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La Mort en été rassemble dix nouvelles qui portent les obsessions de Mishima pour un Japon traditionnel et sa fascination pour la mort.

La nouvelle qui donne le titre à l'ouvrage est celle qui m'a le plus fascinée. Mishima y raconte la mort d'un homme par seppuku et ses préliminaires. Un passage qui possède une tension et intensité inouïes encore extrêmement vivantes dans mon esprit, des années après sa lecture.

Une mort que Mishima a choisie pour lui-même, en la mettant en scène après un coup de force raté, une fin dont Marguerite Yourcenar, dans Mishima ou la Vision du vide paru en 1980, dit qu'elle est « l'une de ses oeuvres et même la plus préparée de ses oeuvres ».
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On a du mal à croire que certaines de ces dix nouvelles aient été écrites dans les années 50 à 60 : Yukio Mishima nous entraîne dans un Japon si traditionnel avec geishas, acteurs de Kabuki, rituels, croyances et superstitions, qu'il m'a parfois semblé qu'elles ne se déroulaient pas au XXème siècle.

Deux nouvelles se détachent loin devant les autres et justifient à elles seules la lecture de ce livre :
- "Patriotisme" est la plus percutante : magnifique et glaçante, écrite presque 10 années avant que Yukio Mishima ne fasse seppuku, elle met en scène la passion et le double suicide d'un jeune couple, mari et femme, follement amoureux l'un de l'autre et que la vie semble combler. Mais, lui, jeune lieutenant de l'armée impériale de 31 ans, ne pouvant se résoudre à exécuter l'ordre qu'il vient de recevoir et qui consiste à attaquer ses amis accusés de trahison envers l'Empereur, annonce à sa jeune épouse de 23 ans son intention de s'ouvrir le ventre. Elle, soumise et obéissante, à l'instar de la femme japonaise idéale, lui déclare immédiatement qu'elle le suivra dans la mort. Le couple va préparer de manière extrêmement soignée, codifiée même, leur double suicide, dans un idéal d'honneur et de pureté morale et physique où la mort se confond avec la passion. Cette nouvelle laisse supposer que bien des années avant de réaliser sur lui-même le rituel sacrificiel du seppuku, Mishima l'avait imaginé en détail, esthétisé, magnifié, glorifié.
- La nouvelle éponyme du livre, "La mort en été", aborde le drame terrible de la mort des enfants. Confiés à la garde de leur tante, les deux jeunes enfants de Tomoko se noient en mer tandis que leur tante succombe à une crise cardiaque en essayant de les sauver. Face à ce drame, les parents ne savent comment se comporter et au fil des jours qui suivent, se composent des attitudes de circonstance, des masques qu'ils croient être les plus appropriés au moment ou à leurs interlocuteurs. Avec sans doute un peu de perversité et de complaisance morbide, Mishima n'hésite pas à nous montrer toutes les phases du deuil de cette mère qui ne sait comment réagir, à la fois éperdue de douleur mais parfois d'un égoïsme confondant, qui cherche à avancer, engluée dans des sentiments et des envies contradictoires. Implacable, Mishima dissèque la lente évolution des émotions de Tomoko qui hésite entre l'oubli et la nécessité de se souvenir, qui se fustige d'avoir oublié, de rechercher du plaisir, qui s'apitoie sur elle-même et qui, pas à pas, se reconstruit aux côtés de son mari, lui, plus vite oublieux qui a choisi d'autres chemins comme ceux du travail ou de l'infidélité.

Une troisième nouvelle, sans être aussi forte et dramatique, m'a aussi beaucoup plu : "Les sept ponts" raconte le rituel de prières mené par trois jeunes geishas et une servante pour réaliser leurs voeux. Ce rituel consiste à traverser sept ponts de Tokyo en silence, sans prononcer un seul mot, tout en priant les divinités Shinto. Au cours de cette promenade un peu particulière dans Tokyo, dans la lumière du jour qui décline peu à peu, les pensées les plus inavouables des geishas nous parviennent : l'espoir de trouver un protecteur pour l'une, la folle envie d'être aimée pour l'autre, l'angoisse d'être interrompues dans leur quête et leurs prières avant d'avoir traversé le 7ème pont, leur mesquinerie et leur manque de générosité envers leurs consoeurs...

Les autres nouvelles sont plus inégales mais puisent souvent dans le registre des traditions pluricentenaires du Japon : une fable, une courte pièce de théâtre qui frôle l'absurde, une nouvelle sur l'attirance homosexuelle d'un passionné de kabuki pour un onnagata (personnage féminin typique du kabuki toujours interprété par un homme)...

Challenge Multi-défis 2020
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La mort en été de Yukio Mishima est un recueil de nouvelles magnifique. Une plongée intense dans les émotions et les sentiments. J'ai adoré.
J'ai acheté ce recueil intriguée par le titre La mort en été, comme la promesse d'une douce lueur au coeur de la noirceur. Et j'ai vraiment vraiment aimé la nouvelle éponyme, qui parle du deuil, des différentes formes de perte, de la colère sourde que cela nourrit puis de la rencontre avec une certaine forme d'apaisement. J'ai trouvé ce texte d'une justesse et d'une beauté terribles. Je reste marquée également par la nouvelle Patriotisme, un texte intense et violent, sur le sacrifice pour l'honneur d'un lieutenant et les différentes formes de fidélité, la fidélité à la patrie et la fidélité de son épouse dans le sacrifice. Et pour terminer, j'évoquerais La perle, qui m'a fait penser à la nouvelle De Maupassant que je préfère, La Parure, ou comment une perle va semer la zizanie dans un groupe d'amies et complètement redistribuer les cartes de cette amitié. Je ne peux  vous exposer mon ressenti sur chacune des nouvelles que comporte ce recueil, aussi j'ai choisi ces trois textes qui ont été les plus saisissants pour moi, mais il n'y a rien à enlever aux autres textes qui sont tout aussi beaux, je mettrais seulement un bémol sur Trois millions de yens que j'ai trouvée assez hermétique.
L'écriture de Yukio Mishima s'attache à faire ressentir chaque mot au lecteur, à faire résonner la poésie de son texte aussi fort que possible. Par sa plume, il diffuse toute une palette d'expression des sentiments qui nous touchent immanquablement.
La mort en été a été pour moi une très bonne lecture et surtout la belle découverte de cet auteur brillant qu'est Yukio Mishima qui nous donne à voir le Japon autrement.
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Après avoir lu la Mer de la Fertilité, tout ce que je lis de Mishima (ou quasi tout) me semble être des galops d'essai variés et plus ou moins intéressants. Toutes des pièces préparant cette masterpiece définitive. C'est le cas pour ce recueil de dix nouvelles.
Ce qui est ironique au possible et non sans rapport avec mon impression, c'est que l'une des nouvelles décrit le seppuku d'un personnage avec certain degré de précision, suicide auquel Mishima se livrera lui-même après avoir terminé son chef d'oeuvre.
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Un style parfait pour une histoire triste et riche en émotions qui décrit l'évolution psychologique d'un couple ayant perdu des enfants. Nouvelle d'une cinquantaine de pages sur la façon de surmonter la honte d'oublier l'inoubliable.
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Bien qu'elles soient assez mélancoliques, j'ai aimé ce recueil de 10 nouvelles qui plonge le lecteur dès le premier récit dans l'univers à la fois pessimiste et onirique caractéristique de Mishima.
« le prêtre de Shiga et son amour », « Les sept ponts » ou « Dojoji » explorent un Japon aux traditions séculaires empreint de poésie.
« La mort en été », « trois millions de yens » ou encore « Bouteille Thermos », racontent des histoires tragiques où les personnages évoluent dans un monde à la fois moderne et orthodoxe. On y découvre au fil des histoires des personnages tiraillés par leurs émotions se débattant entre ambiguïté et conformité pour vivre leur quotidien dans une société nippone codifiée à l'extrême.
La nouvelle « Onnagata » explore l'ambivalence sexuelle pendant que « Patriotisme » nous parle d'honneur, de beauté, d'amour et de Seppuku, préfigurant la vie et la fin tragique de l'auteur.
Je trouve qu'il est toujours intéressant lorsque l'on ne connait pas un auteur de commencer par des nouvelles, en ce sens « Mort en été » est à conseiller.
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. Dix nouvelles de Mishima des année 50-60 . 4 mettent en scène des
couples aux prises avec le deuil (La mort en été) les difficultés financières (Trois millions de yens) , des relations inégales (Bouteilles thermos /« Les langes ») dans un cadre moderne .3 autres se situent dans un Japon traditionnel (Le prêtre du temple de Shiga et son amour/ Patriotisme / Onnagata ) Deux mettent en scène la comédie sociale (Les 7 ponts/La perle) et les infinies complication des contraintes et des usages. Deux nouvelles se détachent par leur rapport avec la biographie de l'auteur : la très impressionnante « Patriotisme » et son double suicide rituel et « Onnagata » histoire d'homosexualité dans le milieu du théâtre kabuki. Au total un ensemble troublant et dépaysant .
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Le talent habituel de Mishima brille encore une fois de mille feux dans ce recueil de nouvelles de grande classe.

Bien entendu toute les nouvelles n'atteignent pas les sommets de profondeur du « Prêtre du temple de Shiga » , de « Bouteille thermos » ou de « La mort en été » mais même des récits qu'on pourrait qualifier de mineurs contiennent néanmoins une dose importante de finesse psychologique, d'étrangeté voir d'amoralité perverse.

On ne sort donc pas tout à fait indemne de ces voyages intérieurs et profonds qui accrochent l'ame et l'esprit dans leurs sinueuses circonvolutions.
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Seul et debout au bord du lac, le prêtre commença d'accomplir le rite sacré de la Contemplation de l'Eau.
Au même instant, une litière traînée par des boeufs appartenant de toute évidence à quelque grand personnage apparut au détour du lac, et s'arrêta près de l'endroit où se tenait le prêtre.
C'était la litière d'une Dame de la Cour qui portait le titre éblouissant de Grande Concubine Impériale et venait de Kyogoku dans la Capitale. Cette dame était voir le spectacle du printemps à Shiga, et en repartant, avait fait arrêter la litière et relever le store pour regarder le lac une dernière fois.
Machinalement, le Grand Prêtre tourna les yeux dans sa direction, et fut aussitôt anéanti par sa beauté. Leurs regards se rencontrèrent, et comme il ne fit rien pour détourner le sien, elle ne prit par sur elle de s'écarter. Ce n'était pas qu'elle eût l'esprit assez généreux pour permettre aux hommes de la fixer si effrontément, mais elle eut le sentiment que les mobiles de ce vieil et austère ascète ne pouvaient guère être ceux des hommes ordinaires.
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"La mort en été" est un des nombreux recueils de nouvelles qu'a écrites Yukio Mishima. Celui-ci regroupe dix textes écrits entre 1953 et 1966. On y retrouve les thèmes chers à l'auteur japonais : l'amour, le temps qui passe, l'honneur, le sacrifice, la mort.
Les nouvelles ici rassemblées forment entre elles un tout cohérent mais l'argument de celle intitulée "Patriotisme" emporte toute l'attention du lecteur. Celle-ci, écrite en 1961, met en scène un membre de l'armée impériale, le lieutenant Shinji Takeyama et son épouse Reiko. le militaire appartient par ailleurs à une société secrète qui a fomenté un coup d'État. Celui-ci vient d'échouer. Rentré à la maison, déshonoré, humilié, le lieutenant Takeyama et son épouse vont mettre en scène leur suicide par seppuku. C'est le récit halluciné, glaçant, inexorable, cette esthétisation de l'acte suicidaire poussée à l'extrême qui stupéfie.
J'ai éprouvé comme un malaise à la lecture de ce texte : l'aspect morbide de la scène déstabilise mais la maîtrise de la narration, la mise en tension de l'attitude des deux personnages, de l'instant court, est vraiment saisissante.

"Patriotisme" a servi d'argument au film "Yūkoku ou rites d'amour et de mort" qu'a tourné en 1965 l'écrivain lui-même. Dans ce film, Yukio Mishima y interprète le rôle du lieutenant Takeyama, révélant une fois encore son attrait pour les thèmes l'honneur de la patrie, le sacrifice, la sexualité et la mort.
En 1970, en réaction à un Japon occidentalisé, qui a perdu de sa culture et de sa souveraineté politique à l'issue de la Seconde guerre mondiale, Yukio Mishima décide de mettre à nouveau en scène le suicide (le sien) lors d'une tentative de coup d'état. Après les fictions littéraire et cinématographique, Yukio Mishima décida qu'elle devait prendre place cette fois-ci dans la réalité.
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