Chaque titre de livre choisi par
Patrick Modiano est un mystère et le titre de ce livre une préface à lui seul. Parcourez la liste des titres de ses ouvrages, tous suggèrent, vous touchent, aucun n'est insipide.
Rue des boutiques obscures, dresse une ambiance, donne le la, un itinéraire improbable, où les individus portent des noms d'emprunt, un espace louche ou les affaires se font ou se dénouent sans laisser de traces.
Jean-Louis Trintignant a prêté sa voix à Guy Roland, à une ombre, "je ne suis rien, strictement rien, j'ai tout oublié de mon passé", avoue Guy Roland ; je travaille pour Hutte, un détective privé, et il est peut-être temps de savoir d'où je viens.
C'est une voix brisée que j'entends quand Trintignant parle, comme si une autre histoire collait à celle de Guy Rolland, une femme qui aurait compté comme un père pour sa fille, comme un amant pour la femme de sa vie.
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Rue des Boutiques Obscures par cette voix, c'est oublier le présent, se laisser guider, par une fissure, un vide qui a tout effacé, sauf la douleur, le manque, un abandon toujours à vif.
Ce voyage dans le temps, est peut-être la voie d'une rédemption tant attendue, la sérénité enfin permise ou possible, un deuil d'espoirs brisés.
Vous êtes bien Pédro MacEvoy ? Je vous reconnais, "oui bien sûr, c'est moi". Il regarde cette photo et surtout son sourire, Il ne lui reste que cela, son sourire comme des bribes éparses d'un passé qui se dérobent. Qui suis-je, alors que la dame lui donne des bouts du puzzle dans cet atelier de confection, et de haute couture. Mais de qui parle t-elle. Ce sourire et cette femme Gay Horlow, si mystérieuse.
Mansour le photographe a lui aussi des clichés. Il a peur, une empreinte laissée par le passé, "cette drôle d'époque", Paris pendant la guerre. Mais rien ne vient aucune ombre n'impose sa présence, la magie de la photo n'opère plus. La neige s'était mise à tomber oppressante, tout devenait flou, et "de cela, il ne restait rien, pas même la traînée lumineuse que fait le passage d'une luciole".
La voix de Guy repasse en boucle ces paysages de neige, l'atmosphère ouatée, son front qui se penche sur
le mur blanc de la montagne et qui ne distingue plus rien. Wilmer affirmait que Besson le moniteur de ski, se maquillait pour faire croire à des cicatrices, un affabulateur à qui on ne peux pas faire confiance. Alors pourquoi avoir agit si vite ?
Ce russe, comme "la plupart d'entre eux, même de leur vivant n'avaient pas plus de consistance qu'une vapeur qui ne se condensera jamais".
Jean-Paul Sartre, faisant écho au mythe de Sisyphe de Camus, affirme que la vie est un plongeon dans le vide.
Modiano, le dit page 238, "après tout, c'est peut-être ça, une vie ; « des lambeaux, des bribes de quelque chose, qui me revenaient brusquement au fil de mes recherches"...
Modiano ajoute, " nos vies ne sont-elles pas aussi rapides à se dissiper dans le soir que ce chagrin d'enfant"?
A la fin du livre, capté par la voix de Trintignant, une émotion indicible, m'a envahit, le timbre de Jean-louis Trintigant flottait sur des mots d'une fausse douceur,
Modiano a creusé le poids de sa souffrance il ne s'est pas délivré de sa conscience, qui suis-je ? Qu'ai-je fais ?