A la recherche d'un passé obscur
L'amnésie, si on la prend du bon côté, ne serait-elle pas un cadeau du ciel ? Recommencer une vie à zéro, en larguant les amarres du passé : plutôt séduisant, non ?
Ce n'est en tout cas pas l'option choisie par le narrateur. Et on peut le comprendre : même dans un contexte normal, on passe généralement une bonne partie de sa vie à essayer de découvrir sa propre identité. Alors forcément, quand on en est dépourvu…..
Une fois le patron de l'agence privée qui l'emploie parti à la retraite,
Guy Roland – puisqu'il lui fallait bien un nom - pense que c'est le bon moment pour reconstituer ce qui a été son existence avant qu'un quelconque événement vienne tout effacer il y a sans doute très longtemps.
Au départ d'un nom retrouvé sur un morceau de papier,
Guy Roland va rencontrer un employé de bar que ce passé lointain n'intéresse plus tellement, au point de lui céder une boîte d'anciennes photos. Sur l'une d'elle, un groupe de personnes parmi lesquelles le narrateur pense se reconnaître. Avec le nom d'une de ces personnes figurant au dos d'une autre photo de la même série, un tout début de piste se dégage.
Notre homme avance à tâtons dans sa propre reconstitution, espérant et craignant à la fois constamment d'être reconnu par quelqu'un que lui-même ne reconnaîtrait pas. Il n'est même pas complètement certain de n'avoir rien fait de répréhensible, qui sait, quelque méfait qui lui vaudrait des ennuis s'il était identifié. Il découvre s'être appelé Pedro. Et même Pedro Mc Evoy. Mais rien n'est simple, ce patronyme s'avère être d'emprunt. Pour cacher quoi ?
Des fois, un lieu bien précis lui inspire un sentiment de déjà vu ; il s'y poste alors pendant des heures dans l'espoir de reconnaître une odeur, un son, une impression visuelle. de fil en aiguille, de personne interrogée en lieu scruté, la mémoire lui revient par bribes confuses. Et c'est là le tour de force de l'écrivain entretemps nobelisé : nous emmener tout le long du tunnel obscur que traverse notre Monsieur « Personne » au bout duquel il espère que la lumière du jour, en apparence inaccessible, viendra éclairer le passé du « Quelqu'un » qu'il était.