Des Lilas à Belleville

J'ai entendu parler de cette BD sur RTL. Ça m'a semblé une bonne idée d'aller y voir de plus près.
En fait ça n'est pas vraiment une BD, plutôt un récit autobiographique de l'ado Eddy Mitchell – ou P'tit Claude (son vrai nom est Claude Moine) – émaillé de belles illustrations de Ralph Meyer.

Petite déception : Eddy ne parle pas beaucoup de musique. Mais ce n'est pas sa faute ; cela veut dire que cette vocation est venue plus tard. En ce temps-là c'est le cinoche qui l'attire – il va voir plusieurs fois le même film – et les BD, parfois un Série Noire.
Le récit immerge pleinement dans ce quartier peu favorisé de Paris dans les années 1950. La famille d'Eddy n'est pas très aisée, mais l'affection que le chanteur porte à ces souvenirs irradie malgré tout. On sent la nostalgie, le « c'était quand même chouette ».

Chose étonnante : est en septembre et à aucun moment Eddy ne va à l'école. Pas grand-chose à faire pour les ados, du coup. P'tit Claude sort, traine, voit des potes au bar où il boit des cafés que parfois il évite de payer, sympathise avec le clochard du coin, observe les matelassiers – ces gars nomades en camionnette qui viennent recoudre les vêtements des ménagères – au travail. Il flirte un peu avec les loulous du quartier, et risque de mal tourner.
Il rêve d'une vie meilleure, d'avoir plus d'argent.
L'idée de la musique ne l'a pas encore atteint.

J'aimerais une suite, justement consacrée aux années yéyé et à son essor avec les Chaussettes Noires.
Peut-être…

… Lèche botte blues, je fais du lèche botte blues …

Grâce au P'tit Claude 14 ans, on remonte le temps, dans les années 50, une semaine à déambuler dans le Paris des « Fortifs ».
Ce sont les moments où à cet âge, on veut être vieux de quelques années de plus. Flirter, embrasser sur une mob une fringante jeune écervelée ! On rejoint ses potes, on côtoie des durs, on parie, on teste, on boit au troquet du coin un panaché.
Le P'tit Claude alias Eddy Mitchell, adore les façades de cinéma aux grandes lettres en volume. Des affiches de western, des films d'aventure qu'il partage volontiers avec son père.
Quartiers populaires avec fêtes foraines, porches, disquaires, posters, pubs rétro … et peut-être rendez-vous le samedi avec les caïds munies de matraque pour gagner 10000 balles …

Toute cette histoire est mise en scène et embellit de pleines pages de dessins. Un graphisme unique à la Ralph Meyer.
Le maître des westerns en bd, des années surannées… on en ressort conquis, ravis d'avoir partagé les souvenirs d'une star du rock n'roll blues à la française.

Allez la suite, les gars …

…. J'ai oublié de l'oublier …

Des pochettes de disque au roman illustré… Ralph Meyer et Eddy Mitchell voulaient à nouveau travailler ensemble. L'idée d'illustrer « P'tit Claude » le roman écrit par le chanteur paru en 1997 a germé.

Souhaitant préserver l'écriture d'Eddy Mitchell, Claude Moine de son vrai nom, Ralph Meyer réalise 25 illustrations pour accompagner une partie choisie du récit.

Nous voilà plongés avec P'tit Claude dans le Paris des années 50. Tout y est, les images et les odeurs. L'ado s'ennuie en ce mois de septembre, entre séances dans les cinés de quartier, balade dans les rues animées… L'argent manque et P'tit Claude a des rêves de grand. Et si le coup fourré proposé par Pépé était la solution ?

Eddy Mitchell mêle souvenirs et fiction pour raconter son adolescence. L'écriture est très visuelle et les aquarelles réhaussées de gouache de Ralph Meyer l' accompagnent à merveille. Ce Paris, que le dessinateur connait bien lui aussi, prend vie sous nos yeux dans des pages ou double-pages entières aux couleurs très bien choisies.

Même si on comprend sa volonté de garder le style original, on regretterait presque que Ralph Meyer n'ait pas choisi l'option BD pour adapter cette histoire. Un très beau livre qui pourrait en appeler d'autres…