuichi n'a pas au début de conscience de sa beauté, mais les autres le pervertissent et celui-ci devient un narcisse qui se sert de son physique pour perdre les autres et les attirer ; à la fin du roman il va comprendre la vanité de son physique sans pour autant parvenir à s'en détacher sous l'influence de la naissance de son enfant. En ce sens, Yuichi voit sa pureté corrompue par le monde extérieur. Toutefois, aucun des personnages n'arrive à s'attirer l'amour intellectuel du jeune homme qui les fascine par son physique et les rend dépendants de lui. En ce sens là, c'est Yuichi qui agit sur le monde... Cela renvoie au thème cher à Mishima, celui de l'illusion : aucun des personnages n'est libre de son destin pourtant il pensent tous gérer leur univers personnel. C'est le monde qui leur apprendra cruellement la vérité, en l'occurrence par Yuichi et son physique.
Que recherche Yuichi ? Difficile de trouver tant ce personnage est riche mais aussi paradoxal, à la fois hors du monde du fait de sa beauté hors normes mais aussi tellement vulnérable du fait de cette beauté...
A titre personnel, Yuichi m'évoque le personnage incarné par James Dean dans le film A l'Est d'Eden : semblant indifférent et rejeté par le monde, il arrache tout les obstacles sur sa route à la conquête d'une chose simple et inaccessible : sa liberté. Cette recherche le rend certes égoïste et insensible et donc mauvais mais paradoxalement la pureté d'une telle quête ne peut qu'être concédée car l'objectif en soi est noble...

Le troisième aspect est celui de l'homosexualité, là encore source de paradoxe pour l'auteur cette fois ci : Mishima, homme marié et homosexuel nia toujours une homosexualité qui devient le thème majeur d'un de ses livres les plus illustres. Ce tabou de l,homosexualité dans le Japon des années 60 est très bien rendu dans ce livre ( et peut en grande partie être d'actualité pour le Japon d'aujourd'hui ). les homosexuels forment une communauté invisible avec ses lieux et ses codes, et ce livre a eu le mérite de les exposer au grand jour pour briser ce tabou ( cela créa un véritable scandale ...) Les amours interdites exposent aussi la vision pessimiste que Mishima porte de l'amour homosexuel : il voit des homosexuels obnubiles par le culte du corps et de la jouissance physique incapable d'aimer réellement mais condamnés à rester dans ce milieu par leur nature d'homosexuels. Je ne partage pas entièrement cette vision à titre personnel...

Ainsi, Mishima nous offre un chef d'oeuvre stylistique, narratif et intellectuel.
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Le célèbre écrivain Shunsuké a toujours aimé les femmes, mais cet amour n'a jamais été réciproque. Sa laideur, classée au patrimoine national, a beaucoup contribué à cet échec sentimental, et ses amours ne lui ont valu que des déceptions, des trahisons et des humiliations.

Il trouve l'instrument parfait de sa vengeance en la personne de Yûichi. Beau comme un dieu, il ne laisse dans son sillage que des regards énamourés. Mais pour le malheur de ces dames, il est secrètement homosexuel. En échange d'une coquette somme d'argent, l'écrivain lui demande de séduire toutes les femmes qui l'ont blessé, avant de les délaisser brutalement. Elles connaîtront ainsi à leur tour cette indifférence teintée de mépris comme seule réponse à leur passion.

Mishima réalise un véritable travail d'orfèvre avec ses personnages. Chacun d'eux est décrit en profondeur, avec leurs multiples peines, leurs espoirs, et les ressorts intimes qui dictent leur comportement. Ainsi, malgré l'immoralité de la proposition initiale de Shunsuké, il est difficile au final de savoir qui est le plus à plaindre, qui mérite notre pitié ou notre dégoût.

L'auteur nous plonge également dans le milieu homosexuel japonais des années 50, inspiré de sa propre expérience. Sa vision n'en était pas très positive : ces hommes devaient se retrouver dans des endroits cachés, tout en veillant à préserver leur respectabilité. Les déclarations d'amour se font généralement dans des endroits sordides, et elles provoquent toujours une part de dégoût ou de mépris chez celui qui la reçoit.

Ce roman est à conseiller aux lecteurs qui apprécient les intrigues tortueuses et les personnages complexes.
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C'est une oeuvre de jeunesse (Mishima avait 25 ans) mais on y retrouve déjà une maturité sidérante dans le style comme dans l'observation et l'analyse psychologique de ces personnages qui évoquent par les thèmes développés une sorte de «Liaisons dangereuses» dans le Japon des années 50 où un pacte cruel est passé entre un vieil écrivain revenu des femmes dont il veut se venger et un jeune homme bisexuel d'une très grande beauté dont il souhaite faire l'instrument de sa vengeance. Sauf qu'évidemment les choses se compliquent et c'est à un jeu de manipulation à tous les niveaux que nous allons assister.

Le roman est l'occasion pour Mishima de décrire avec beaucoup d'acuité le milieu homosexuel d'après guerre. le jeune Yuichi catalysant les désirs aussi bien des hommes que des femmes, des plus jeunes comme des plus âgés. Il décrit aussi à travers l'écrivain Shunsuké (et la propre autobiographie de ce dernier à la fin du roman) quelques unes de ses influences en même temps que sa philosophie littéraire. Mais Shunsuké n'est pas Mishima et il y a un jeu de correspondances et de divergences qui rappellent la façon dont Proust prenait lui-même des distances avec la réalité dans La Recherche. On découvre à l'occasion la grande culture de Mishima en matière de littérature occidentale qui l'a beaucoup influencé.

Le roman est passionnant malgré quelques petites longueurs et la traduction directement du japonais par le fidèle René de Ceccatty (et Ryôji Nakamura) rend
hommage à un style superbe et tranchant où la cruauté de Mishima n'a d'égale que la beauté des descriptions (des paysages, des lieux...) et la finesse d'analyse de personnages tous marquants (Le comte Kaburagi et son incroyable épouse, Yuichi et sa jeune femme résignée Yasuko, Kawada, Shunsuké, les jeunes amants de Yuichi...).

On sent à quel point Mishima a du rendre des comptes avec l'hypocrisie sociale dont il a été lui-même la victime. Sa famille ayant d'ailleurs longtemps interdit la diffusion de ce roman après sa mort.

Ce n'est peut-être pas au niveau de sa tétralogie finale ou du pavillon d'or mais je conseille vivement la lecture de ce roman qui est très divertissant et nous fait voyager dans différents lieux et milieux du Japon. Un vrai coup de coeur.
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Après la guerre, dans un Japon qui se reconstruit à peine, un auteur vieillissant, Shunsuké, en voulant séduire une jeune femme dont il s'est épris, découvre l'existence du plus bel homme qu'il ne lui fut jamais donné de voir : Yûichi. Très vite, le jeune Apollon viendra auprès de l'homme sage pour lui demander conseils : la jeune fille le convoite mais il n'aime pas les femme, il est attiré par les hommes. Shunsuké va lui proposer un pacte original : prenant le jeune garçon sous son aile et lui offrant une jolie somme, il devra se marier et faire bonne figure auprès de sa femme mais aussi d'autres, desquelles Shunsuké aimerait se venger ; en échange d'une certaine liberté, où le jeune homme pourra explorer sa sexualité. Car en effet, en découvrant ce jeune éphèbe, le vieil écrivain, dont la laideur caractéristique lui a valu bien des rejets, désir se venger de celles qui ont blessé son coeur, et notamment la séduisante et vile Mme Kaburagi.

Yûichi, suivant scrupuleusement les conseils de son nouveau mentor, va tout mettre en oeuvre pour parfaire le dessein de celui-ci, tout en passant des nuit entières à errer à travers la ville, dans les quartiers interlopes, prenant ses quartiers généraux au café homosexuel le Redon, où se retrouve la gotha gay de Tokyo. le charme de Yûichi ne laissera personne indifférent et changera le milieu à jamais : notre jeune héros prenant plaisir à posséder pour une nuit une quantité invraisemblable d'homme, se faisant courtiser pas tous. Sa pauvre épouse Yasuko prend son mal en patience, en justifiant les absence de son mari, qui lui dit être avec des camarades d'université ou autre mensonge peu crédible qu'elle choisi de croire, alors qu'elle découvre qu'elle est tombée enceinte après leur nuit de noce. Mais tout ne sera pas si facile pour le héros : le couple Kaburagi se révèle aussi pervers qu'amical et le dessein de Shunsuké sera peut-être remis en cause alors que Yûichi se sent pousser des ailes, lorsqu'il rencontre le riche industriel Kawada qui lui promet monts et merveilles.

Connaissant tous la sexualité ambiguë de son auteur Yukio Mishima, on ne doute pas longtemps que Les Amours Interdites est en grande part raconté d'après son expérience personnelle, son désir, peut-être de pouvoir vivre sa sexualité librement et de pouvoir explorer le monde caché des gays dans la grande métropole tokyoïte. Celui-ci, à travers les yeux de Yûichi qui est de facto le personnage principal de ce roman, est présenté comme très las mais soudé, où les rumeurs volent d'une bouche à une oreille et les hommes sont tout aussi volages. Et l'auteur génial, loin de s'arrêter à de simples description, va, dans son roman, très loin dans les considérations philosophiques sous-jacentes à l'homosexualité, à la considération de soi, au rapport au genre, et plus encore. de part le thème et le contexte historique dans lequel le livre est publié, Les Amours Interdites frappe d'ailleurs par le sentiment qu'il donne d'être un OVNI transporté dans un monde auquel il n'appartient pas.

Et c'est peut-être ce côté "entre deux époques" qui fait la force mais aussi la faiblesse de ce livre : on a d'un côté la présentation d'un monde qu'on ne soupçonnait qu'à peine, dépeint sans fard ni jugements, un monde que d'aucun aurait aimé interdire, ici ou au Japon. Mais tout cela est entrecoupés de très longs moments de réflexions et de considérations de l'esprit qui gâchent trop souvent le rythme de l'histoire. On passe en effet une énorme partie du roman non pas dans l'action, avec les personnage, mais au-dessus d'eux, avec l'auteur, qui nous dévoile bien des pensées sur nombres de sujets, et c'est parfois indigeste, surtout lorsque l'on n'attend pas un dénouement dans le récit. Malgré cela, aux moments où on s'y attend le moins, Mishima arrive à nous scotcher à notre siège grâce à certains passages d'une beauté et d'une justesse à couper le souffle. La toute fin de l'histoire, qui sans être un twist à l'américaine, arrive à faire repenser tout le roman en arrachant en même temps des larmes à son lecteur. Une prouesse très rare en littérature, même parmi les meilleurs écrivains.

Explorer le monde de la nuit, à Tokyo, au début des années cinquante, à travers les homosexuels est tout à fait original et dépaysant. Ce monde est dépeint avec brio et les l'on sent que l'auteur a utilisé ses propres sentiments et émotions pour écrire les dialogues et les scènes. Dans Les Amours Interdites, on parle volontiers de sexualité, d'érection, de "coup d'un soir". Bref, on parle librement, et c'est quelque chose qui est encore rare aujourd'hui. Rien que pour cela, ce livre de Mishima est tout à fait intéressant. Mais, comme dit plus haut, on se retrouve trop souvent coincé entre quelques histoires de boudoirs et des élans philosophiques pour que l'entier du roman soit passionnant. Et il paraît trop souvent, à sa lecture, bien lent et long. Malgré tout, il vaut la peine de s'accrocher alors qu'on se trouve dans le mou du récit, car après viennent toujours des scènes spectaculaires. D'aucun apprécieront la philosophie qui ne manque pas, dans ce roman, car même si parfois difficile à avaler, elle n'en reste pas moins juste, profonde et originale. Un livre qu'il faudra tout de même faire attention avant de mettre dans n'importe quelles mains : c'est un roman pour lecteurs aguerris et avides de pensées.
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Les amours interdites. /Yukio Mishima
Beauté et éthique vont-elles nécessairement de pair ?
J'ai mis assez longtemps pour bien lire ce roman difficile jusqu'au bout. Difficile en raison du caractère complexe et composite des rapports ambigus entre des personnages qui ne vivent que d'intrigues souvent à couleur sexuelle. le style est simple mais précis et méticuleux ; pas de mots compliqués, mais beaucoup de mots décrivant le combat intérieur de chacun ; c'est la psychologie des personnages qui est subtile et sophistiquée et rend la lecture ardue. On entre alors dans un monde tout emprunt de violence, de complots, de duplicité et d'hypocrisie, de mensonges, de jalousie et de sous-entendus, en même temps que de préciosité, de courtoisie, de délicatesse, de sensualité et d'érotisme pudique. Dans toutes circonstances, le raffinement est de mise. L'analyse des sentiments des protagonistes est profonde, subtile, pointilleuse même et scrupuleuse.
Shunsuké l'écrivain misogyne d'une grande laideur, personnage essentiel qui croit en la toute puissance de la sensualité est le maître et se sert du jeune et beau Yuchui, l'élève avide de liberté pour assouvir de façon machiavélique sa vengeance à l'encontre des femmes. Yuchui est marié à Yasuko, a une maîtresse en la personne de Kyôko, mais est aussi homosexuel comme son maître. le couple infernal de Madame Kaburagi et de Nobutaka son mari qui ont chacun de leur côté une liaison un temps secrète avec Yuichi, vient compléter la relation trouble qui s'installe entre les différents protagonistes de ce jeu de dupes qui évoluent dans le milieu interlope d'une certaine aristocratie nantie de Tôkyô de l'après-guerre. L'immoralité n'enlève rien à la beauté et au raffinement du récit tout en filigrane et suggestions. Madame Kaburagi, autre personnage essentiel, femme d'un certain âge, prostituée notoire, aime la beauté et la jeunesse de Yuichi lequel ne l'aime pas et joue un jeu subtil froid et cruel sachant qu'avec elle l'ingénuité la moins affectée est la plus efficace des séductions. Peu de sentiments nobles ont leur place ici, et beaucoup de calculs derrière les fusuma.
N'oublions pas qu'un « séducteur ne cherche pas forcément une femme qu'il aime ». de même « le vice qui a perdu son éclat est cent fois plus ennuyeux que la vertu qui s'est ternie. » Et puis « la vertu née du désespoir a une force qu'aucune immoralité ne peut affecter ».
J'ai senti à certains moments des accents raciniens dans le discours de l'auteur : « Conscients de leur propre beauté, ils se savaient promis à un destin tragique. »
Les dialogues sont complexes et somptueux toujours dans la même perspective suggestive.
Dés le début du roman, le lecteur est mis au parfum et la réflexion de Shunsuké sur les femmes n'est pas tendre.
« Une femme ne peut rien produire sinon des enfants…Les femmes ne comprennent rien aux théories…Tout ce qu'elles captent, c'est l'odeur. Elles reniflent, comme des truies…Quel gâchis que de prétendre que l'homme doive être séduit par la femme ! »
Tout un chapitre de ce style ! Cela démarre fort et l'on sait à quoi s'en tenir quant aux tendances de Shunsuké
Et plus loin : « …Il faut considérer la femme comme de la matière. Il ne faut jamais lui reconnaître de l'esprit. »

« Son opinion (Shunsuké) était que l'oeuvre d'art contenait la duplicité de l'existence.
L'action se déroule ainsi en alternance avec des réflexions des acteurs sur les problèmes que leur crée leur vie décousue. Tout au long de ce roman, Mishima nous offre une lente et méthodique description du comportement des personnages que manipule de façon machiavélique Shunsuké dans son complot contre les femmes, tels des marionnettes.
« Shunsuké avait alors tenté de créer une oeuvre d'art idéale, telle que, de toute sa vie, il n'avait pu en concevoir. Une oeuvre d'art, suprêmement paradoxale, défiant l'esprit au moyen du corps et défiant l'art au moyen de la vie."
… « Dans l'amour qu'un artiste (Shunsuké) porte à son modèle (Yushui), le désir charnel et l'amour spirituel s'unissent si parfaitement que la frontière entre les deux finit par se perdre… »
Pour un hymne à la beauté, du grand art à la Mishima dont les grandes cultures classique et française transparaissent constamment dans ce magnifique récit dont les deux derniers chapitres atteignent les sommets. le destin de Mishima s'y dessine dans les dernières lignes.
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Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Des bateaux de pêche, hissant leurs voiles, s’éloignaient vers le large. Et, comme si elles étaient conscientes des regards qui se posaient sur elles, les voiles que le vent ne gonflait pas assez, se rabattaient sur les mâts qu’elles enveloppaient d’une langoureuse séduction.
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Laissant reposer sa tête sur le dossier du siège, il observa de coté la tête de Yasuko qui ballotait. Ne pouvait-il pas imaginer que c'était un garçon ? Ces sourcils ? Ces yeux ? Ce nez ? Ces lèvres ? Il fit claquer sa langue comme un peintre qui aurait raté plusieurs croquis successifs. Il finit par fermer les yeux et par tenter de se persuader que Yasuko était un homme. Mais cette immoralité de l'imagination transformait la belle jeune fille devant lui en quelque chose de plus difficile à aimer qu'une femme : une image grotesque perdant à mesure tout attrait.
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- Il y a des jours comme ça, quand on est jeune. Des jours où l’on a l’impression que tous les hommes vivent comme des rats. Et où l’on n’a aucune envie de leur ressembler.
- Que faut-il faire dans de tels jours ?
- Il faut absolument ronger le temps comme un rat. Vous finirez par y faire un trou et si vous ne pouvez pas vous échapper, vous pourrez du moins y glisser le museau.
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Bien qu'il y ait une indéniable gradation dans l'univers homosexuel, aucun homme ne résiste totalement à la force mystérieuse qui l'entraîne malgré lui dans la fange de la sensualité. Personne ne peut rompre avec la proximité de la confrérie. D'autres ont parfois tenté de la fuir. Mais ils finissent à en revenir à ces poignées de mains gluantes, à ces clins d'œil visqueux. Ces hommes qui n'ont fondamentalement aucune des qualités requises pour fondre un foyer doivent, s'ils veulent capter une infime lueur qui évoque ce foyer, la rechercher dans ces regards troubles en disant : " toi aussi, tu es des nôtres. "
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Le corps d'un homme est comme le moutonnement d'une plainte lumineuse sur laquelle on a une perspective parfaite. A la différence du corps de la femme , il n'offre pas l'étonnement de découvrir une petite source à chaque promenade, pas plus qu'une mine où, à mesure que l'on s' y enfonce, on aperçoit des cristallisations.
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Videos de Yukio Mishima (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yukio Mishima
Yukio Mishima (1925-1970), le labyrinthe des masques (Toute une vie / France Culture). Diffusion sur France Culture le 20 février 2021. Un documentaire d'Alain Lewkowicz, réalisé par Marie-Laure Ciboulet. Prise de son, Philippe Mersher ; mixage, Éric Boisset. Archives INA, Sandra Escamez. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. 25 novembre 1970 : Yukio Mishima, écrivain iconoclaste japonais âgé de 45 ans, met en scène sa propre mort ; alors qu’il s’apprête à quitter le monde, il livre à son éditeur "La mer de la fertilité", véritable testament littéraire et spirituel de cet auteur tourmenté, fasciné par la mort rituelle. Cet homme nostalgique, avec son goût du vertige et de l'absolu, son amour des corps vierges et des âmes chevaleresques, sa quête effrénée des horizons perdus laisse une œuvre considérable qui raconte sans aucun doute la recherche d’une pureté illusoire et la laideur du monde. Lectures de textes (tous écrits par Mishima) : Barbara Carlotti - Textes lus (extraits) : "Patriotisme. Rites d’amour et de mort" (film de et avec Yukio Mishima, 1965. À partir de "Yūkoku", nouvelle parue en 1961) - "Confessions d’un masque" - "Le Lézard noir" - "La Mer de la fertilité". Archives INA : Ivan Morris et Tadao Takemoto - Flash info annonçant la mort de Mishima le 25 novembre 1970. Extraits de films : "Mishima" de Paul Schrader (1985) - "Le Lézard noir" de Kinji Kukasaku (1968) - Extrait du discours de Mishima juste avant son seppuku, le 25 novembre 1970.
Intervenants :
Pierre-François Souyri, professeur honoraire à l’université de Genève spécialiste de l’histoire du Japon Fausto Fasulo, rédacteur en chef des magazines "Mad Movies" et "ATOM" Tadao Takemoto, écrivain, spécialiste et traducteur de Malraux au Japon et vieil ami de Mishima Dominique Palmé, traductrice de Mishima chez Gallimard, spécialiste de littérature japonaise et de littérature comparée Julien Peltier, spécialiste des samouraïs, auteur de plusieurs articles parus sur Internet et dans la presse spécialisée, en particulier les magazines "Guerres & Histoire (Sciences & Vie)" et "Actualité de l'Histoire". Il anime également des conférences consacrées aux grands conflits de l'histoire du Japon Thomas Garcin, Maître de conférences à l’Université Paris 7 - Diderot, spécialiste de Mishima et de littérature japonaise Stéphane du Mesnildot, critique de cinéma, et spécialiste du cinéma japonais
Source : France Culture
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