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3,55

sur 718 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un pedigree, paru en 2005, est le texte le plus ouvertement auto-biographique de Patrick Modiano, il se place d'une certaine manière au centre de son oeuvre, dans laquelle l'auteur livre à chaque fois, sous des formes différentes, des bribes de sa vie, réelle ou transformée par le travail de la mémoire.

Ici, le livre commence presque comme un compte rendu d'état civil, sur des faits, des dates, qui concerne ses parents, et même ses grand-parents. L'auteur indique « Je tente, à défaut d'autres repères de suivre l'ordre chronologique ». Puis il égrène, dresse des listes des personnes que ses parents ont pu connaître pendant l'Occupation, moment où ils se sont rencontrés à Paris. Période que Modiano évoque régulièrement dans ses livres, et qu'il n'a pas connue, puisqu'il est né en juillet 1945. Mais qui est un moment essentiel de sa mémoire, mémoire hantée par les disparitions, les destructions, les morts. L'Occupation c'est la mémoire pré-natale, qui précède le sujet, qui est d'autant plus fondatrice que la génération précédente, celle de ses parents s'est tu à ce sujet. Et qu'il faut donc tenter de reconstituer, de redonner vie, de sauver de l'oubli, de l'anéantissement. Ce qu'il essaie de faire.

Avant de passer à ses souvenirs à proprement parlé. Souvenirs d'une enfance triste, solitaire. Sa mère qui passe sa vie en tournées, et qui le laisse à droite et à gauche dans des endroits douteux. Son père pas vraiment là, qui le voit dans des lieux publics, qui en profite pour traiter des affaires avec d'étranges ou inquiétants individus. Des séjours dans des internats, qui ressemblent à des prisons, miteux pour certains. Deux événements essentiels : un film où il va avec son père lui révèle la Shoah, et la mort de son jeune frère qui a à peine une dizaine d'année, d'une leucémie.

Et aussi, comme la seule lumière, le seul possible de sortir de tout cela, mais aussi d'une certaine manière de donner sens, de supporter, la littérature. Les livres lus, très jeune, et dont il se souvient, et qui l'accompagnent, malgré les interdits de certains internats, et puis aussi à un certain moment, l'écriture, comme la seule évidence.

Tout cela raconté dans un dépouillement extrême, sans aucun pathos, auto-apitoiement, ressentiment. Parce que ses parents ne sont que « Deux papillons égarés et inconscients au milieu d'une ville sans regard », victimes d'une époque, d'un contexte historique. Modiano essaie de comprendre, pas de juger, ni encore moins de condamner. Peut-être qu'il n'essaie même pas de comprendre vraiment, car ce n'est sans doute pas possible, mais il ressasse, il cherche, il fait ce travail de mémoire inlassablement. Sans illusions sur les bénéfices pour lui, cela n'effacera rien, ne permettra sans doute pas de surmonter, de passer à autre chose. Juste qu'il ne peut pas faire autrement que de transformer en littérature ce vécu, réel ou fantasmatique.

Une très grande littérature, bouleversante, alors que le ton, les mots sont si sobres, qu'ils semblent vouloir éviter l'émotion. Mais elle est là, authentique, vraie, parce que ce que Modiano raconte vient du plus profond de lui-même, du plus vital, et que son art de le mettre en mots est immense.
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J'ai débuté Modiano avec cet opus trés touchant , troublant car trés réel .
Certes c'est un roman autobiographique , mais pour autant Modiano évite tout les piéges du genre pour délivrer un opus à fleur de peau .
Au fond , l'on a tous un peu vécu ce qu'il décrit ici , il parle de maniére universelle , et il est vrai que l'on se retrouve tout à fait dans ce qu'il décrit .
Le style est beau , trés maitrisé , et on se laisse porter dans cette ballade ...
C'est un bien beau texte que voila .
Un opus à découvrir absolument !
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Ceci n'est pas un roman mais une rengaine, un rosaire, un chapelet de souvenirs egrenés comme on lit les noms des gares lors d'un voyage en train. Ce livre a l'effet hypnotique des généalogies bibliques et des hagiographies, celui de suites de noms, de personnes qui ont existé mais dont ne sait pas au juste qui elles étaient, et quels rapports complexes les ont liées, comme dans ces arbres généalogiques de familles nobles peintes sur des murs entiers, montrant sans expliquer. Et ce livre est la preuve que tout être humain a une filiation et qu'elle est toujours légitime parce qu'elle une des conditions de l'humanité.
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Deuxième livre de Modiano que je lis, après Rue des boutiques obscures cet été.
Bon, le Nobel n'y est pas pour rien...
Mais j'avoue que j'y prends gout.
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Récit autobiographique de son enfance, le parti pris narratif est terriblement intelligent. C'est un répertoire de lieux, de personnes rencontrées, d'évènements racontés sur un ton monotone et s'apparentant à un inventaire à la Prévert. Et cela fonctionne: la juxtaposition d'éléments confus accentue le monde sans repère dans lequel a grandi Patrick Modiano. le format très court de ce livre évite l'écueil de la lassitude et les dernières pages sur l'émancipation, l'entrée à la fois dans le monde adulte et dans sa vie d'auteur se terminent sur une note d'espoir.
Lien : https://yaourtlivres.canalbl..
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J'ai déjà lu plusieurs des livres de Modiano et je sais que j'aime cet auteur à l'écriture si singulière, intime et pudique. Mais je ne m'attendais pas à être si bouleversée par ce livre.

C'est donc l'histoire de l'enfance de Patrick Modiano jusqu'à ces 21 ans. On découvre un enfant très seul, abandonné à lui même par des parents très pris par leur vie d'adultes. La mère est comédienne et a le coeur sec, le père fait des affaires dont Modiano ne saura jamais véritablement de quoi il retourne. Cet enfant semble être livré à lui même, il doit répondre à ses devoirs d'enfant et suivre le courant des déambulations de ses parents. On sent la grande solitude de cet enfant, son manque d'amour et de regards.

Ce livre m'a bouleversée. Les larmes me brulaient les yeux à la lecture de certains passages où Modiano écrit avec une simplicité si belle des sentiments bien souvent invisibles à nos propres yeux.

Je crois que ce livre m'a fait devenir une inconditionnelle de cet auteur.
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Dans ses romans, Modiano s'efforce de faire remonter à la surface, ou plus exactement de redonner vie pour un moment, fut-il très bref à un passé disparu. D'où cette insistance sur les noms de rue, sur les noms des personnes rencontrées etc...
Dans Un pedigree, Modiano applique sa méthode à lui-même et à sa famille. Cela donne un livre bouleversant, magnifiquement écrit, à la fois autobiographique et universel dont il existe une version audio lue par l'un des plus grands comédiens français.
Quoiqu'il en soit Un pedigree est l'un de ces livres qui laisseront vraisemblalement une empreinte forte dans la mémoire du lecteur. Preuve s'il en est que Modiano réussit à nouveau son pari : faire revivre en lui, puis en nous un passé disparu, c'est-à-dire redonner vie aux morts.
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Mon premier livre de Patrick Modiano . Et pour connaître une personne , rien de tel que la découverte de son enfance ..Et quelle enfance ! Et quels parents ! On se croirait à une époque révolue : celle où l' enfant était considéré comme un mini adulte et non comme un être en construction avec sa psychologie particulière .Nous sommes tellement habitués à ce que l'enfant soit au centre de la famille ..




Les parents de Patrick Modiano sont devenus , semble-t-il , parents par accident : ils ne donnent ni l'affection , ni l'attention , ni la sécurité que tout enfant est en droit d'attendre . P .Modiano est un " élément " qui gène et plus il est loin de ses "géniteurs , mieux c'est . Son père , à un moment donné , le traite de "mal élevé " ..Il ne sait pas si bien dire . Son fils n'a pas été "élevé" du tout par des parents absents la plupart du temps .




Et pourquoi ? Ses parents ne peuvent pas lui donner ce qu'ils n'ont sans doute pas reçu .On ne sait pas grand chose d'eux, ni Patrick non plus d'ailleurs .Beaucoup de non dits empoisonnent leurs relations .* Ainsi , le père n'aborde jamais sa judéité( que P.Modiano découvre par hasard ) même quand ils vont aller voir "Le procés de Nuremberg " Et sa vie pendant la guerre ? Rien . Était-ce une façon d'effacer cette période si douloureuse ? Il a dû être traqué " parce qu'on l'avait rangé dans une catégorie bien précise du gibier alors que lui-même ne savait pas ce qu'il était exactement ." Comme son fils qui " s'est senti menacé, contraignant à être sans cesse sur le qui vive .

Son père voyage , voyage .Que cherche-t-il ? Il va de rendez-vous en rendez-vous ..Ses activités professionnelles sont troubles , clandestines .Son fils s'interroge et il voudrait "respirer un air plus pur " plus stable : on le fait changer si souvent d'endroits , loin de sa famille . Il se demandait " pourquoi l'on se trouvait à tel moment avec certaines personnes à tel endroit plus qu 'ailleurs . Il vit "en transparence ."




Cette stabilité, son père ne l 'a jamais trouvée et il aimerait que son fils ne suive pas le même schéma ..Dans une lettre , ne lui reproche-t-il pas sa vie fantaisiste ? Il l''exhorte à avoir plus de discipline et il l'encourage à obtenir des diplômes en vue d'une vie meilleure .




Par ce livre , P.Modiano se libère en mettant des mots sur ses manques .Ses phrases sont courtes , nominales , sans lien . Les idées se bousculent et ils les note comme elles viennent pour s 'en débarrasser Pas de commentaires .Pas de jugement. .C'est comme ça : "C'est le terreau ou le fumier dont je suis issu "




Mais " J 'avais pris le large avant que le pont vermoulu ne s'écroule " Il était temps " !
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La Feuille Volante n° 1215
Un pedigreePatrick Modiano - Folio.

D'emblée, le titre peut étonner même pour quelqu'un qui, dans son oeuvre, sinon dans sa vie, a toujours été à la recherche de ses origines. Ce terme s'applique cependant davantage à un animal qu'à un homme même si, au tout début, il donne lui-même le ton « Je suis un chien qui fait semblant d'avoir un pedigree ». Quand il explore sa généalogie, les origines de ses parents et en particulier de son père, il tombe sur des maîtresses plus ou moins exotiques, sur de la collaboration aux relents de mafia, une parenté juive matinée de Toscane, le tout hanté par des fantômes interlopes du marchés noir, des arrestations et des fuites du temps de l'Occupation, bref des racines troubles et obscures qui déboucheront sur son enfance et son adolescence placées sous le signe de l'abandon et du mystère. Est-ce pour échapper à cette période troublée ou simplement pour obéir à un impératif de liberté que son père et sa mère mènent une vie aventureuse chacun de leur côté, loin de Patrick, le narrateur et de son frère Rudy dans l'existence de qui s'invitent des noms connus mais rarement la présence de leurs parents ? A travers les mots, on sent que les deux enfants sont livrés à eux-mêmes, confiés au gré des occasions à des étrangers, à des religieux catholiques ou à un pensionnat aux allures militaires, qui se chargent de leur subsistance, de leur survie et de leur éducation, avec, en contre-champs ces parents plus ou moins impliqués dans les affaires louches, plus ou moins poursuivis par la justice. On le sent désireux d'aimer cette mère et ce père lointains (pourtant s'il révèle de prénom de son père, il ne mentionne jamais celui de sa mère), mais en face il ne trouve qu'indifférence et même transparence et après la mort de son frère il se sent encore plus seul et déstabilisé, devient fugueur, voleur. Sa mère est comédienne, absente de sa vie et elle n'existe pour lui que dans des lettres très épisodiques qui résonnent pour moi comme quelque chose de faux, surtout quand elle affirme qu'elle pense à lui. A titre personnel, cela me rappelle quelque chose de précis. Son père est un affairiste semblant toujours être en marge de l'honnêteté voire de la légalité. Il semble porter quelque intérêt à ce fils lointain, le gratifiant de balades, parfois de maigres subsides, lui prodiguant conseils, encouragements à obtenir des diplômes pour son avenir. de tout cela, il me semble qu'il ressorte une grande solitude pour le narrateur. Il est enfermé dans un collège catholique aux méthodes d'un autre âge, entre rituels religieux obligatoires, quotidien spartiate et intolérance révoltante, comme c'était le lot des enfants dont leurs parents voulaient se débarrasser et se réfugie un peu au hasard dans le cinéma, les bandes dessinées au début, puis ensuite dans la lecture de romans et de poèmes. Son approche de la littérature grâce à la fréquentation des bons auteurs lui donneront le goût de la culture, de l'écriture et formeront son style.

Puis c'est la spirale ordinaire d'un couple qui n'en a jamais été vraiment un et qui finit par divorcer, avec au milieu ce pauvre garçon encore mineur, confié à sa mère parce que c'était l'usage à l'époque. Entre les deux ex-époux qui le prennent à témoin de leur déchirements, il ne sait pas vraiment où se situer ni à qui se confier, avec en prime une période où il connaît la gène et même la dèche et qu'en même temps naissent en lui des rêves balzaciens. A cette époque il a l'intuition que l'écriture peut palier ce manque affectif, qu'elle peut-être, ce qu'elle est souvent dans ce genre de cas, une catharsis.

Selon son habitude, Patrick Modiano continue d'explorer à la fois le temps passé, celui qui donne le vertige quand on prend conscience de toutes ces années enfuies, de tout ce qu'on n'a pas fait, de tout ce qu'on aurait pu faire mais qu'on n'a pas pu ou pas osé et de cette jeunesse qui a été celle d'un garçon livré à lui-même, qui se cherchait, qui n'avait pas de véritable point d'ancrage à quoi se raccrocher. Pour lui vient enfin la majorité, l'ancienne, celle qu'on n'avait pas avant 21 ans, et qui est pour lui comme une libération. Il ne sera plus celui qu'on exile, celui dont on souhaite se séparer, celui qui connaît les pensionnats et les villes lointaines…

Celui qu'on a qualifié de Marcel Proust moderne eu égard à la recherche qu'il mène sur lui-même, pose une nouvelle fois une pièce à ce puzzle qui ainsi forme cette image un peu floue mais parlante, attachante en tout cas, pour qui sait l'apprécier. Ce texte est un jalon supplémentaire dans cette quête intime de son enfance et de son adolescence, deux périodes dont on ne guérit jamais complètement.

© Hervé GAUTIER – Février 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Un pedigree

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J'écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n'était pas la mienne. Les événements que j'évoquerai jusqu'à ma vingt et unième année, je les ai vécus en transparence - ce procédé qui consiste à faire défiler en arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup d'autres ont ressentie avant moi: tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie...
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