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Klaus Modick (Autre)
EAN : 9782374252551
176 pages
Rue de l'échiquier (21/01/2021)
3.76/5   27 notes
Résumé :
Un botaniste vieillissant, de renommée internationale, se retire dans sa maison de famille dans la campagne allemande pour écrire un ultime ouvrage visant à critiquer les méthodes de la botanique moderne.
À mesure qu’il avance dans la rédaction, et alors que sa force physique décline, son visage progressivement envahi par une mousse verte et mystérieuse, il réalise que son travail scientifique l’a en réalité tenu à l’écart de la nature, de sa vitalité et de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Ce court roman se présente comme un manuscrit posthume écrit par un botaniste septuagénaire, le professeur Lukas Ohlburg, retiré dans une maison familiale en pleine forêt en Basse-Saxe. Il y dévoile son projet de rassembler ses essais scientifiques en un seul ouvrage. Mais le manuscrit est aussi rempli de réflexions très personnelles, introspectives sur son passé ainsi que sur le sens de sa vie.

Le récit serpente, se déplace tranquillement à travers les détails de la mémoire de Lukas, son enfance auprès d'un père rigide tentant vainement de contrôler la nature sauvage dans la cabane forestière, les premiers expériences amoureuses, les relations à son frère. Cette promenade mémorielle, qui écume les événements, s'entrelace avec une fin de vie qui apparaît comme un grand moment de clarté et de simplification, comme un retour aux sources permettant à Lucas de réexaminer sa vie, à commencer par son activité de scientifique.

Il réalise avec mélancolie, sans colère ni désespoir, que ses connaissances scientifiques ne l'ont pas permis d'arriver à une compréhension profonde de la nature. Klaus Modick présente très bien cette dilatation de l'esprit, cette prolifération de la pensée qui le conduit à remettre en question ses certitudes. La terminologie et les classements scientifiques aliènent le regard porté sur la nature, ne rendent pas justice à sa réalité esthétique et sensuelle, font perdre l'émerveillement face à la beauté.

Si les passages strictement scientifiques m'ont quelque peu perdue et fait décrocher, ceux sur la reconnexion libératoire à la nature sont absolument superbes. Surtout lorsqu'ils se tentent de fantastique avec la métamorphose végétale de Lukas qui se couvre de mousse, . Très belle idée aussi que d'explorer ce besoin de transcendance à l'heure de la mort à travers la fascination pour ces organismes végétaux apparemment aussi insignifiants que sont les mousses.

Face à une introspection aussi intime et contemplative, la lecture se poursuit nimbée de solennité et de recueillement, intrigante parfois désarçonnante mais toujours questionnante sur le mystère du vivant.
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Petit recueil d'écologie poétique

Publié dans son pays d'origine en 1984 et déniché par les éditions Rue de l'échiquier, ce premier roman de Klaus Modick est un étonnant mélange d'érudition scientifique et de poésie. Une écofiction remarquable.

C'est par l'intermédiaire du frère de son auteur, Franz, que le manuscrit de ce curieux livre est parvenu jusqu'à son éditeur, du moins si l'on en croit la «Note préliminaire de l'éditeur». Un texte qui nous donne aussi l'occasion de faire plus ample connaissance avec le personnage au coeur du roman, Lukas Ohlburg, un botaniste passionné et les circonstances de sa mort: «Mon frère était étendu devant son bureau, dans un état de légère décomposition dû au haut degré d'humidité qui régnait dans la maison. Curieusement, des mousses étaient apparues sur son visage, en particulier autour de sa bouche, de son nez et de ses yeux, ainsi que dans sa barbe.»
La mousse comme une sorte d'obsession pour Lukas Ohlburg qui a pris soin de barrer le titre prévu pour son livre de la critique de la terminologie et de la nomenclature botaniques et de le remplacer par Mousse. On dira qu'il a bien fait, à la fois pour s'ouvrir à un lectorat plus large et parce que la quasi-totalité du livre va traiter de cette espèce botanique particulière qui va l'accompagner jusqu'au-delà de la mort. Cette mousse qu'il trouve au bord du lac qu'il a pris l'habitude de traverser à la nage. Une activité qui n'est pas sans risques à son âge, mais qui lui permet de réfléchir et d'observer.
La mousse, c'est aussi cette plante qui s'est installée sur les tuiles du toit et que son frère aimerait voir disparaître. Aussi a-t-il mandaté un artisan pour procéder au grattage et au nettoyage du toit. Il sera finalement congédié par le scientifique avant d'avoir fini, car cette tâche lui était devenue trop pénible à supporter. C'est parce qu'elle le ramène à un traumatisme d'enfance, quand la famille venait s'installer là pour les vacances. Tandis que sa mère nettoie la maison et que le père retrouve les habitants à la taverne, les enfants doivent nettoyer le chemin à la brosse: nous «grattions la mousse jusqu'à ce que nos mains nous brûlent et que notre dos et nos genoux nous fassent mal, afin que notre père, à son retour, puisse depuis le léger brouillard de schnaps et de bière où il se trouvait dire ce qu'il disait toujours: Voilà. Là, on peut vivre.»
Pour le vieil homme qu'il est aujourd'hui, on peut vivre avec la mousse. C'est d'ailleurs désormais sa mission, vivre avec la nature, dans une sorte de communion. Un ascétisme qui ouvre son esprit, qui éclaire ses observations. Il comprend alors les limites de la science, celle qui nomme et celle qui classe, et se rapproche du vrai, de l'authentique, à savoir les sensations et la poésie. Entendre une bûche crépiter dans la cheminée, observer la mousse qui colonise les endroits les plus insolites, sentir les odeurs et la vibration du soleil sur ses yeux clos... le vieil homme a compris que ce manuscrit sera son testament, alors il dit tout de sa vie, de ses recherches, de ses doutes, mais aussi de la chance qu'il a à faire partie de ce cycle de la vie. Alors quand la mousse s'installe dans sa barbe, il est heureux. le bonheur est vert.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Lukas Ohlburg était un botaniste de renommée internationale.
A sa mort, après avoir vécu ses derniers mois isolé de plein gré dans la maison familiale au coeur de la campagne allemande, il revient à son assistant de longue date de trier ses articles non publiés.
Ainsi commence l'histoire et le dernier journal du scientifique.

Lukas Ohlburg y livre ses pensées et l'on voit, petit à petit, sa perception changer. Il se rend compte que le travail de classification botanique qui l'a occupé toute sa vie l'a égaré, que la science à laquelle il a voué tout son esprit lui a masqué le vrai savoir. En affrontant sa propre mortalité, il découvre que la connaissance du monde naturel ne vient pas d'une démarche intellectuelle, mais d'un simple sentiment d'émerveillement. La science cède la place à la connexion, son corps ralentit, son esprit se dilate, sa mutation végétale commence et sa fascination pour la botanique culmine dans une compréhension profonde du sens de la vie et de sa propre fin.

Cette écofiction est le premier roman d'un grand auteur allemand, publié en 1984 mais inédit en France.
Un texte qui peut dans un premier temps dérouter. Il faut accepter de se laisser porter pendant quelques pages pour apprécier pleinement l'introspection à laquelle se livre notre botaniste. Mais si vous passez ce cap, vous découvrirez un roman qui vient nous parler avec poésie et tendresse de notre rapport à la nature et à la beauté de l'infime.

Traduit par Marie Hermann
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Lukas Ohlburg, un vieux botaniste, revient dans la maison de son enfance pour y écrire un livre sur un sujet où il fait référence. Dans cette solitude choisie, son quotidien va s'entremêler aux souvenirs de sa vie et de son enfance. En fil rouge, il y a la mousse, celle qui verdissait les dalles rouges du jardin et que son père faisait nettoyer par ses fils à chaque début de vacances dans cette maison, celle étudiée pendant ses cours de botanique à la fac et enfin celle présente autour dans la nature environnante tandis qu'il écrit ces lignes.
Petit à petit, ses pensées glissent de la rationalité (données scientifiques de botaniste à l'appui) à un discours plus poétique. de la nature décortiquée et classifiée, le narrateur se laisse emporter vers une vision dénuée du sens commun. Cette mousse qui, selon lui, ne sert à rien, devient son obsession, au point qu'il finit par souhaiter, sachant sa mort approcher, se fondre en elle.
Il y a sûrement plusieurs niveaux de lectures à ce livre un peu étrange selon moi. Je l'ai perçu comme un appel à un retour à l'essentiel. Peut-être devrions-nous reconsidérer nos vies avec moins d'importance, revenir à l'essentiel en déconstruisant ce que nous avons appris...
Un livre pour le moins intrigant, à relire à différents moments de sa vie.
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Une fascinante mise en roman de la métaphore invasive de la mousse pour ébranler nos certitudes face au vivant maltraité.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/02/03/note-de-lecture-mousse-klaus-modick/

C'est que sous le signe officiel du « Coucher de soleil dans la forêt » de Conrad Ferdinand Meyer et sous celui beaucoup plus officieux du « Annihilation » de Jeff VanderMeer, il se joue ici, bien au-delà de l'errance obsessionnelle, avec ses moments volontaires et ses moments involontaires, d'un scientifique presque littéralement au bout d'un certain rouleau, comme un affrontement feutré au sujet des frontières du vivant, de la différence constitutive entre règnes, et des mécaniques d'hybridation, métaphorique et matérielle, des stratégies invasives, douces ou non, qui pourraient être envisagées pour modifier nos repères existentiels lorsqu'ils ont prouvé leur inanité destructrice – et c'est bien pour cela sans doute que ce texte si profondément étonnant – fascinant, même – de Klaus Modick se glisse insidieusement, comme à son corps moussu défendant, parmi les fondations de la philosophie écologiste contemporaine : comme si, pour mener à bien cette investigation consciente et déterminée d'un phénomène végétal comme métaphore totale et englobante, Bruno Latour, Philippe Descola et Baptiste Morizot s'étaient subrepticement ligués pour convaincre David Cronenberg de réaliser « La mousse » plutôt que « La mouche ».
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Il existe sans doute en nous une impulsion profonde qui nous conduit à répéter ce que nous avons vécu. Ce n’est pas la régression sénile de la vieillesse, mais une manière productive d’être prêt à raviver les expériences de l’enfance. Mais à quoi riment des expériences dont ne reste que le souvenir ? Et celles qu’on raconte ? Cette impulsion semble s’accentuer à mesure qu’on approche de la fin de sa vie. Un cycle se clôt. Des débuts s’achèvent. La connaissance se court-circuite avec l’expérience, l’expérience avec la mémoire, la mémoire avec les histoires racontées. La mousse dans laquelle je me repose après avoir nagé, qui suinte entre mes orteils, et qui atteint à cette heure la même température que l’eau et l’air – et mon propre corps -, doit être familière de ces processus ; mais aussi du sentiment de futilité que cette impulsion cache. La mousse est une plante archaïque. Introvertie, autosuffisante. Il y a bien longtemps, elle s’est adaptée à la vie sur la terre ferme dans ce qui me paraît être une lutte héroïque ; mais ce faisant, elle s’est fatiguée, épuisée, car elle est restée figée dans sa conception initiale sans n’être visiblement plus capable de mener à son terme le processus d’évolution qui s’était déclenché en elle. Si les plantes ont une capacité de mémoire, non pas une mémoire consciente ou cérébrale, mais génétique, et je ne doute pas que ce soit le cas, la mémoire des mousses serait celle de leur origine, de leur parenté avec les algues. Il est impossible que la mousse rompe tous ses liens avec son passé marin. L’évolution des algues vers la mousse a ainsi accompli une sorte de cycle, revenant, bien que différemment et dans une meilleure version, à son point de départ. En retraversant le lac à la nage pour rentrer, je souris en repensant à la plaisanterie de mon médecin sur les algues et je m’arrête au milieu en faisant le mort. Je prends une grande inspiration, m’étends immobile dans l’eau, regarde en plissant les yeux en direction du soleil couchant, suspendu, comme empalé sur la pointe des pins, et je me demande s’il y a une différence entre s’enfoncer et s’élever, étendre ses racines et ses ailes, connaître et s’étonner, l’être et la conscience, je ne trouve pas de réponse parce que j’en cherche une, j’expire profondément, je recommence lentement à tracer mes couloirs.
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L’annihilation du nom par le concept, de l’expression vivante par le terme scientifique, a accéléré et scellé l’éloignement de l’humanité de la nature qui l’entoure. Naturellement, la perte d’un nom et d’une forme ne survient que dans la mort, où les êtres se décomposent, aboutissent à une grande dissolution de la forme, tout comme les ruisseaux, les rivières et les fleuves perdent leur nom lorsqu’ils se jettent dans la mer. Lorsque, par le passé, on identifiait les prisonniers avec des numéros, on les rayait de la liste des individus, les exilait dans un espace dépourvu de mémoire. Même face aux lopins de terre, aux lieux, aux villes, la numérotation ne s’arrête pas ; les codes postaux détruisent nos habitats. Le fait qu’aux États-Unis, les rues portent des numéros plutôt que des noms n’a cessé de me déranger pendant les années que j’y ai passées. Maintenant, je sais pourquoi.
J’entends des collègues me demander en criant si je n’ai pas perdu la tête. Je leur réponds que je me suis rarement senti aussi lucide que ces jours-ci.
Le fait que les plantes, les animaux, les personnes, les rues et les lieux aient des noms ne représente en réalité qu’une partie de la vérité sur les relations entre les mots et le réel. L’autre partie, qui nous échappe, est que les noms eux-mêmes ont des choses, que les choses sont des noms, qu’autour des noms se sont formés des champs de force où la réalité matérielle et intellectuelle de l’environnement s’ajoute au nom. C’est ainsi que les choses annoncent leur vie. Un nom établi est donc, sur le plan biologique, le résultat d’un processus mimétique. Nous connaissons les ruses protectrices de certains animaux qui, surtout grâce à leur couleur, mais parfois même à leur forme, s’adaptent aux corps animés et inanimés qui les entourent. Le rayonnement mimétique des noms semble englober dans sa puissance tout ce qui a été, tout ce qui vit, la mort manifeste – et ce, malgré elle. De la vie vécue. C’est cela qu’un nom conserve. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle ce savoir ne me parvient que maintenant, à l’approche de la fin, une fois traversé le blindage des chars de la science.
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Mon père était considéré comme un excellent pédagogue. Et nous, ses fils, grattions la mousse jusqu'à ce que nos mains nous brûlent et que notre dos et nos genoux nous fassent mal, afin que notre père, à son retour, puisse depuis le léger brouillard de schnaps et de bière où il se trouvait dire ce qu'il disait toujours: Voilà. Là, on peut vivre. p. 44
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Vous recevrez aussi un colis en recommandé contenant un manuscrit de mon frère décédé. Comme vous le savez, il a laissé, en plus des textes scientifiques que vous avez édités, de nombreuses notes personnelles, essentiellement des journaux intimes que j’ai détruits sans les lire dans le respect de ses dernières volontés. En ce qui concerne la nature du manuscrit dont il est question ici, je me suis longtemps demandé s’il s’agissait de notes personnelles ou d’un texte écrit en vue d’être publié. Après plusieurs lectures, compliquées par le fait qu’une partie du manuscrit est rédigée en sténographie, j’en suis venu à la conclusion que mon frère avait conçu ces notes comme appartenant à De la critique de la terminologie et de la nomenclature botaniques. Même si j’ai de sérieux doutes quant à une éventuelle publication, celle-ci devrait être conforme aux intentions de mon frère. Cependant, avant d’entrer dans le détail, je dois vous donner quelques précisions sur la mort de ce dernier, qui pourraient apporter un éclairage particulier sur ce texte étrange.
Comme annoncé officiellement, mon frère a été retrouvé mort dans la maison de campagne de l’Ammerland que nous possédions tous les deux. Le décès, pour autant qu’on ait pu le déterminer, est daté du 3 mai 1981, et sa cause est une insuffisance cardiaque. Mon frère s’était isolé en septembre 1980 dans cette maison pour travailler à son projet. Bien que son cœur ne lui assurât pas le meilleur état de santé, il tenait à garder son autonomie, refusant catégoriquement toute aide domestique. Vous savez sans doute mieux que moi à quel point il pouvait se montrer têtu, surtout dans son travail. Je lui ai rendu visite à Noël 1980. Il m’a donné l’impression d’être satisfait, détendu et plus joyeux qu’à l’accoutumée. Le seul changement que j’ai remarqué est la barbe qu’il s’était laissé pousser. Il semblait en pleine possession de ses moyens intellectuels. Aujourd’hui, je dirais bien entendu que certaines de ses déclarations auraient dû me mettre la puce à l’oreille. Le 11 mai 1981, j’ai reçu un appel du commissariat local m’annonçant sa mort. Je me suis rendu sur les lieux le jour même. Hennting, un voisin agriculteur, avait appelé la police parce que contrairement à ses habitudes, mon frère ne s’était pas présenté chez lui pour récupérer son courrier et faire ses courses. Quand je suis entré dans la maison, sa dépouille avait déjà été transportée au village de Wiefelstede. Le médecin qui a émis le certificat de décès m’en a fait la description suivante. Malgré la pluie qui était tombée les jours précédents, les portes et les fenêtres étaient restées ouvertes. Mon frère était étendu devant son bureau, dans un état de légère décomposition dû au haut degré d’humidité qui régnait dans la maison. Curieusement, des mousses étaient apparues sur son visage, en particulier autour de sa bouche, de son nez et de ses yeux, ainsi que dans sa barbe. Pour des raisons évidentes, son corps avait immédiatement été placé dans un cercueil. Cependant, à l’exception de sa barbe sauvage, mon frère ne m’a pas paru négligé ni sous-alimenté. La maison était, je m’en suis moi-même assuré, propre et rangée, à une étonnante exception près : il y avait partout des amas et des coussins de mousse, le bureau en étant couvert, tout comme le sol. L’oreiller du lit en accueillait même plusieurs sortes, dont certaines avaient séché, et d’autres, du fait de l’humidité régnant dans la maison, étaient encore vertes. Cette situation explique la « moussification » de la dépouille de mon frère. Sur son bureau se trouvait, au milieu des mousses, le manuscrit en question ainsi qu’un stylo à plume ouvert. Ainsi, il semblerait que mon frère soit littéralement mort au travail.
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J’aurais dû revenir ici plus tôt. Ai-je eu peur des souvenirs ? Je voulais être productif, mener à bien un projet, faire sortir quelque chose de moi-même – quelque chose dont le sens me semble de plus en plus insaisissable au fur et à mesure que j’accepte, tandis que ma résistance s’amenuise, de me contenter ‘être là. Cette acceptation implique aussi une sérénité, une sorte d’adieu au monde empirique, dont je me détourne, auquel je deviens indifférent. Du fait de cette indifférence, rien ne me paraît désormais plus important que tout le reste. Je ne lis presque plus les journaux, je me tiens à distance des télévisions et des radios, ne leur prête plus aucune attention. Depuis plusieurs jours, je ressens une sorte de vertige, un évanouissement ; pas ceux des attaques brutales de mes infarctus, qui m’ont obligé à devenir professeur émérite il y a quelques années. Mais plutôt le sentiment d’être tiré doucement vers le bas, bien qu’il soit impossible de décrire très précisément l’orientation de ce mouvement. De façon générale, depuis mon arrivée, mes pensées, mes idées et mes sensations sont confusément dépourvues de direction et de but. Elles brillent d’une faible clarté qui m’était totalement inconnue jusque-là, dans une omniprésence vague, indéterminée. Ma perception de cette déconcentration négligente est néanmoins intense, très explicite. Bien que je ne sois pas venu ici pour me laisser aller, je ne m’y oppose pas.
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